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Contexte Monsieur R. est manager au sein d'une société depuis plusieurs années. Sa compétence et ses bons résultats sont reconnus par sa hiérarchie et récompensés par diverses promotions, titres et primes. Suite à une réorganisation de la société qui l'emploie (1), un appel à candidature interne est lancé pour pourvoir le poste de directeur des ventes pour le Benelux qu'il occupait jusqu'ores. Monsieur R. n'est pas sélectionné. Il adresse alors un courriel à la responsable des ressources humaines pour être fixé de manière officielle sur sa position au sein de la société tout en rappelant qu'il avait posé sa candidature à une autre fonction et était ouvert à tout autre emploi alternatif. Aucune suite n'est réservée à ce courriel malgré les rappels subséquents. Pire, il est licencié quelques semaines plus tard. Le revirement d'attitude de sa direction après des années de très bons et loyaux services ne peut s'expliquer selon lui que par son cancer, porté à la connaissance de son employeur. En effet, dans le cadre de la réorganisation son poste a été ouvert à candidature alors que le poste équivalent pour un autre territoire a été attribué automatiquement au directeur qui était alors en fonction. Par ailleurs, le commercial à qui son poste a été attribué, outre le fait qu'il est moins qualifié et expérimenté que lui, a atteint dans le passé de très faibles résultats. Contrairement à ce qui fut le cas pour certains autres de ses collègues, aucune autre fonction ne lui a été proposée et lorsqu'il a posé sa candidature à d'autres postes ouverts, aucune suite n'y a été réservée. Enfin, sa demande adressée aux ressources humaines pour savoir s'il aura leur appui face à des candidats extérieurs est également demeurée lettre morte. Peiné et contraint de devoir postuler ailleurs malade, Monsieur R. sollicite en sus du paiement des indemnités classiques, une indemnité pour licenciement discriminatoire équivalente à six mois de rémunération. Un refus lui est notifié, raison pour laquelle, il saisit le tribunal du travail. Saisi de ce différend en appel, la Cour du travail rappelle que la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination a pour objectif de créer, un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l'état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l'origine sociale. Elle interdit toute forme de distinction directe et indirecte sur base des critères susmentionnés dans les limites qu'elle fixe. Ainsi, une distinction directe fondée sur l'un des critères protégés peut être justifiée par des exigences professionnelles essentielles et déterminantes (2) dont il appartient au juge de vérifier le bienfondé. De la même manière, une distinction indirecte est discriminatoire à moins que la disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction indirecte soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires ; ou, à moins que, en cas de distinction indirecte sur base d'un handicap, il soit démontré qu'aucun aménagement raisonnable ne peut être mis en place. Le champ d'application de la loi s'étend notamment aux relations de travail en ce compris la décision de licenciement. La loi organise un partage du fardeau de la preuve d'une telle discrimination. En effet, le législateur a été attentif à la position de faiblesse dans laquelle se trouve la victime de la discrimination par rapport à l'auteur de l'acte ainsi qu'à la difficulté pour elle de rapporter la preuve de la discrimination. Ainsi, l'intéressé devra démontrer des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination. Il incombera alors à l'autre partie de prouver qu'il n'y a pas eu de discrimination. En l'espèce, le travailleur doit donc établir un faisceau d'indices qui confère au comportement de son employeur un caractère suspect et permet ainsi d'établir une présomption de discrimination. En l'espèce, le tribunal du travail puis la Cour saisie en appel (3) estiment que ceux-ci sont établis dans la mesure où (i) le poste de Monsieur R. a été attribué avec un processus de sélection alors que le poste équivalent pour un autre territoire a été attribué automatiquement à la personne qui occupait cette fonction avant la réorganisation, (ii) que l'employé qui a été choisi pour succéder à Monsieur R. suite à la sélection apparaissait moins qualifié et expérimenté que ce dernier, (iii) que Monsieur R. n'a pas accusé la moindre réaction à ses emails adressés aux ressources humaines concernant son avenir au sein de la société ni d'ailleurs à sa candidature à un poste ouvert mais a au contraire été licencié et que (iv) la question reste entière de savoir pour quelle raison autre que sa maladie aucun autre poste n'a pu lui être confié. La Cour considère que l'employeur n'apporte aucune explication satisfaisante au licenciement de Monsieur R. dont elle avait reconnu les compétences et le mérite. Elle conclut donc à l'existence d'une discrimination. Dans son courrier adressé à la direction, Monsieur R. avait expliqué qu'un manager lui avait laisser entendre que la société ne prendra pas le risque de le reprendre avec sa maladie. Avant d'entamer la procédure, Monsieur R. avait écrit à sa direction en y justifiant sa demande car, selon ses termes, " outre la peine que cela me fait, il m'est également très difficile de retrouver un emploi dans ma situation actuelle ". Si l'on peut comprendre le souci de rentabilité d'une entreprise, rien ne justifie qu'une personne soit licenciée en raison de son état de santé de surcroît après de nombreuses années de bons, rentables et loyaux services. Monsieur R. n'a malheureusement pu en être témoin car il est décédé et l'instance a été reprise par son épouse à qui l'indemnité a été allouée.