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La grippe étant une maladie saisonnière, la période d'administration du vaccin influenza est clairement définie. Chaque automne, on recommande d'immuniser les différents groupes à risque contre la grippe afin qu'ils soient protégés au moment où l'épidémie attendue se manifeste au cours de l'hiver(1). Ces groupes à risque sont largement les mêmes que ceux qui sont concernés par la vaccination contre le pneumocoque(2), la grande différence étant que les infections à pneumocoques ne sont pas saisonnières mais peuvent se rencontrer tout au long de l'année, ce qui signifie que l'administration du vaccin aussi peut être envisagée à n'importe quel moment. Pour le Dr Van Bleyenbergh, la vaccination contre la grippe est toutefois l'occasion rêvée d'aborder également celle contre le pneumocoque et d'administrer les deux produits simultanément s'ils sont tous deux nécessaires. Cette approche est tout à fait défendable: plusieurs études ont démontré que l'administration concomitante des deux vaccins n'a aucun impact sur leur sécurité ou leur efficacité... et elle pourrait contribuer à booster le taux de vaccination contre le pneumocoque dans notre pays, qui ne s'élève actuellement qu'à 15%. C'est nettement moins que pour la grippe, où ce pourcentage oscille entre 55 et 75%. Mais pourquoi ce chiffre est-il si faible? Le Dr Van Bleyenbergh l'explique par plusieurs facteurs. Tout d'abord, il y a moins de campagnes pour promouvoir la vaccination contre le pneumocoque, qui est aussi moins entrée dans les moeurs - il semble notamment que les généralistes y pensent moins qu'au vaccin influenza. Un autre élément qui joue un rôle dans une certaine mesure est que la pneumonie à pneumocoques est encore trop souvent perçue comme "moins grave" et répond bien à un traitement par antibiotiques. Le Dr Van Bleyenbergh souligne toutefois que cette vision des choses n'est pas tout à fait justifiée, car une pneumonie à pneumocoques n'est pas sans danger et peut avoir de lourdes conséquences pour la santé. On sait notamment que le risque de mortalité cardiovasculaire augmente après une pneumonie à pneumocoques, mais aussi que celle-ci se solde parfois par une perte d'autonomie. Un autre facteur qui entre en jeu est que les patients eux-mêmes semblent aussi moins bien informés de l'existence des vaccins contre le pneumocoque: dans une enquête récemment réalisée à l'UZ Leuven, plus de 80% n'en avaient pas du tout conscience, alors qu'ils déclaraient par contre être ouverts à la vaccination. Enfin, il faut encore citer l'obstacle financier: contrairement aux vaccins contre la grippe, ceux qui protègent contre le pneumocoque ne sont actuellement pas remboursés. Cet aspect a certainement un rôle à jouer, car le taux de vaccination est clairement plus élevé dans les pays voisins où un remboursement existe. L'avis formulé en octobre 2021 par le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) stipule que les vaccins Covid-19 peuvent être administrés en même temps que les vaccins influenza(3), et des essais cliniques démontrent que ceci n'affecte pas leur sécurité ou leur efficacité. Les vaccins Covid-19 et les vaccins pneumocoques aussi peuvent être administrés simultanément: les essais cliniques à ce sujet sont encore en cours mais, tout comme les CDC américains, le CSS part du principe que l'administration concomitante peut être envisagée, puisqu'il s'agit dans les deux cas de vaccins non vivants. Le Dr Van Bleyenbergh pense toutefois que cette vaccination simultanée n'est pas encore pour cette année. Au vu des contraintes logistiques associées aux vaccins Covid-19 (respect de la chaîne du froid, conditionnement multidoses...), il est en effet peu probable que ces derniers puissent être administrés en médecine générale cet automne. Selon toute vraisemblance, les centres de vaccination reprendront du service en se focalisant spécifiquement sur l'immunisation contre le Covid-19. Pour l'heure, il semble donc plus logique d'envisager cette dernière indépendamment de la vaccination contre la grippe et/ou contre le pneumocoque. Les groupes cibles ne sont pas non plus tout à fait identiques, sans compter que le timing optimal d'une nouvelle vaccination contre le Covid-19 reste encore assez flou et dépendra de considérations épidémiologiques. Nous disposons actuellement en Belgique de deux vaccins antipneumococciques destinés aux patients adultes: un vaccin polysaccharidique 23-valent (VPP23) et un vaccin conjugué 13-valent (VPC13). Les recommandations actuelles du CSS se basent donc logiquement sur ces deux vaccins(2). Pour la plupart des groupes à risque, on recommande une double vaccination au moyen d'abord du VPC13, suivi du VPP23 après un délai d'au moins un an chez les individus en bonne santé âgés de 65 à 85 ans (au moins huit semaines chez les sujets à haut risque). Chez les seniors de 65 à 85 ans en bonne santé, on peut également envisager de n'utiliser qu'un seul des deux vaccins ; on optera alors pour le VPP23 afin d'obtenir une protection la plus large possible. De nouveaux vaccins pneumocoques devraient toutefois faire prochainement leur apparition sur le marché belge, puisque l'Ema a récemment approuvé deux nouveaux produits destinés aux patients adultes, un vaccin conjugué 15-valent et un vaccin conjugué 20-valent(4,5). Comme il s'agit dans les deux cas de vaccins conjugués et qu'ils contiennent davantage de sérotypes, on s'attend à ce que le CSS formule encore avant la fin de l'année un nouvel avis sur les modalités d'immunisation optimales des différents groupes à risque au moyen de ces nouveaux vaccins. Il est difficile de prédire à ce stade quelle en sera la teneur et quelle place occupera encore l'actuel vaccin polysaccharidique 23-valent. L'avènement de ces nouveaux vaccins va toutefois certainement remettre sur la table la question d'un possible remboursement, même s'il est là aussi difficile de savoir quelle sera l'issue du débat... Quoi qu'il en soit, une chose est claire: il reste du pain sur la planche pour accroître le taux de vaccination contre le pneumocoque dans notre pays, et le Dr Van Bleyenbergh est convaincu que l'effectuer en même temps que la vaccination contre la grippe peut représenter pour cela un atout majeur.