...
Un Belge sur cinq sera confronté à l'insuffisance cardiaque (IC) à cause du vieillissement de la population. Or, la maladie représente déjà pas moins de 2% des dépenses de santé publique, du fait, notamment, des hospitalisations récurrentes, des diagnostics tardifs et de prises en charge non encore optimales. L'objectif de la plateforme nationale de trajet de soins en insuffisance cardiaque [1] qui vient d'être lancée est d'aider toutes les personnes impliquées dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque: médecins généralistes et hospitaliers, infirmières, pharmaciens, kinésithérapeutes..., et même les patients et leurs proches. "L'outil permet d'obtenir des conseils et des informations de qualité, parallèlement aux recommandations de la Société européenne de cardiologie, informations adaptées à la situation belge par rapport au remboursement des molécules et à la prise en charge des patients", indique le Dr Pierre Troisfontaines, chef du service de cardiologie du CHR Citadelle (Liège) et membre du BWGHF [2]. À noter que la plateforme sera actualisée régulièrement par le groupe de travail et son comité scientifique, les données seront donc toujours d'actualité et pertinentes pour les prestataires. Parmi les thématiques abordées par le parcours de soins, la nécessité d'une prise en charge globale du patient avec, entre autres, ses comorbidités, les interactions médicamenteuses, les ruptures de stocks de molécules... La plateforme permet également de télécharger des documents et fiches explicatives pour interpréter des résultats et gérer les traitements de façon optimale. Mais si l'outil constitue une avancée majeure, il reste pas mal de combats. À l'instar, par exemple, du remboursement du dépistage des peptides natriurétiques: "Le dosage des marqueurs BNP ou des NT-proBNP permet entre autres aux généralistes qui suspectent une IC de dépister beaucoup plus précocement la maladie et d'orienter plus vite les patients chez le spécialiste", souligne le Dr Troisfontaines. Ce test est actuellement à charge du patient, à raison de 35 à 40 euros par dosage... "Dans le contexte économique actuel, cette somme n'est pas anodine pour les patients. Or un diagnostic précoce permet d'instaurer rapidement un traitement, d'éviter des passages aux urgences et des hospitalisations qui coûtent beaucoup plus cher. Le bon sens devrait en principe l'emporter quand on met en balance une hospitalisation à 7.000 euros et ce dosage sanguin..." Le remboursement devrait aussi être possible aux urgences et dans le cadre d'un parcours de soins. Dans la littérature, aussi bien en Europe qu'aux États-Unis, il est prouvé que la télécardiologie, bien encadrée, permet d'éviter des hospitalisations et d'améliorer le devenir des patients. Pourtant, ces outils ne sont pas encore remboursés chez nous. "Un projet de convention avec l'Inami est en voie de finalisation", annonce toutefois notre interlocuteur. "Ce projet devrait voir le jour en 2025 avec une plateforme qui permettrait de suivre au quotidien les paramètres des patients: pression artérielle, fréquence cardiaque et poids." À nouveau, ce type de suivi, tout particulièrement pour les patients IC les plus fragiles et les plus sévères, permet d'éviter des hospitalisations. "La télésurveillance avec suivi des stimulateurs cardiaques et des défibrillateurs permet également de détecter et traiter plus vite, par exemple de nouvelles arythmies ou les dysfonctionnements des appareils", poursuit le Dr Troisfontaines. "Ce suivi devrait être assuré par des infirmières et des médecins qualifiés, un cadre et un financement devraient donc aussi être assurés par les autorités."Concernant les infirmières en pratique avancée ou spécialisées en insuffisance cardiaque, en Belgique, contrairement aux pays voisins, malgré des formations certifiantes organisées dans tout le pays, elles ne sont toujours pas reconnues ni financées... Les hôpitaux doivent donc financer leurs prestations sur fonds propres. "Des études réalisées dans de nombreux pays montrent pourtant qu'une prise en charge pluridisciplinaire, avec l'aide d'infirmières spécialisées, réduit de 20 à 30% les hospitalisations", souligne le cardiologue. "L'éducation thérapeutique du patient fait partie des recommandations de la Société européenne de cardiologie depuis de nombreuses années. Depuis plus de dix ans, le groupe de travail interpelle, en vain, les différents niveaux de pouvoir sur l'importance de ce travail d'éducation qui permet au patient de devenir acteur de sa santé, ce qui évite de coûteuses hospitalisations à répétition..."