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Un nouvel algorithme d'apprentissage automatique basé sur des mammographies peut estimer le risque de cancer du sein chez les femmes plus précisément que les modèles de risque actuels, selon une étude d'Adam Yala, publiée dans le dernier numéro de Science Translational Medicine. L'algorithme pourrait, selon ses initiateurs, " aider les cliniciens à concevoir des lignes directrices pour le dépistage du cancer du sein qui répondent au besoin de détection précoce tout en réduisant les faux positifs, les coûts des tests et d'autres problèmes associés au dépistage excessif". Les mammographies sont la méthode la plus courante de dépistage du cancer du sein. En Belgique, le nombre de diagnostics avoisine les 10.000 par an. Cependant, leur adoption généralisée ne s'est pas déroulée sans controverse. Les critiques affirment que le dépistage agressif entraîne des coûts médicaux intenables, une anxiété plus élevée chez les patients et un taux substantiel de faux positifs. Selon les derniers chiffres disponibles, la couverture du mammotest en Wallonie est de 7%, auxquels il faut ajouter les "mammographies diagnostiques" qui couvrent 47% des femmes de 50 à 69 ans. Bruxelles ne fait pas mieux avec 11% de mammotest mais seulement 42% de mammographies diagnostiques. Bien moins que la Flandre dont le dépistage systématique atteint 44%, tandis que les mammographies diagnostiques sont de 21%. D'un autre côté, les partisans des tests fréquents soutiennent qu'il est nécessaire de détecter les tumeurs le plus tôt possible, et le désaccord a conduit à des directives incohérentes sur le moment où le dépistage doit commencer et sa fréquence. Yala et ses collègues émettent l'hypothèse que l'amélioration de la précision des modèles de risque qui éclairent les lignes directrices pourrait conduire à de meilleures recommandations. Ils ont conçu et formé un nouveau modèle nommé Mirai, qui intègre des données de mammographies pour produire des évaluations du risque de cancer du sein par exemple dans un délai d'un an ou de cinq ans. Lors de tests avec des données provenant de 106.615 patients de trois hôpitaux situés aux États-Unis, en Suède et à Taïwan, Mirai a identifié 41,5% des patients qui développeraient un cancer dans les cinq ans. En revanche, les approches actuelles telles que les modèles Tyrer-Cuzick et Hybrid Deep Learning n'ont identifié que 22,9% et 36,1% des patients, respectivement. " Il est évidemment utile d'améliorer les logiciels qui interprètent automatiquement les clichés de mammographies", reconnaît le PrJean-Marie Nogaret, responsable de la clinique du sein de l'Institut Bordet, institut national de référence en oncologie , "mais les chiffres restent très modestes. Atteindre 41% au lieu de 36%, c'est mieux, mais c'est encore très loin des 95% et plus qu'atteint une double lecture de spécialistes qui interprètent le travail d'un bon radiologue doté d'une bonne machine. Et qui tient compte du bilan hormonal, de l'âge, des antécédents de la patiente". Et d'insister : "Chance supplémentaire, on ne manque pas d'excellents professionnels dans toutes les régions du pays. Certains se laissent parfois tenter par les salaires clivants proposés chez nos voisins, mais pas au point de provoquer une pénurie sous nos latitudes. Il est donc essentiel de permettre aux femmes d'accéder à ce type de dépistage. Contrairement aux échecs et au jeu de go, c'est un domaine dans lequel les humains battent encore la machine de loin." On le sait, certains spécialistes ne partagent pas ce point de vue et plaident pour que les autorités incitent " davantage de femmes à quitter la mammographie ordinaire pour s'inscrire dans le programme de dépistage systématique qui offre des garanties de qualité supérieures et à un coût de revient beaucoup plus avantageux pour la société. La combinaison d'une mammographie ordinaire et d'une échographie coûte deux fois plus cher qu'un mammotest et génère un nombre plus important de fausses présomptions de cancer". " Affirmer que le mammotest est supérieur au dépistage personnalisé reste un non-sens, inspiré par des chiffres datant de l'époque où celui-ci était réalisé par des radiologues non spécialisés sans double lecture et souvent avec du matériel non adapté. Cette position pourrait entraîner de graves conséquences quant au pronostic de guérison de certaines patientes", plaide Jean-Marie Nogaret (Institut Bordet), rappelant que le mammotest exclut d'emblée 50% des femmes, soit parce qu'elles ont moins de 50 ans, soit plus de 69 ans . "Je ne comprends d'ailleurs toujours pas pourquoi on le refuse aux femmes de 40 ans et à celle de 70 ans et plus. Car l'incidence reste identique, même si l'agressivité est souvent moindre. Mieux vaut faire une petite biopsie 'pour rien' que de rater un cancer. Une recherche britannique, publiée récemment dans le Lancet, montre d'ailleurs bien que la mammographie annuelle avant l'âge de 50 ans, commençant à 40 ou 41 ans, est associée à une réduction relative de la mortalité par cancer du sein, qui est atténuée après dix ans, bien que la réduction absolue reste constante. Réduire la limite d'âge inférieure pour le dépistage de 50 à 40 ans pourrait potentiellement réduire la mortalité par cancer du sein. Moi, je donne priorité à sauver la vie des patientes et je ne comprends pas qu'on invoque un seul cancer sur dix ou sur 100 qui n'aurait peut-être pas évolué négativement pour ne pas dépister. Quand une tumeur est localisée et de quelques millimètres, les chances de guérison sont de 98%. De 65% seulement quand la tumeur est plus grande et touche les ganglions."