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Albert Sabin a élaboré un vaccin oral contre la polio dans les années 50 et 60. Il l'a cultivé chez des primates ainsi que dans des cultures cellulaires, jusqu'à ce que le virus s'adapte et ne soit plus pathogène. Ce que Sabin ne savait pas, c'est qu'une seule mutation suffisait à (re)transformer le virus affaibli en une version virulente ( wild type). La mutation est apparue pour la première fois à la fin des années 80. Un virus redevenu pathogène circulait à nouveau. On parlait alors d'un circulating vaccine derived polio virus (cVDPV). Alors que son wild type est aujourd'hui pratiquement éradiqué, le cVDPV se répand toutefois rapidement dans l'hémisphère Sud. On dénombre jusqu'à présent 460 cas en 2020, quatre fois plus qu'à la même période en 2019. Heureusement, un nouveau vaccin verra bientôt le jour, avec un meilleur "verrouillage". En manipulant l'ARN viral, les scientifiques sont parvenus à rendre les mutations graves hautement improbables. C'est ce qu'a démontré l'étude de phase 1 réalisée en 2017 à l'Université d'Anvers, dans le cadre du projet Poliopolis. Le projet avait alors reçu un beau coup de projecteur dans la presse généralisée, puis qu'aucun retour de virulence n'avait été constaté. L'étude anversoise ayant également montré l'immunogénicité et la sécurité du vaccin, les études de la phase 2 ont pu démarrer et viennent de se terminer. Malgré l'absence d'études de phase 3, l'Organisation mondiale de la santé envisage d'accélérer la mise en circulation du vaccin, au vu de l'urgence sanitaire. Cela serait la première fois que l'OMS prend une telle décision pour un vaccin. Dans une interview accordée à Nature, un porte-parole de l'organisation a déclaré qu'il s'agissait d'un bon exercice dans la perspective de l'implémentation d'un vaccin contre le Covid-19. Les experts sur le terrain réagissent avec plus ou mois d'enthousiasme. Les détracteurs arguent que seules des études à grande échelle permettent de détecter d'éventuels et rares problèmes de sécurité. Les risques doivent être soigneusement soupesés. En termes d'urgence, il y a peu de similitude entre la polio et l'épidémie de Covid-19. Les partisans d'une approbation accélérée du vaccin déclarent, au contraire, que l'utilisation du vaccin oral classique contre les nouvelles poussées de polio créent un cercle vicieux, car le cVDPV nouvellement apparu en profite...