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Le Pr Chantal Mathieu, chef du service d'endocrinologie de l'UZ Leuven et vice-présidente de l'EASD, a participé à la rédaction du texte. Elle a accepté d'en résumer pour nous les points principaux. "Il est question ici d'un consensus et non de directives ou guidelines, en ce sens que ces dernières répondent à une définition très spécifique et tiennent aussi compte de facteurs économiques, ce que nous avons choisi de ne pas faire. Le but est que chaque pays transpose le texte en fonction des possibilités locales", explique le Pr Mathieu. "Le consensus de 2018 était assez révolutionnaire, parce qu'il s'intéressait pour la toute première fois à la protection directe des organes en complément du contrôle glycémique et confiait un rôle central au patient dans son traitement. Cette nouvelle édition poursuit sur cette lancée." Nous devons établir pour chaque patient un plan de traitement individuel qui tienne compte des caractéristiques de l'individu. La présence éventuelle de complications cardiovasculaires et rénales ou d'un surpoids joue un rôle crucial dans le choix du traitement, tout comme l'espérance de vie. La thérapie poursuit un double objectif: prévenir les complications (aiguës et chroniques) et optimiser la qualité de vie. Le pouvoir de décision est partagé avec le patient, qui non seulement occupe une place centrale dans le plan de traitement mais est aussi un acteur à part entière de l'équipe qui gère l'hyperglycémie. Une bonne éducation au diabète est capitale à cet égard. "Nous devrions aussi envisager de ne plus parler de patients, mais de personnes vivant avec un diabète de type 2", observe le Pr Mathieu. "Il est en effet fréquent que ces gens ne se sentent pas malades, alors qu'ils doivent gérer leur maladie chronique au quotidien." Un mode de vie sain reste fondamental. On parle ici de bouger suffisamment et de manger sainement, évidemment, mais le nouveau consensus mentionne aussi explicitement l'importance d'un bon rythme de sommeil. " De nouvelles études ont démontré qu'un sommeil insuffisant ou irrégulier alimente la résistance à l'insuline et accroît par conséquent le risque de diabète de type 2 et de troubles cardiovasculaires", explique le Pr Mathieu. Le message le plus important du rapport est probablement qu'on ne choisit plus entre contrôle glycémique et protection cardiovasculaire et rénale: il faut d'emblée viser les deux. "Face à une personne atteinte d'un diabète de type 2, demandez-vous s'il y a aussi un problème (de risque accru) d'athérosclérose, d'insuffisance cardiaque ou d'insuffisance rénale chronique. Si oui, prescrivez d'emblée un inhibiteur de SGLT2 ou un agoniste du GLP1, tout en traitant l'hyperglycémie au moyen par exemple de metformine. Dans cette situation, il faudra toutefois aussi initier dès le départ des traitements pour protéger le coeur et les reins", souligne le Pr Mathieu. Il faut donc être agressif ou, mieux, proactif. Le choix entre les deux classes thérapeutique dépendra d'un certain nombre de facteurs. En cas d'insuffisance cardiaque, on optera pour un inhibiteur de SGLT2. En présence d'une athérosclérose ou d'une insuffisance rénale chronique, les deux options pourront être envisagées et on s'intéressera donc à la tolérance: il est possible que le patient développe des infections fongiques sous inhibiteurs de SGLT2 ou souffre de nausées avec les agonistes du GLP1. Il importe de préciser ici que ces recommandations ne tiennent pas compte des critères de remboursement belges. "Dans notre pays, nous sommes obligés de passer par la case metformine et les inhibiteurs de SGLT2 ne sont remboursés que si le taux d'HbA1c est supérieur à 7% (sous metformine). Pour les agonistes du GLP1, cette valeur doit être supérieure à 7,5% avec un BMI de plus de 30 kg/m2", explique le Pr Mathieu. "Les inhibiteurs de SGLT2 sont toutefois remboursés d'emblée en présence d'une insuffisance cardiaque." Si vous ne parvenez pas à maîtriser la glycémie (taux d'HbA1c individualisé, généralement < 7%), il faudra combiner plusieurs traitements. Si l'association de metformine et d'un inhibiteur de SGLT2 ou d'un agoniste du GLP1 ne suffit pas, l'idéal sera de combiner les trois. " Mais, là encore, cette approche n'est pas (encore) remboursée en Belgique. Provisoirement, nous optons donc pour une combinaison avec d'autres produits tels qu'une sulfonylurée ou une thiazolidinedione", explique le Pr Mathieu. "Chez les sujets jeunes, en particulier, il faut oser être strict en ce qui concerne les valeurs. L'inertie clinique reste un piège", souligne encore la spécialiste. "À l'inverse, il faut parfois aussi oser réduire les doses d'insuline ou de sulfonylurées, p.ex. chez les personnes dont l'espérance de vie est limitée. Dans les maisons de repos, on met encore souvent l'accent sur la titration précise de la dose d'insuline, alors qu'il est beaucoup plus important, dans ce cas de figure, d'éviter les hypoglycémies." Dans certains cas, il faut oser mettre un traitement en question et l'adapter. Si la réduction de la glycémie est importante, celle du poids l'est tout autant. Optez donc pour des médicaments qui agissent sur ces deux aspects, comme par exemple les agonistes du GLP1 que sont le sémaglutide ou le dulaglutide. Un dernier point important qui ressort du nouveau texte de consensus concerne le rôle de plus en plus important de la technologie. "Des senseurs capables de surveiller la glycémie (en continu) sont extrêmement utiles, en particulier chez les personnes atteintes d'un diabète de type 2 qui sont traitées par insuline. Ils aident à déterminer la dose adéquate, à prévenir les hypoglycémies et à motiver le patient", souligne le Pr Mathieu. Il existe aussi plusieurs applis qui peuvent contribuer à éduquer les patients, les aider à calculer leurs apports en glucides ou suivre l'évolution de leur glycémie. L'éducation, la motivation du premier concerné, le contrôle glycémique et pondéral, la gestion du risque cardiovasculaire et la protection directe des organes sont autant de facteurs qui doivent tous être examinés pour chaque patient individuel. "Au cours de la rédaction du consensus, face aux messages de soins holistiques, multidisciplinaires et intégrés, je pensais systématiquement à nos généralistes. Ils savent qu'ils peuvent consulter des diététiciens, des éducateurs et des endocrinologues, et ils n'hésitent pas à le faire. Il est prouvé qu'une bonne collaboration entre généralistes et spécialistes est indispensable. J'ai pu évoquer des exemples tirés des trajets de soins en disant "c'est quelque chose que nous faisons déjà", et j'en étais extrêmement fière. La seule chose, c'est que les critères de remboursement belges ne suivent pas toujours. Espérons que cela change", conclut le Pr Mathieu.