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Le journal du Médecin: le premier argument avancé par la ministre Glatigny pour refuser l'organisation d'un master en médecine à l'UMons est que "le lien entre le fait qu'un étudiant en médecine fasse son master dans le Hainaut et retourne ensuite exercer dans le Hainaut une fois diplômé n'est pas étayé". Pour preuve selon elle, le fait que "Namur, par exemple, n'a pas de master en médecine, et a pourtant un nombre de médecins par habitant plus élevé que la moyenne, soit un médecin pour 939 habitants, et dans tous les cas supérieur à Liège, soit un médecin pour 1.096 habitants, qui dispose d'un master"... Philippe Dubois: Ce que nous constatons, c'est que la situation actuelle ne répond pas aux besoins en termes de santé publique du Hainaut. Nous serons très bientôt dans une situation de pénurie de médecins dans la plupart des régions du Hainaut étant donné l'âge moyen plus avancé qui y est constaté. Nous estimons qu'on aura plus de chances que des diplômés en médecine continuent ensuite à exercer en Hainaut que s'ils sont contraints, comme c'est le cas actuellement, de finir leur formation à Bruxelles, à Woluwé ou à Liège. En ce sens, la proposition du MR qui vise à attirer en Hainaut les médecins une fois diplômés ailleurs grâce à la mise en place d'incitants risque d'être plus coûteuse que l'octroi d'un master à notre faculté qui dispose déjà du bachelier. Nous pensons que la proximité de l'offre d'enseignement est à considérer comme une solution (sociétale), pas un problème (financier)! (...) Notre combat porte sur ces inégalités. Et ce n'est pas pour rien si nous sommes largement soutenus! L'Ares (Académie de recherche et d'enseignement supérieur) dispose de nombreuses références et données objectives issues de rapports et d'enquêtes qui démontrent et établissent un lien entre la présence d'une faculté complète et la présence de médecins dans sa région. La ministre dispose de toutes ces données dans l'avis favorable émis par l'Ares en faveur de notre master. Savez-vous qu'à Liège par exemple, sur les 30 dernières années, 560 médecins généralistes en plus se sont installés? Et combien étaient-ils dans le même temps en Hainaut? Onze fois moins: 51 médecins généralistes en plus, alors que notre population hennuyère a considérablement augmenté! La "démographie médicale" ne suit donc absolument pas l'évolution de la population en Hainaut. Le constat est identique pour le nombre de candidats à l'examen d'entrée en médecine en Hainaut, sensiblement plus faible que dans les provinces et régions qui disposent d'une faculté de médecine complète! Plusieurs études scientifiques internationales démontrent que l'orientation vers la médecine générale et l'installation dans les zones en pénurie sont directement influencées par le fait d'avoir grandi dans une zone en pénurie et par l'identité socio-culturelle ou encore par la perception du rôle social du métier. Ces facteurs peuvent multiplier par trois ou quatre la probabilité qu'à l'issue de sa formation, le candidat ouvre son cabinet en zone de pénurie! C'est notamment le cas d'un mémoire de master de 2022 issu de la Faculté des sciences de l'UCLouvain qui confirme l'existence d'un phénomène de répartition inégale des généralistes en Belgique, ainsi que l'insuffisance des incitants financiers pour parvenir à le résorber. Ce qui est intéressant, c'est que son auteur suggère l'application d'un quota plus important d'étudiants pour les personnes venant de certaines zones géographiques ou milieux sociaux et évoque nommément l'intérêt de la délocalisation des universités médicales. En quoi un master en médecine à Mons pourrait pallier les zones de pénurie et les communes qui manquent de médecins, notamment de médecins de famille? Pour ne citer que cette source, le KCE a déjà souligné le rôle prépondérant des facultés de médecine dans l'attractivité de la médecine générale et le recrutement des futurs généralistes. L'importance de la médecine générale au sein de la Faculté de médecine, le programme de cours, les stages en médecine générale et les modèles d'identification influencent le choix d'entamer une carrière en médecine générale. C'est pour cette raison que notre formation visera à promouvoir la pratique de la médecine générale et que nous comptons l'intégrer dans les apprentissages de chaque discipline. Dans la mesure où c'est à la fin du cycle de master que l'étudiant est appelé à se positionner sur l'orientation pour sa spécialisation, nous allons aussi renforcer l'attrait pour la filière de médecine générale dès le début du cycle de master. Nous savons que le choix du lieu de stage influence ensuite le choix de carrière future. Le deuxième argument de Mme Glatigny est d'ordre financier: elle souhaite, dit-elle, lutter contre un surfinancement d'un petit nombre d'étudiants au nom de l'équité entre tous les étudiants et d'une bonne gestion des deniers publics. Qu'opposez-vous à cela? Si quelqu'un sait pertinemment bien que cette situation est la conséquence du principe inamovible d'enveloppe fermée, c'est bien elle, non? Or, l'enveloppe fermée s'applique à toute nouvelle habilitation accordée. C'est donc bien le cas aussi pour les 55 habilitations à qui elle a dit oui. Vous pensez que ces 55 'oui' n'auront pas d'impact sur le financement des universités? Sur ce principe d'équité, je préfère répondre par celui du respect de l'égalité des chances: peut-on accepter que la province de la Fédération Wallonie-Bruxelles la plus peuplée (37% de la Wallonie), soit celle où le taux d'accès à l'enseignement supérieur, toutes disciplines confondues, soit plus faible que partout ailleurs? La seule iniquité que je vois est là: elle est sociale et sociétale! Et c'est contre cela que l'UMons se bat et se battra toujours! Pour la gestion des deniers publics, je préciserai juste que notre master coûterait bien moins que les 500.000 euros sur trois ans annoncés par la ministre, ce qui équivaut à 0,01% du budget annuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous serions plutôt de l'ordre de 250.000 euros sur trois ans. Et ce surcoût raisonnable ne doit certainement pas se voir comme une gabegie publique mais comme un investissement en faveur de la préservation de la santé de première ligne, au bénéfice d'une population dans une province où on continue à mourir plus jeune qu'ailleurs. Étant donné que vous rejetez ce type d'arguments, quelles pourraient être les motivations réelles de la ministre? Serait-ce éventuellement la peur du fédéral puisque le conseil des ministres fédéral vient d'entériner "l'échange" entrer numéros Inami garantis et l'organisation d'un concours (fixus) d'entrée en médecine en FWB? Je m'interroge! Je ne peux imaginer une méconnaissance des dossiers ni des réalités de terrain. Si la crainte est celle du fédéral, qu'on le dise clairement et qu'on arrête de tourner autour du pot avec des arguments éhontément faux comme l'obtention coûteuse d'un hôpital universitaire dont il n'a jamais été question puisqu'Érasme sera notre référent. Depuis le début, nous sommes clairs: nous ne visons pas à avoir plus de diplômés en médecine parce que nous savons pertinemment que ce n'est pas possible. Ce que nous voulons, par la mise à disposition d'un cursus complet en Hainaut, c'est faciliter l'accès à la formation complète et obtenir une répartition géographique des praticiens plus équitable au bénéfice de cette province. Dans le master, vous insistez sur la formation de médecins généralistes... Notre master vise la formation commune à tous les médecins. Ce n'est qu'ensuite que les diplômés terminent leur formation spécialisée dans les hôpitaux universitaires existants. Notre objectif est bien d'augmenter l'accessibilité à la formation de base en Hainaut. Le cursus de 180 crédits coorganisé étroitement avec notre partenaire ULB mettra en évidence l'intérêt de la médecine générale et incitera naturellement les étudiants vers cette vocation pour la suite de leurs études. Notre master démontrera et illustrera l'importance et le rôle-clé de la médecine générale, médecine de première ligne, au travers de son programme de cours, ses stages en médecine générale et ses modèles d'identification. C'est pour cette raison et de cette manière que notre cursus ambitionne la promotion de la pratique de la médecine générale, sans exclure les autres spécialités, bien évidemment! Croyez-vous, comme le Collège provincial du Hainaut, qu'un master de médecine en Hainaut pourrait pallier "le différentiel négatif de jeunes Hennuyers inscrits dans les filières supérieures et qui constitue un frein évident au redéploiement de la province, particulièrement dans les professions médicales"? Comment être sûr que ces Hennuyers diplômés contribueront au redéploiement de la province? Parce que c'est ce que nous constatons dans les faits depuis fin 2009, que notre université explose! Le nombre de nos étudiants a doublé en un peu plus de dix ans, pour atteindre désormais 11.000, dont un bon millier à Charleroi! Ce sont ainsi près de 900 diplômés universitaires qui sortent chaque année de l'UMons dans une série de domaines et qui vont alimenter principalement, mais pas exclusivement, le marché de l'emploi hennuyer avec des bénéfices et des retombées économiques déterminantes et indéniables. Dans les sciences humaines, la psychologie mais aussi la gestion, l'économie, la chimie, l'informatique, les matériaux nouveaux... Je m'attarderai juste sur la pharmacie pour laquelle nous disposons depuis deux ans du master avec l'ULB et pour lequel nous avons vu une hausse de 48% de nos étudiants depuis que l'ensemble du cursus est organisé et ce, au bénéfice des officines privées, des hôpitaux et du secteur de l'industrie et de la recherche pharmaceutique. Comment peut-on encore nier décemment l'impact sur l'économie et la société hennuyères de notre université? Nos chefs d'entreprises (privées ou publiques) ont très bien compris qu'il était primordial de disposer d'une université forte en Hainaut, pour son économie, pour sa population et pour sa jeunesse! Si c'est du sous-localisme, alors, j'en suis fier!