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Dans le sport de haut niveau, l'accent est mis sur la dissection et l'optimisation de tous les paramètres susceptibles de contribuer à la performance et, corrélativement, de réduire les risques de blessures et d'assurer la meilleure récupération possible après l'effort. Abstraction faite de la question du dopage, la planification des entraînements, l'analyse nutritionnelle, les études biomécaniques, le suivi médical et psychologique ou encore les apports technologiques constituent des éléments indispensables pour espérer tutoyer les sommets. La nutrition est un des facteurs clés de l'équation. "Classiquement, l'athlète s'efforce d'adapter son alimentation dans une optique de performance. Toutefois, elle ne répond pas toujours aux objectifs de santé. Par exemple, les triathlètes, qui doivent supporter quotidiennement d'importantes charges d'entraînement, évitent les fibres alimentaires parce qu'elles 'encombrent' leur tube digestif. Or, celles-ci représentent un pilier de l'alimentation recommandée à tout un chacun", indique le Dr Luc Stevens, médecin du sport et médecin nutritionniste qui a encadré de nombreux sportifs de haut niveau. Précisément, dans un livre intitulé "Marathon de recettes antioxydantes pour sportifs" (éditions Edi.Pro) [1], Luc Stevens et ses deux coauteurs, le docteur en sciences biomédicales Joël Pincemail, dont les travaux de recherche sont centrés sur le rôle du stress oxydant et des antioxydants, et la diététicienne nutritionniste Manon Liégeois, spécialisée en nutrition du sport, proposent 42 recettes alimentaires étudiées pour contribuer à concilier performance et santé. Ces recettes ont pour dénominateur commun de mettre en lumière une problématique souvent méconnue du grand public et même des milieux sportifs: le stress oxydant et la manière de le combattre. La pratique du sport, surtout quand elle est intensive, nécessite un apport énergétique sous la forme d'adénosine triphosphate (ATP), "carburant" du muscle produit par les mitochondries. Ces "centrales énergétiques cellulaires" libèrent parallèlement des espèces oxygénées activées (EOA) - radicaux libres, peroxyde d'hydrogène, acide hypochloreux... Deux cas de figure sont possibles. Si les EOA sont produites en quantité physiologique, elles participent à l'induction de mécanismes protecteurs pour l'organisme, comme l'apoptose par exemple. En revanche, si elles sont générées en excès, elles peuvent engendrer des dommages oxydatifs impliqués dans le développement de pathologies cardiovasculaires, de cancers ou d'affections neurodégénératives, notamment. En outre, dans le contexte sportif, la surproduction des EOA est impliquée dans la fatigue musculaire et fait ainsi planer au-dessus de l'athlète le spectre d'une érosion ou d'une chute de ses performances ainsi qu'un risque accru de blessures. Plusieurs phénomènes peuvent être à l'origine d'une production excédentaire des EOA, entre autres un dysfonctionnement mitochondrial, le tabagisme, la pollution, les perturbateurs endocriniens, la consommation excessive d'alcool ou encore la sédentarité, mais également la pratique sportive intensive et le surentraînement. Comme l'indiquent Joël Pincemail, Luc Stevens et Manon Liégeois, l'organisme dispose de deux sources d'antioxydants pour réguler la production des EOA et, partant, essayer de faire obstacle au stress oxydant. La première est endogène. Il existe en effet de nombreuses enzymes qui, telle la superoxyde dismutase, par exemple, sont à même de ralentir la production des EOA. D'autres, comme la glutathion peroxydase, ont la faculté de réparer les dommages oxydatifs. Nonobstant, les auteurs de "Marathon de recettes antioxydantes pour sportifs" précisent que "pour fonctionner correctement, certaines enzymes ont toutefois besoin d'oligo-éléments comme le sélénium, le cuivre ou encore le zinc et le manganèse qui ne peuvent se trouver que dans l'alimentation". C'est ici que nous rejoignons la seconde source d'antioxydants: l'alimentation ou, plus exactement, certaines molécules qui en sont issues - les vitamines C et E, les caroténoïdes, les sulphoraphanes et les polyphénols. Le sport pratiqué de manière modérée stimule le développement des systèmes enzymatiques antioxydants dans la mesure où l'organisme s'adapte à l'activité physique lorsqu'elle n'est pas de haute intensité. Au contraire, quand elle est intensive, les systèmes antioxydants endogènes sont insuffisants pour "dompter" le stress oxydant. Presque tous les sports de haut niveau sont concernés. A priori, on pourrait penser que seuls le sont ceux qui nécessitent un apport énergétique important lors des compétitions, comme le cyclisme, la course à pied ou le triathlon. C'est faire fi des périodes d'entraînement. "Lors d'une compétition, le lancer du javelot, par exemple, n'est pas de nature à générer un stress oxydant élevé, mais pour être performant dans cette discipline, il faut cependant s'être plié à un entraînement soutenu, avec des exercices maintes fois répétés", explique le Dr Stevens. Nombre d'athlètes recourent à des compléments alimentaires. Cette démarche se heurte à plusieurs écueils. D'une part se pose la question complexe de l'absorption au niveau du tube digestif. "Par exemple", souligne encore le Dr Stevens, "le zinc et le cuivre ont un transporteur commun. Si l'un a été absorbé en grande quantité, l'absorption de l'autre sera inhibée." Par ailleurs, Joël Pincemail rappelle que comme les EOA peuvent avoir des rôles physiologiques importants dans la cellule, la prise de compléments alimentaires en vitamines C ou E à des doses largement supérieures aux apports journaliers recommandés annihilent les mécanismes protecteurs qu'ils sont censés favoriser et font le lit de la contre-performance sportive. Dans les 42 recettes concoctées par Manon Liégeois, l'accent est mis sur les polyphénols, lesquels regroupent plusieurs milliers de composés naturels répartis en sous-classes associées avec la couleur des fruits et légumes. "Plus celle-ci tendra vers le rouge, le mauve ou le bleu, plus ces aliments sont riches en polyphénols (...)", écrivent les auteurs de l'ouvrage susmentionné. Pour profiter au mieux de la diversité des polyphénols, il est donc conseillé de varier les couleurs dans l'alimentation. Des antioxydants comme les vitamines C et E interagissent directement avec les EOA. Par contre, les polyphénols stimulent l'expression des enzymes antioxydantes, dont le pouvoir de détoxification est très largement supérieur à celui des vitamines C et E et autres caroténoïdes. Établies sur la base de leur richesse en polyphénols, les recettes de Manon Liégeois sont également classées en fonction d'autres critères - apport énergétique, en oméga 3, etc. Colorée et appétissante, chacune d'elles est accompagnée d'une analyse nutritionnelle et d'un commentaire scientifique émanant de chacun des auteurs.