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Sur la base d'une analyse intermédiaire prévue au protocole de l'étude de phase 2 évaluant le molnupiravir administré chez des patients ambulatoires (MOVe-OUT) et des patients hospitalisés (MOVe-IN) atteints du Covid-19, et d'une étude de phase 2a (choix de la dose) précédemment achevée chez des patients ambulatoires, MSD (nom commercial de Merck & Co) et Ridgeback Biotherapeutics, une société de biotechnologie dont le siège social se trouve à Miami, ont décidé de lancer la phase 3 de l'étude de ce traitement potentiel contre le Covid-19 pour les patients ambulatoires. Une phase 3 sur laquelle repose de gros espoirs car si les résultats actuels se confirment, cet antiviral pourrait bien devenir une arme supplémentaire dans la lutte contre le coronavirus. A l'inverse, il faut espérer qu'il ne subisse pas le sort funeste d'autres molécules précédemment annoncées comme salvatrices. " Forme expérimentale d'un analogue ribonucléosidique puissant, administré par voie orale, le molnupiravir agit contre le Sars-CoV-2 via un mécanisme d'erreurs catastrophe", explique le Pr Nicolas Dauby, spécialiste post doctorant FNRS en Faculté de Médecine de l'ULB et infectiologue au CHU Saint-Pierre de Bruxelles, membre de la Task Force thérapeutique pour le Covid-19. " Il s'insère dans l'ARN viral en cours de synthèse générant des erreurs dans son code génétique jusqu'au point où le virus ne peut plus se répliquer." " Créé à l'Université Emory d'Atlanta, on connaît cet antiviral depuis une quinzaine d'années. Il a déjà été testé avec succès dans des modèles unicellulaires et animaux contre différents virus à ARN comme les coronavirus, dont le Sars-CoV-1 et le Mers, mais aussi le virus du chikungunya, Ebola et même le virus de la grippe. Il s'est révélé actif dans plusieurs modèles précliniques du Sars-CoV-2, notamment pour la prophylaxie, le traitement et la prévention de la transmission." Nicolas Dauby évoque dans la foulée le programme de développement en cours visant à évaluer l'efficacité, l'innocuité et la pharmacocinétique du molnupiravir, entre autres les deux essais de phase 2/3, randomisés, contrôlés versus placebo, en double aveugle et multicentrique. Il s'agit de MOVe-IN, qui concerne quelque 300 participants hospitalisés, âgés d'au moins 18 ans, atteints de Covid-19 confirmé en laboratoire et dont les symptômes sont apparus dans les dix jours précédant la randomisation, et de MOVe-OUT qui porte sur un nombre équivalent de participants non hospitalisés, âgés d'au moins 18 ans, qui présentent une infection Covid-19 légère à modérée, confirmée par un test PCR, et dont les symptômes sont apparus dans les sept jours précédant la randomisation. " L'analyse intermédiaire des données de MOVe-IN indique qu'il est peu probable que le molnupiravir présente un bénéfice clinique chez les patients hospitalisés et, par conséquent, il a été décidé d'interrompre l'étude. Ce nouvel échec d'un antiviral en hospitalisation, après le remdesivir ou les anticorps monoclonaux, renforce l'idée que le pronostic du Covid-19 sévère est surtout déterminé par la réponse inflammatoire secondaire à la réplication virale. Par contre, MOVe-OUT, vu son succès, passe en phase 3." " MOVe-OUT apporte en effet des preuves significatives du potentiel antiviral du molnupiravir, administré deux fois par jour durant cinq jours, principalement à la dose de 800 mg par rapport aux doses de 200 mg et 400 mg", poursuit le Pr Dauby . "Le médicament inhibe la réplication du virus, comme le démontre une diminution plus importante de l'ARN viral par rapport à la valeur initiale, comparativement au placebo, au jour cinq et au jour dix, et une plus grande proportion de participants ayant un ARN viral indétectable au jour dix et au jour 15 après la fin du traitement." " Par ailleurs, le pourcentage de patients hospitalisés et/ou décédés entre leur randomisation et le jour 29 de l'étude était plus faible dans le molnupiravir que dans le groupe placebo. Enfin, à ce jour, dans les deux essais, les données d'innocuité et de laboratoire ne montrent aucun résultat inattendu ou signal quel que soit la dose étudiée. Aucun décès n'a été considéré comme lié au médicament, et aucun événement indésirable n'a conduit à l'arrêt du traitement." Concernant la suite, MSD, qui a modifié les critères d'inclusion en réduisant la durée des symptômes autorisée à cinq jours ou moins et en intégrant des participants qui présentent au moins un facteur de risque de progression vers une forme grave, par exemple les personnes âgées, obèses ou diabétiques, a commencé à recruter des patients dans la phase 3 et annonce que les données finales de l'étude devraient être disponibles en septembre/octobre 2021. " Pour le moment, seuls des traitements à base d'anticorps monoclonaux ont démontré leur efficacité comme antiviral précoce", conclut Nicolas Dauby. " Or ces traitements doivent être administrés par voie intraveineuse sous surveillance médicale et ils sont très coûteux. Le molnupiravir, qui se prend par la bouche, est donc un candidat très intéressant pour guérir les patients à un stade précoce de la maladie et éviter des hospitalisations. Si les résultats se confirment lors de la phase 3, cela peut marquer un tournant important dans la lutte contre le Covid-19 et avoir des conséquences déterminantes en termes de santé publique, notamment dans les régions où la vaccination reste limitée."