Le dernier accord médico-mut comporte quelques dispositions curieuses. Elles suscitent d'autant plus d'intérêt qu'on n'en voit pas la nécessité. C'est ce qui suscite forcément des interrogations pour un juriste qui cherche toujours à donner un sens à des dispositions juridiques.
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L' inflation érode les honoraires. On ne parle pas de l'indexation rikiki des honoraires. Certes, on peut se demander pourquoi elle a été limitée à 0,74% pour les médecins alors que le taux d'inflation a été de 2,8% (2,1 sans les carburants) en 2021 et est programmée par le Bureau du plan à 5,8 ou 6% en 2022. Les salaires des travailleurs, ont déjà été majorés de 2% en fin 2021, puis 2% supplémentaires en ce début 2022 avec une prévision d'encore 2% en octobre 2022. L'accord évoque une indexation en 2023 mais son point 2.8.1 préempte déjà 1% de la masse 2023 pour la réalisation d'objectifs prioritaires " ci-dessus", non autrement décrits. On y trouvera notamment le financement de l'équipe autour du généraliste. On comprend qu'il s'agit de continuer le transfert à des non-médecins des compétences qui ne nécessiteraient pas vraiment neuf ans de formation médicale. L'important c'est que les généralistes soient contents d'être déchargés de leurs tâches, parce que cela va apparemment se multiplier. Autre exemple dans le point 2.7.4: Il prévoit dès à présent la récupération en 2023 des montants accordés cette année à ce paragraphe pour des prestations de pédiatrie et de garde de semaine. Bref l'indexation 2023 est déjà confisquée avant d'avoir été attribuée. Les représentants des médecins devront désormais avoir une activité clinique. Ce qui est neuf et mérite réflexion c'est l'improbable point 2.7.2 intitulé " La CNMM souhaitemoderniser son fonctionnement". Il annonce apparemment des modifications à la marge pour révéler finalement un autre système de concertation. La description du processus se fait en quatre points. D'abord, deux points posent des exigences concernant les représentants des médecins: -l'établissement d'un meilleur équilibre des sexes. Rien que de normal, sauf qu'il faudra trouver sur le banc médical des candidates pour travailler en plus des heures de travail normales, alors que justement le nouveau code de déontologie médicale fait désormais une obligation aux praticien(nes)s de veiller à un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ; cette dernière est déjà particulièrement impactée en ce qui concerne les femmes. -la désignation de représentants du banc médical qui exercent encore activement une profession médicale clinique, ce qui n'empêche pas le recours à des experts (...) Ce qui est bizarre, c'est que cette disposition relative à la composition d'un des bancs entre dans un accord avec la partie adverse que cela ne regarde pas. Les organisations représentatives de médecins désignent souverainement leurs mandataires face aux mutuelles. On ne voit pas pourquoi ces dernières mutuelles auraient leur mot à dire. Or, introduire une clause dans les droits et obligations d'un accord, en y ajoutant des conditions de désignation aux conditions légales, ouvre la voie à un droit de veto du ministre à l'égard de tel ou tel représentant des médecins. Il pourra juger si, à son estime, il correspond au profil convenu dans l'accord. La Médicomut transformée en organe d'avis. Cela peut être normal dans un Conseil consultatif conseillant le ministre, lequel peut choisir qui il veut et dans lesquels on trouve d'ailleurs souvent des limites d'âge. Par contre, cela ne l'est pas lorsque les membres sont des mandataires librement choisis par la profession pour défendre leurs intérêts dans un organe paritaire. Cette nouvelle disposition donne l'impression que la Médicomut n'est plus un organe de concertation entre les parties intéressées mais réduite à un rôle de conseil consultatif chargé d'examiner les demandes, mais sans pouvoir décisionnel propre. La concertation directe avec le ministre est annoncée. Enfin, une modification profonde du système pointe à l'horizon. Le ministre ne se contentera plus de sa fonction légale d'approuver ou refuser l'accord. Reconnaissons au ministre qu'il ne cache pas son jeu et pose la vision des accords du futur dans le point 3.7.4 de l'accord: "L'avancement de l'accord fera l'objet d'une concertation périodique avec le ministre". C'est peut-être du réalisme, mais voilà qui semble annoncer l'institutionnalisation officielle d'une discussion directe entre le ministre et les intéressés. La place de la Médicomut, réduite à une mission de préparation des décisions, s'estompe et, avec elle, la question de sa représentativité proportionnelle. Les élections sont reportées... en attendant le constat de leur inutilité dans une négociation sans vote ni pondération entre les organisations, réduite s au rôle de conseil.