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Près de la moitié (48%) du personnel des pratiques de médecine générale ne connaît pas la plage de température correcte pour le stockage des vaccins (2 à 8°C) et 77% ne sait pas qu'il faut idéalement enregistrer ces températures deux fois par jour. C'est ce que montre une étude allemande illustrant l'intérêt d'un programme d'apprentissage en ligne (Keep cool) sur le stockage des vaccins pour améliorer ces connaissances dans les soins de première ligne. (1)" Souvent, la situation n'est pas idéale", confirme la Dr Aurore Girard, "médecin généraliste au Centre académique de médecine générale de l'UCLouvain, qui a réalisé une revue de la littérature.(2) Quelques études parlent de l'influence de la conservation des vaccins sur la couverture vaccinale: dans les pays développés, les problèmes d'exposition des vaccins à des températures de congélation sont considérés comme la première cause hypothéquant la vaccination. On ne connaît pas le pourcentage de vaccins administrés pour lesquels les conditions de conservation n'auraient pas été respectées. Les études ont analysé les pratiques et ont observé des ruptures de la chaîne du froid, des réfrigérateurs sans thermomètre, du stockage inadapté... Par exemple, des vaccins stockés avec de la nourriture, ce qui est déconseillé parce qu'il faut ouvrir le réfrigérateur le moins souvent possible." D'aucuns estiment d'ailleurs que, dans le passé, des épidémies ont pu être liées à des conditions de stockage inadéquates. Le maintien d'une température stable est donc la clé, la meilleure façon de conserver les propriétés des vaccins étant de les stocker à une température constante entre 2 et 8°C. Or, une étude allemande a montré que deux tiers des réfrigérateurs en médecine générale présentaient des violations de la chaîne du froid et que 15% atteignaient des températures sous 0°C.(3) Les réfrigérateurs domestiques peuvent bien sûr suffire à la conservation de petits volumes de vaccins pour peu qu'on les réserve à ce seul usage et que l'on surveille régulièrement la température. Aurore Girard donne un truc pour augmenter la masse d'inertie du frigo et réduire les variations thermiques: " Il faut placer des bouteille d'eau dans le bas et dans la porte du réfrigérateur, pour empêcher de passer sous 0°C. En revanche, il n'y a pas de zone idéale où déposer les vaccins, tout dépend des caractéristiques techniques de chaque frigo. Il convient cependant de veiller à ce que les boîtes ne touchent pas les parois de l'appareil." Les réfrigérateurs spécialisés sont dotés d'outils spécifiques: distribution égale de la température dans l'enceinte, évaporateur interne pour éviter le gel, dispositif rapide de rétablissement de la température, circulation d'air pulsé (ou froid ventilé), affichage externe de la température, étagères grillagées et pas de possibilité de stockage dans la porte et absence de bac à légumes. " Un réfrigérateur ne doit absolument pas geler parce que la plupart des vaccins sont sensibles au froid or, les frigos classiques peuvent dans certaines zones passer en dessous de 0°C", insiste-t-elle. D'où l'intérêt d'un historique des températures comme l'offrent les réfrigérateurs médicaux équipés d'un affichage et d'un enregistrement de la température, et parfois d'un système d'alarme. La thermostabilité des vaccins varie, notamment celle des formes liquides, les vaccins lyophilisés sont plus stables vis-à-vis des changements de température limités, précise la Dr Girard: " Toute exposition à des températures élevées entraîne une certaine dégradation du vaccin même si l'activité restante demeure supérieure au niveau considéré comme nécessaire pour une action immunisante minimale. De plus, chaque exposition à une t° >8°C a un effet cumulatif sur la diminution de l'activité du vaccin. (...) Certains vaccins peuvent supporter plusieurs jours à température ambiante (rougeole, hépatite B...)." S'il y a plus de marge aux températures élevées, les vaccins ne doivent par contre jamais être congelés. " Les vaccins adsorbés sur un adjuvant à base d'aluminium (diphtérie, tétanos, coqueluche, hépatite A et B) sont irrémédiablement dégradés par un séjour à une température inférieure à 0,5°C d'une heure et, en cas de congélation, la dégradation est immédiate. (...) Les vaccins vivants (RRO, BCG, antiamaril) résistent mieux au froid mais les diluants sont altérés par la congélation". Ce travail paru en octobre dans Louvain médical vient à point nommé: " Je l'ai rendu en avril et je ne m'attendais pas à ce qu'il tombe si bien! Même si les premiers vaccins anti-Covid qui arriveront ne sont pas dans ce cas de figure puisqu'ils doivent être conservés à des températures de congélation extrêmes", constate Aurore Girard. Quoiqu'il en soit, elle invite à bien réfléchir quand on choisit un réfrigérateur: " Il convient de se demander s'il ne serait pas intéressant d'investir dans du matériel professionnel. Cela peut changer le potentiel de conservation et donc d'immunogénicité, il serait vraiment dommage de vacciner quelqu'un avec un vaccin à moitié efficace... Si on a déjà un réfrigérateur, il faut assurer un suivi des températures, le nettoyer et dépoussiérer les grilles d'aération pour que l'air circule bien... Ce sont des petites choses toutes simples qui sont absolument nécessaires et qui contribuent à l'optimisation de la couverture vaccinale de la population." 1. Vaccine 2020 ; 38(47): 7551-7 2. Louvain médical 2020 ; 139(8): 460-4 3. PLoS ONE 2019 ; 14(11): e0224972