Le journal du Médecin: Comment avez-vous vécu le début de la pandémie? Comment vous êtes-vous impliqué dans la prise en charge des patients?

Mohamed Salah: Lors de la première vague, les assistants en médecine générale ont été surpris, comme toute la population, par un virus que personne ne connaissait. Nous avons dû faire face à certaines décisions prises par les autorités et à des manquements, par exemple la pénurie de masques et des équipements de protection. Nous avons été obligés durant la première vague de fermer physiquement les portes des cabinets de médecine générale. Nous pouvions soit nous limiter à faire des téléconsultations, soit, si on ne se sentait pas à l'aise avec l'idée de faire un tri téléphonique et de ne pas voir les patients malades, nous pouvions continuer à effectuer quelques visites à domicile et des gardes population. à ce moment-là, nous avions l'impression que notre rôle était de protéger le système de soins de santé et d'éviter l'engorgement du secteur hospitalier. Nous nous sommes impliqués sans équipement. Pour ma part, j'ai utilisé durant trois mois une boîte de masque FFP2 offerte par un confrère. Nous avons dû nous fournir nous-mêmes en matériel de protection. Nous avions aussi des contacts avec des assistants en médecine spécialisée qui ne voyaient que les cas graves. Nous voulions les aider. Je me suis dès lors impliqué dans les activités de tri organisées dans des centres à l'entrée des hôpitaux. Porter une sorte de tenue de cosmonaute durant des heures était plutôt impressionnant. Les assistants participaient bénévolement à ces activités pour éviter le crash de notre système de santé.

Votre formation a-t-elle été impactée par la crise? Vos maîtres de stage avaient-ils l'occasion de vous accompagner?

J'ai ressenti une grande autonomie. J'avais l'impression d'être déjà un médecin à part entière. Le Covid a pris toute la place. Nous nous inquiétions de ne plus voir de patients qui souffraient d'autres maladies. Les maîtres de stage étaient également préoccupés.

J'ai consacré mon TFE au lien entre l'implication de la première ligne et la mortalité liée au Covid dans les pays de l'OCDE pour comprendre pourquoi la Belgique avait à l'époque les pires chiffres de mortalité, surtout dans les maisons de repos. Ce travail m'a beaucoup apporté en termes de connaissance et d'expérience par rapport à la pandémie.

Avez-vous eu l'impression que les médecins en formation ont été soutenus durant cette période?

Non. Tous les assistants, généralistes et spécialistes, ont eu l'impression d'avoir été jetés en première ligne, au front. Par ailleurs, de nombreux assistants estimaient qu'ils devaient s'impliquer face à l'augmentation du nombre de cas. C'est notre rôle, notre vocation. Durant la deuxième vague, qui a été la plus forte pour la médecine générale, nous avons dû prendre en charge des patients Covid, parfois en fin de vie, qui étaient hospitalisés à domicile parce que les services hospitaliers étaient surchargés.

Prime d'encouragement

La prime d'encouragement de 985 euros bruts va enfin être versée aux assistants en médecine générale (lire en page 37). Avez-vous eu l'impression d'être soutenus par les autorités durant la crise?

Pas du tout. J'ai pu démontrer dans mon TFE que la Belgique s'est trop focalisée sur les hôpitaux durant la pandémie. Les maisons de repos et de soins ont été négligées. Deux tiers des décès y sont survenus durant la première vague. C'est énorme. En tant qu'assistant en médecine générale, j'ai l'impression que les médecins en formation ont été ignorés. Quand le Fédéral a annoncé une prime pour les spécialistes en formation - ce qui est tout à fait légitime - rien n'a été fait pour les généralistes en formation. Or, les médecins généralistes agréés ont reçu des primes pour leur matériel de protection. Ce n'est pas tant pour l'aspect financier que pour la reconnaissance symbolique qui y est liée que ces primes sont importantes. Les médecins généralistes en formation avaient l'impression de ne pas exister. Ils se sont battus pour obtenir cette prime. Elle a enfin été attribuée par l'Inami.

Vous êtes-vous aussi impliqué rapidement dans le testing et la vaccination?

Nous avons rapidement réalisé des tests au cabinet pour des patients malades ou des personnes voulant partir en voyage. En médecine générale, nous avons l'occasion de voir la vague arriver en fonction de l'augmentation du nombre de tests Covid réalisés. Je me suis moins impliqué dans la vaccination. Je réponds évidemment aux interrogations des patients et les oriente.

Vous travaillez dans des quartiers situés à Molenbeek et Anderlecht. Est-ce compliqué de sensibiliser la population ou de lui expliquer les risques liés au Covid?

La charge de travail est plus grande pour le médecin parce qu'il doit, par exemple, rassurer un patient qui a peur du Covid et déclare ne plus vouloir se rendre à son travail. Il faut expliquer et responsabiliser. De nombreux patients des quartiers défavorisés ont une certaine défiance vis-à-vis du système politico-médiatique et ne font confiance qu'à leur médecin généraliste. Aujourd'hui encore de nombreuses personnes doutent de l'efficacité de la vaccination. Le généraliste doit adapter ses explications à ses interlocuteurs et essayer de convaincre.

À vous de voter

Nous vous présentons dans cinq numéros consécutifs les candidats au prix du Spécialiste de l'année. Cette année, il a été décidé en concertation avec le Groupement belge des spécialistes d'attribuer ce prix à des médecins spécialistes en formation pour mettre à l'honneur tous les Macs qui se sont mobilisés en Belgique francophone durant la pandémie dans les services hospitaliers. Les cinq candidats ont été proposés par la Délégation des médecins francophones en formation asbl. Après la présentation des cinq candidats, nous vous demanderons d'élire le lauréat du prix du Spécialiste de l'année 2021.

Le journal du Médecin: Comment avez-vous vécu le début de la pandémie? Comment vous êtes-vous impliqué dans la prise en charge des patients? Mohamed Salah: Lors de la première vague, les assistants en médecine générale ont été surpris, comme toute la population, par un virus que personne ne connaissait. Nous avons dû faire face à certaines décisions prises par les autorités et à des manquements, par exemple la pénurie de masques et des équipements de protection. Nous avons été obligés durant la première vague de fermer physiquement les portes des cabinets de médecine générale. Nous pouvions soit nous limiter à faire des téléconsultations, soit, si on ne se sentait pas à l'aise avec l'idée de faire un tri téléphonique et de ne pas voir les patients malades, nous pouvions continuer à effectuer quelques visites à domicile et des gardes population. à ce moment-là, nous avions l'impression que notre rôle était de protéger le système de soins de santé et d'éviter l'engorgement du secteur hospitalier. Nous nous sommes impliqués sans équipement. Pour ma part, j'ai utilisé durant trois mois une boîte de masque FFP2 offerte par un confrère. Nous avons dû nous fournir nous-mêmes en matériel de protection. Nous avions aussi des contacts avec des assistants en médecine spécialisée qui ne voyaient que les cas graves. Nous voulions les aider. Je me suis dès lors impliqué dans les activités de tri organisées dans des centres à l'entrée des hôpitaux. Porter une sorte de tenue de cosmonaute durant des heures était plutôt impressionnant. Les assistants participaient bénévolement à ces activités pour éviter le crash de notre système de santé. Votre formation a-t-elle été impactée par la crise? Vos maîtres de stage avaient-ils l'occasion de vous accompagner? J'ai ressenti une grande autonomie. J'avais l'impression d'être déjà un médecin à part entière. Le Covid a pris toute la place. Nous nous inquiétions de ne plus voir de patients qui souffraient d'autres maladies. Les maîtres de stage étaient également préoccupés. J'ai consacré mon TFE au lien entre l'implication de la première ligne et la mortalité liée au Covid dans les pays de l'OCDE pour comprendre pourquoi la Belgique avait à l'époque les pires chiffres de mortalité, surtout dans les maisons de repos. Ce travail m'a beaucoup apporté en termes de connaissance et d'expérience par rapport à la pandémie. Avez-vous eu l'impression que les médecins en formation ont été soutenus durant cette période? Non. Tous les assistants, généralistes et spécialistes, ont eu l'impression d'avoir été jetés en première ligne, au front. Par ailleurs, de nombreux assistants estimaient qu'ils devaient s'impliquer face à l'augmentation du nombre de cas. C'est notre rôle, notre vocation. Durant la deuxième vague, qui a été la plus forte pour la médecine générale, nous avons dû prendre en charge des patients Covid, parfois en fin de vie, qui étaient hospitalisés à domicile parce que les services hospitaliers étaient surchargés. La prime d'encouragement de 985 euros bruts va enfin être versée aux assistants en médecine générale (lire en page 37). Avez-vous eu l'impression d'être soutenus par les autorités durant la crise? Pas du tout. J'ai pu démontrer dans mon TFE que la Belgique s'est trop focalisée sur les hôpitaux durant la pandémie. Les maisons de repos et de soins ont été négligées. Deux tiers des décès y sont survenus durant la première vague. C'est énorme. En tant qu'assistant en médecine générale, j'ai l'impression que les médecins en formation ont été ignorés. Quand le Fédéral a annoncé une prime pour les spécialistes en formation - ce qui est tout à fait légitime - rien n'a été fait pour les généralistes en formation. Or, les médecins généralistes agréés ont reçu des primes pour leur matériel de protection. Ce n'est pas tant pour l'aspect financier que pour la reconnaissance symbolique qui y est liée que ces primes sont importantes. Les médecins généralistes en formation avaient l'impression de ne pas exister. Ils se sont battus pour obtenir cette prime. Elle a enfin été attribuée par l'Inami. Vous êtes-vous aussi impliqué rapidement dans le testing et la vaccination? Nous avons rapidement réalisé des tests au cabinet pour des patients malades ou des personnes voulant partir en voyage. En médecine générale, nous avons l'occasion de voir la vague arriver en fonction de l'augmentation du nombre de tests Covid réalisés. Je me suis moins impliqué dans la vaccination. Je réponds évidemment aux interrogations des patients et les oriente. Vous travaillez dans des quartiers situés à Molenbeek et Anderlecht. Est-ce compliqué de sensibiliser la population ou de lui expliquer les risques liés au Covid? La charge de travail est plus grande pour le médecin parce qu'il doit, par exemple, rassurer un patient qui a peur du Covid et déclare ne plus vouloir se rendre à son travail. Il faut expliquer et responsabiliser. De nombreux patients des quartiers défavorisés ont une certaine défiance vis-à-vis du système politico-médiatique et ne font confiance qu'à leur médecin généraliste. Aujourd'hui encore de nombreuses personnes doutent de l'efficacité de la vaccination. Le généraliste doit adapter ses explications à ses interlocuteurs et essayer de convaincre.