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J'ai toujours aimé les êtres originaux, bizarres, vaguement paumés. Ces fêlés par lesquels passe la lumière, dont la rencontre soudain illumine une journée. Leur dénuement les rend différents, n'ayant souvent rien à perdre, ce en quoi ils nous enseignent. Je ne l'avais plus vu depuis un an, son éternel mégot aux lèvres. Il sort pour fumer à l'aise, engoncé dans sa veste d'hiver sur le trottoir de sa maison de repos. Il me reconnaît immédiatement, me lance son éternel "Salut patron" par lequel il me signifie son plaisir de me revoir, m'interroge sur un de mes beaux-frères auquel il est apparenté, aligne les phrases avec une lenteur soignée. En d'autres temps, on aurait dit qu'il était simplet, je le trouve plutôt incroyablement humain. Il ne se trouve aucun interstice entre ce qu'il exprime et ce qu'il pense, aucun calcul, aucun souci de plaire ou de paraître. Étiqueté handicapé mental léger, se pourrait-il que la gentillesse et la chaleur humaine comblent chez ces être diminués ce qui leur manque d'enseignement, de science et de connaissances? Je le quitte à regret, emportant un peu de soleil dans la trousse.