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Fondé en 1852, les bâtiments d'origine de la Maison de santé Maeck ont cédé progressivement leur place à de nouvelles infrastructures, chacune en cohérence avec leur époque. La dernière phase débutée il y a sept ans est celle du projet Apertio. Apertio signifie ouverture en latin car " la notion d'ouverture est fondamentale dans l'architecture-même du bâtiment", explique Alban Antoine directeur général de CHJT. Deux nouveaux bâtiments hospitaliers de plus de 17.000 m2 ont donc vu le jour avec 120 lits, majoritairement en chambres individuelles, des espaces pour des activités thérapeutiques et sportives mais aussi une grande zone de pharmacie hospitalière, une cuisine centrale, et un espace logistique. " L'emménagement se fera par différentes vagues et débutera au milieu du mois de décembre, une fois les autorisations requises reçues", précise le directeur général. Un projet de grande ampleur qui représente 35 millions d'euros d'investissement, dont 11 millions de la Région bruxelloise et une donation de la Fondation Roger De Spoelberch.. Et si cette nouvelle construction est forcément plus performante au niveau énergétique, des efforts en matière de durabilité ont été fournis, avec la pose de panneaux photovoltaïques, le circuit des déchets revu et une belle place pour la mobilité douce au niveau du parking . "On sait à quel point le secteur hospitalier est un gros contributeur en matière d'empreinte carbone, mais nous souhaitions apporter notre part tel un colibri", conclut Alban Antoine .Nous nous retrouvons au 4e étage du bâtiment C, pour une visite dans l'unité réservée aux personnes présentant un double diagnostic (trouble psychique et déficience intellectuelle). Une unité qui pourra accueillir 15 patients. Dans l'entrée, le Dr Pierre Oswald, directeur médical du CHJT explique le concept : "Comme un patient, nous ne sommes pas devant un couloir fermé, mais devant plusieurs possibilités. On peut aller à gauche à droite, ou tout droit. C'est ça le coeur du rétablissement", explique-t-il. " C'estmettre dans les mains de la personne soignée, la possibilité de faire des choix, à tout moment de son traitement." Des choix qui ne conviennent pas toujours et que la personne doit donc défendre, discuter ou négocier. Car un choix a des implications concrètes que ce soit pour le département des ressources humaines, pour le service de gardiennage et finalement pour tous les métiers de l'hôpital qui ont relevé le défi d'Apertio. "La plupart des gens pensent que lorsqu'on est sous contrainte, on n'a plus rien à dire. Ce n'est pas exact car, heureusement, il existe des dispositions légales qui nous interdisent d'imposer, par exemple, un traitement médicamenteux aux personnes soignées. Ce qu'on veut démontrer ici, c'est qu'au-delà des aspects légaux, mettre le patient en situation de responsabilité c'est faire du soin. Nous sommes convaincus que lorsque la personne fait des choix, elle s'inscrit de fait dans un processus thérapeutique", soutient le directeur médical. Dans ce nouveau concept, les patients et les soignants partagent dorénavant le même espace de vie. Une nouvelle philosophie de soins qui inclut l'expérience "ma vie sans bureau" dont l'hôpital se veut pionnier: le bureau des infirmiers est réduit à sa seule fonction administrative. "Avec cette expérience, nous voulons démontrer que la mixité et le processus de rencontres entre soignants et soignés permet d'éviter certaines formes de violence, dues en partie à l'incompréhension et la frustration", explique Nathalie Clochard, directrice des soins . "Car se développe petit à petit une confiance mutuelle." Concernant l'organisation de la journée l'objectif est d'éviter des horaires trop rigides. " Il faut que cela reste dans un cadre d'organisation tenable évidemment, mais il y a moyen de faire quelque chose de plus personnalisé", explique le Dr Oswald . "Le patient n'a pas tous les pouvoirs non plus, mais s'il a envie de manger à 9h30, on va utiliser le principe de co-construction, et il pourra discuter et négocier cette proposition avec les soignants. Ce principe est un soin en tant que tel." La co-construction est un des principes fondateurs du rétablissement qui permet à la fois d'accorder de l'attention à la personne soignée et au bien-être du soignant. " Mais il impose aussi une augmentation de l'expertise de la part des soignants, qui doivent améliorer leurs compétences pour bien comprendre les personnes qu'ils ont devant eux", souligne le directeur médical .Lorsque la tension monte, il faut éviter l'escalade. A cet effet, un espace de balnéothérapie et une chambre d'apaisement, dotée d'un grand écran tactile sont mis à disposition. "Imaginer des alternatives à l'isolement automatique est une évidence: ces outils se sont donc imposés lors de notre réflexion, et ce pour toute situation d'agitation", poursuit Nathalie Clochard . "Penser la violence comme un processus progressif requiert des solutions qui le sont aussi". En chambre d'apaisement, la personne soignée a moins de sollicitations, moins de stimulations mais un contact visuel est assuré avec un soignant, facteur éminemment rassurant. Et grâce à l'écran tactile, il peut continuer à poser des choix, par exemple en définissant la luminosité de la pièce, en choisissant la musique ou en interagissant avec les soignants. "La chambre d'apaisement est la traduction pratique des théories humanistes qui font d'une personne soignée une personne comme les autres, dotée d'auto-détermination, soucieuse de vivre en société", ajoute Nathalie Clochard . "Les personnes qui sont hospitalisées au CHJT sont des citoyens, soucieux de participer à la vie de la cité"Quelques étages plus bas, nous nous trouvons dans une immense zone dédiée aux activités physiques et ludiques. Parce que la santé physique est partie intégrante du soin, on y retrouve une vaste salle de sports, un mur d'escalade, une salle de fitness, mais aussi de la musicothérapie et de l'ergothérapie. Car au-delà d'un soin psychiatrique, c'est la santé globale qui est visée, facteur de bien-être et d'inscription dans un trajet de soins.