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Jérôme Bonhomme n'est pas en règle aux yeux de l'administration dans la gestion de son cheptel: la terre des hommes est devenue la terre des normes qui tordent le cou, quand ils ne se le rompent pas eux-mêmes de désespoir, des petits paysans, la société capitaliste préférant les fermes de mille vaches désanamilisées et épurées, aux petits troupeaux de petites exploitations qui fleurent encore bon... le purin. L'agriculture industrielle sous cellophane fane en effet le naturel, le vivant, lui préférant le déjà mort ou le jamais vraiment né sur pattes... Voisin, famille, amis, le condamné lui-même racontent bien plus que neuf jours de cavale ; ils décrivent le meurtre d'un très noble et ancien métier, pardon une profession de foi, donc un sacerdoce. Corinne Royer, avec toute la fougue et la révolte rentrée d'une écriture qui flirte avec le naturalisme secoué par le vent de la colère froide, a transposé un fait-divers réel et récent qui s'est déroulé en Bourgogne de ce que l'on nomme banalement un "drame paysan", mais qui est en fait le symbole de la tragédie du monde agricole: celui où les amoureux de la terre disparaissent, où la paysannerie se démembre à coups de remembrements, où le contrôle sanitaire et les précautions environnementales passent par une standardisation des espèces, l'élevage intensif, la multiplication des épidémies par manque d'aération... Le récit de ce tragique destin, solitaire mais pas esseulé, évoquant à la fois La chèvre de Monsieur Seguin et Ceci est ma ferme - témoignage de Chris de Stoop sur le suicide de son frère agriculteur, "romancé" par un auteur qui creuse peu à peu son sillon, est un bel hommage à l'un de ces... damnés de la terre.