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Le Dr Joke Muys est médecin chef en Gynécologie-obstétrique à l'Hôpital universitaire d'Anvers (UZA) et est spécialisée, entre autres, dans les grossesses à haut risque. Elle présente quelques lignes directrices pratiques pour ces présentations cliniques. La prééclampsie (PE) survient lorsque les vaisseaux sanguins maternels ne s'adaptent pas correctement aux changements circulatoires provoqués par la grossesse. Cela entraîne, entre autres, une augmentation de la pression artérielle qui peut endommager différents organes. Si l'hypertension ne peut être stabilisée [1], ou si l'état de la mère ou de l'enfant se détériore, un accouchement prématuré peut devenir imminent. La définition de la PE a été élargie en 2014. Aujourd'hui, elle fait référence à une pression artérielle élevée (>140/90 mmHg), qui survient au cours de la seconde moitié de la grossesse en combinaison avec des symptômes et/ou certains indicateurs, tels que la perte de protéines dans les urines, l'insuffisance placentaire (traduite par un retard de croissance foetale) ou des anomalies de laboratoire, dont une perturbation des tests hématologiques, ou des valeurs de la fonction hépatique ou rénale. "La protéinurie n'est donc pas une condition nécessaire pour diagnostiquer la PE. En cas d'hypertension et d'au moins un autre signe ou symptôme clinique, il faut immédiatement demander l'avis d'un gynécologue", résume le Dr Muys. Les symptômes pouvant révéler une PE comprennent la formation d'oedèmes, des céphalées sévères, des douleurs dans la région du foie, un malaise général, la vue d'éclairs lumineux et une dyspnée ou des nausées aiguës (après 20 semaines de grossesse). "Les futures mères qui craignent de confondre un mal de grossesse inoffensif avec un symptôme inquiétant peuvent être orientées vers preeclampsia.eu. Il s'agit d'un site web scientifiquement correct et centré sur le patient, développé par l'un de nos collègues", commente la gynécologue. Vers 12 semaines de grossesse, lors de l'échographie T1, le gynécologue évalue le risque de PE. "Nous demandons les antécédents de la patiente [2], mesurons la pression artérielle et déterminons la résistance des vaisseaux sanguins de l'artère utérine. Si le risque de PE est accru, nous commençons l'aspirine à titre préventif", explique le Dr Muys. Aujourd'hui, les gynécologues peuvent ajouter un dosage de la protéinurie à ce calcul du risque. "Le rapport PE ou rapport sFlt-1/PlGF peut également nous aider à un stade ultérieur de la grossesse, si nous avons des doutes quant à l'évolution d'une patiente vers la PE", ajoute-t-elle. Il doit toutefois y avoir une indication bien fondée: le dosage du rapport PE est remboursé seulement deux fois pendant la grossesse. Dans le cadre de la prévention de la PE, l'activité physique est également utile. "Les personnes ayant un profil à risque ont parfois l'impression qu'elles doivent être prudentes, mais le sport pendant la grossesse est justement très sain", souligne le Dr Muys. Dans le même groupe à risque, un supplément de calcium peut être indiqué pour les femmes ayant un faible apport en calcium ou en produits laitiers. Enfin, il ne faut pas oublier que l'hypertension pendant la grossesse augmente le risque de maladies cardiovasculaires ultérieures. "Nous recommandons un contrôle annuel chez le cardiologue dans le cadre de la prévention cardiovasculaire", déclare Joke Muys. La prise en charge de pertes de sang vaginales est déterminée par le moment où celles-ci surviennent. Dans tous les cas, une échographie doit être réalisée. En cas de grossesse très précoce, nous pouvons exclure une perte de grossesse [3] sur la base des valeurs sériques de l'hCG et/ou de l'échographie vaginale. Si la concentration d'hCG double après 48 h, ou si une activité cardiaque est visible à l'échographie, on peut être rassuré. Dans ce cas, il peut s'agir d'une perte de sang liée à l'implantation, d'un léger saignement après un rapport sexuel, d'un polype inoffensif,... En revanche, si l'échographie montre un embryon sans activité cardiaque perceptible, ou un sac amniotique sans embryon perceptible, et qu'il n'y a pas non plus d'évolution échographique deux semaines plus tard, il s'agit d'une perte de grossesse. "Entre-temps, le médecin généraliste peut continuer à surveiller les taux d'hCG", ajoute le Dr Muys. À partir de huit semaines de grossesse, le dosage de l'hCG n'est plus utile, il faut alors se contenter de l'échographie. "D'ailleurs, s'il s'agit d'une perte de sang limitée en début de grossesse, l'échographie ne doit pas avoir lieu en extrême urgence, la nuit. Un examen au lendemain est toujours acceptable, car dans la phase aiguë d'une perte de sang et d'une fausse couche imminente, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour la patiente ou son bébé, si ce n'est offrir une aide psychologique ou la rassurer", explique le Dr Muys. Dans la seconde moitié de la grossesse, la situation est différente. "Parce qu'il peut alors y avoir des problèmes placentaires (décollement placentaire, placenta praevia) ou un début d'accouchement, la femme enceinte doit venir immédiatement au service des urgences", insiste le Dr Muys. Si tout semble bon à l'échographie, nous pouvons envisager l'administration intravaginale de progestérone après l'épisode de perte de sang, pour prévenir une perte de grossesse ou un accouchement prématuré, et également programmer une échographie de contrôle plus tôt. Chez les femmes rhésus D négatif, pour prévenir la sensibilisation au rhésus, il faut administrer RhoGAM®... - Après chaque fausse-couche ou épisode de saignement vaginal après 12 semaines de grossesse ; - Après chaque grossesse extra-utérine ; - Après tout partus ; - Après toute procédure obstétrique invasive (amniocentèse ou prélèvement de villosités choriales) ; - Après tout traumatisme. (À partir de 12 semaines d'âge gestationnel, le facteur rhésus foetal peut être déterminé par le NIPT). Jusqu'à 80% des femmes ont des nausées au cours des premiers mois de leur grossesse. Cependant, en cas de perte de poids ?5%, de déshydratation et de vomissements fréquents, on peut diagnostiquer une hyperémèse gravidique (HG). "Du moins si les autres causes possibles de vomissements répétés ont été examinées et exclues", ajoute le Dr Muys. "En outre, il faut vérifier si la grossesse est vitale et évolutive, s'il n'y a pas de maladie du trophoblaste et s'il s'agit éventuellement d'une grossesse gémellaire (des taux d'hCG plus élevés peuvent entraîner des nausées sévères)."Le score PUQE [4] est un outil objectif qui peut aider à déterminer la gravité des nausées, ainsi que la politique à suivre. Le Navalit®, une combinaison de doxylamine et de pyridoxine, est un antiémétique fréquemment utilisé pendant la grossesse. Si cela ne suffit pas, on administre en plus du métoclopramide (Primperan®). "Chez les femmes souffrant d'HG, une prise de sang est effectuée pour vérifier s'il n'y a pas des troubles de la thyroïde, du foie ou des électrolytes. Souvent, il est indiqué de procéder à une hospitalisation de courte durée, avec réhydratation par voie intraveineuse, supplémentation en vitamines et réintroduction prudente de l'alimentation. Nous essayons également de rassurer les femmes: dans 90% des cas, les nausées disparaissent à la 20e semaine."Les crampes dans le bas-ventre peuvent survenir à n'importe quel trimestre de la grossesse et constituent toujours un motif de consultation. Au cours du premier trimestre, il est plus probable que l'on parle d'une perte de grossesse imminente, et plus tard dans la grossesse, de contractions prématurées et d'une naissance prématurée imminente. À partir de 24-26 semaines, une conversation s'engage avec les parents sur les chances de survie et la qualité de vie du bébé si la mère devait accoucher, afin de décider s'il convient d'adopter une prise en charge active pour le bébé. Des contractions prématurées ne conduisent pas nécessairement à un accouchement prématuré. Il faut chercher avant tout une cause sous-jacente au durcissement et à la douleur du ventre, car le traitement d'une infection, par exemple, peut déjà inverser la tendance. "C'est pourquoi nous effectuons un prélèvement vaginal et une culture d'urine, à partir desquels nous procédons à un dépistage bactériologique général, et nous orientons ensuite la patiente vers une échographie. Ne procédez surtout pas à un toucher vaginal (sauf si l'accouchement est vraiment imminent), car cela peut provoquer une irritation supplémentaire", prévient le Dr Muys. La longueur du col de l'utérus, mesurée par échographie vaginale, est le facteur le plus prédictif de l'accouchement prématuré. En cas de contractions prématurées déclenchant une modification de la longueur du col de l'utérus, nous pouvons réaliser une maturation pulmonaire et tenter de ralentir les contractions, afin de favoriser la croissance des poumons et du système nerveux de l'enfant. "La pratique consistait autrefois à réaliser une maturation pulmonaire de faible intensité et de donner des tocolytiques plus fréquemment et plus longtemps, sous prétexte que 'si ça ne sert à rien, ça ne fait pas de mal'. Aujourd'hui, nous nous limitons à un maximum de deux cures de 48 heures, en combinant les injections de corticostéroïdes et le Tractocile®. Les études montrent qu'autrement, il y a un risque de troubles neurodéveloppementaux chez le bébé si la mère finit par accoucher 'à terme'", explique le Dr Muys. "Nous attendons donc d'être convaincus qu'une naissance prématurée est imminente. Bien qu'il reste très difficile de prédire quelles femmes accoucheront effectivement prématurément. En cas de doute, le test PartoSure®, une sorte d'écouvillon que nous prélevons, peut aider à indiquer s'il y a un risque réel d'accouchement prématuré."