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Même époque, mêmes tourments et conflits et même style picaresque chez Simon Spruyt, auteur et scénariste de bédé du Brabant flamand, qui signe avec Élégie pour un âne, une somme de deux cents pages en se basant en partie sur L'éloge de l'âne d'un certain Dirk Bouvaert en 1760. Son récit, imaginaire, met en scène un siècle plus tôt la vie de deux frères, Jan et Pieter Bouvaert, fils d'un bourgeois anversois banni pour avoir choisi le camp réformé plutôt que catholique. L'un, peintre, fait son voyage en Italie, tandis que l'autre, écrivain et philosophe, vit dans la boutique de leur vieille mère, veuve et désargentée, et doit se contenter d'une vie de précepteur d'une riche famille de la métropole, composant durant son temps libre un texte sur l'âne... Romançant à sa façon la vie et l'oeuvre de Pierre-Paul Rubens, dont il recopie à foison des peintures ( Descente de croix et autres), Simon Spruyt signe un récit captivant aux relents de Fantôme espagnol de Willy Vandersteen, qui restitue à merveille le style pictural de l'époque baroque, en lui attribuant des couleurs chaudes, sensuelles, un mouvement et une vivacité bien loin des natures mortes de l'époque. Détournant la vie d'un grand maître pour mieux l'aborder, son album frise lui aussi le chef-d'oeuvre.