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Visiter Machelen s/Lys reste un plaisir. Le village, qui s'étire le long d'un méandre de la Lys, respire Raveel. Le peintre y est né, y a toujours habité et travaillé. Il y a rencontré sa femme et même reçu un musée, conçu par Stéphane Beel, et que le peintre inaugura lui-même encore en 1999. Peu d'artistes auront eu ce parcours. Machelen constitue l'un de ces villages qui appellent à la flânerie: ses jardins arrières, ses prairies, ses vaches qui vous toisent. Nous sommes dans un tableau de Raveel. Les poteaux de clôture en béton, le fil barbelé, la lessive qui pend et ondule sous le vent, un vélo, un chat. Autant de thèmes si souvent peints et dessinés par Raveel. Une approche campagnarde qui n'enlève rien au caractère universel de son oeuvre. Son village était son univers. Les éléments qu'il y voyait et chérissait gagnaient leur universalité au travers de ses oeuvres. Roger Raveel (1921-2013) était passionné de peinture, même s'il en a cassé les codes. Il laissait ainsi vagabonder la peinture hors de son cadre. S'invitent dans l'oeuvre des miroirs, des objets et même des oiseaux vivants. Des charrettes aussi, avec lesquelles vous pouvez voyager. Raveel avait beau être un homme du village, cela ne l'empêchait pas de connaître les artistes du monde. C'est précisément cette relation avec l'extérieur que le Musée Roger Raveel vous propose d'explorer au travers de cette belle exposition. Au delà des pièces choisies avec soin dans sa collection personnelle (quelque 300 peintures et 2.500 dessins, sans compter les innombrables objets et quasiment l'ensemble de l'oeuvre graphique de l'artiste), vous y trouverez également des oeuvres de Brusselmans, Spilliaert, Ensor, Permeke, Malfait, Leon et Gust. Desmet, Dan Van Severen, Raoul De Keyser, Fernand Léger, mais aussi un Arracheur de pommes de terre de Vincent van Gogh, pour qui Raveel avait la plus profonde admiration. Le peintre flamand était en outre un fin connaisseur des traditions picturales, de Giotto à Rubens, de Van Gogh à Léger. De surcroît, son ami Hugo Claus l'a présenté aux cadors du mouvement Cobra Asger Jorn et Karel Appel. En route ou de retour de Paris, le peintre néerlandais ne manquait d'ailleurs pas de faire un crochet par Malines s/Lys et, surtout, par l'atelier de Raveel. Eté 1960 et 1962. Raveel se rend en Ligurie, dans le village côtier d'Albisola, où il peint et participe à une exposition de groupe en compagnie de Jorn et Lucio Fontana. Sur le chemin du retour, il fait un jour halte à la Kunsthalle Bern, où il savoure les oeuvres d'artistes américains, parmi lesquelles ces combine paintings de Robert Rauschenberg, qui convoque toutes sortes d'objets dans sa peintures, une technique utilisée depuis plusieurs années déjà par Raveel. Ce dernier était un homme de son temps. Il entrait en résonance avec les nouveaux courants comme le Nouveau Réalisme et les devançait même souvent. Cette exposition Voir, Penser, Peindre. Une conversation avec Roger Raveel permet de jeter un oeil par-dessus la clôture, de découvrir les peintres qui ont influencé Raveel, de Van Gogh à Henri Matisse, en passant par Asger Jorn, et de comprendre les interactions qui faisaient de Raveel un artiste d'avant-garde. Cette citation de l'artiste lui-même devrait nous aider à comprendre l'énigmatique Raveel: " L'art a besoin d'un bain dans la réalité. L'oeuvre s'en trouve fortement choquée, ce qui nous rapproche à notre tour des forces primitives de la vie."