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Petite pointe de chauvinisme français en début de l'expo, qui explique que la Royal Academy of Arts créé sous le règne de George III qui régnera durant 60 ans de 1760 à 1820, s'inspire de l'Académie royale de peinture et de sculpture qui existe à Paris depuis 1648. Un règne qui marque le triomphe de l'Empire colonial britannique après la guerre de sept ans et qui, malgré la perte des États-Unis, connaît un formidable essor économique avec les débuts de la révolution industrielle. Ce qui implique qu'à une noblesse non décollée s'ajoute une bourgeoisie industrielle soucieuse de l'imiter en tout.Premier président de la Royal Academy of Arts, Joshua Reynolds s'oppose à Thomas Gainsborough dans l'attribution des commandes de la noblesse : raison pour laquelle l'exposition les confronte montrant que tous deux sont de grands admirateurs de Van Dijck, que le premier à des textures plus grumeleuses, que le second de plus fluides, et que Gainsborough est plus expressif dans le regard (portrait de Gainsborough-Dupont) en opposition au style plus vaporeux sfumato de Reynolds (portrait du comte de Carlisle).Leurs héritiers Zoffany ou Romney notamment semblent avant tout être des suiveurs qui profitent de l'embourgeoisement en cours. La mode des portraits de groupes en petits formats à la façon hollandaise ou flamande avec un soupçon de Watteau, révèle une peinture anglaise donc pragmatique, visant à répondre au goût des commanditaires, plutôt qu'aux envies de l'artiste : même le maître des contrastes que fut Wright of Derby dans la lignée d'un de La Tour se laisse aller à peindre un enfants aux cerfs-volants, impavide, mais certainement rétributeur.Reynolds est sur ce point plus intéressant qui, avec Les archers dépeint deux noblions dans un mouvementé et une pâleur renaissante.La peinture animalière, jusque là délaissée, devient à la mode, sans doute à cause de la prolifération d'animaux domestiques : le maître anglais du genre est George Stubbs qui signe un petit cheval attaqué par un lion saisissant. Autre genre délaissé jusque alors, le paysage, lequel s'impose du fait des révolutions européennes, de l'impossibilité de voyager et donc l'obligation de se tourner vers la nature locale et un naturalisme qui l'est tout autant, dans la tradition une fois encore des paysages hollandais, voire flamands : Turner ( Lac et montagne) et Constable (avec un Paysage, hélas avare de ses fameux nuages ! ) s'y adonnent y compris dans des aquarelles, premier amour de Turner. Une technique moins onéreuse qui permet d'atteindre une clientèle moins riche.Si l'exposition traite aussi de l'exotisme des paysages lointains conquis par l'Empire britannique, c'est dans sa partie finale consacrée à la peinture d'histoire qu'elle se révèle la plus spectaculaire : un genre fort prisé par les peintres mais peu goûté par le public. Fuseli qui influencera William Blake (qu'il côtoie ici dans une aquarelle décrivant Homère) en est un maître ( Le rêve du berger), Turner en fait la synthèse en trois oeuvres : une peinture construite, inspiré de son maître Le Lorrain (une gouache de Rome) ; un fusain de Chamonix ; et pour satisfaire le goût du public pour le spectaculaire, l'impressionnant La destruction de Sodome. Mais la palme du péplum revient sans aucun doute à John Martin qui, avec La destruction (encore ! ) de Pompéi et Herculanum, invente le genre avant Hollywood.Cette exposition basée uniquement sur les prêts de la Tate Britain réunit tous les grands noms de l'âge d'or de la peinture anglaise, certes, mais se montre avare de chefs-d'oeuvre. Brexit ou pas, les oeuvres ont bien du mal à passer le Channel... avec ou sans droits de douane.