Après un bond de 7% en un mois à peine, les petites valeurs affichent à présent le même progrès que les poids lourds de la cote depuis le début de l'année. C'est ce que soulignait la semaine dernière la maison Keren Finance, à propos du marché français. Fort bien, mais vont-elles surtout résorber le retard accumulé ces deux dernières années? Ces derniers mois, les avis sont de plus en plus nombreux à pencher en ce sens et ceci à l'échelle internationale.
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Il n'est sans doute pas inutile de préciser d'entrée de jeu de quoi il s'agit... ou ne s'agit pas. La majorité des fonds spécialisés en petites et moyennes valeurs affichent les deux à la fois. Fondamentalement, ces small & mid caps, suivant la dénomination anglo-saxone presque toujours reprise dans le nom du fonds, s'entendent clairement par opposition au large caps, ou grosses entreprises, soit en particulier celles dont les actions font partie des principaux indices boursiers: le BEL 20 pour Bruxelles, le Stoxx 600 pour l'Europe, le Standard & Poors 500 pour les Etats-Unis, etc. Pour le reste, la définition est en réalité très vague. Chez Euronext, la bourse paneuropéenne, on qualifie de petites les entreprises valant moins de 150 millions d'euros et de moyennes celles qui pèsent jusqu'à un milliard. C'est à vrai dire viser franchement "petit". Aux États-Unis, les small caps sont qualifiées comme telles jusqu'à 2 milliards. De toute manière, même en Europe, des fonds small & mid caps mettent en portefeuille des entreprises pesant beaucoup plus lourd. Pour AXA par exemple, les petites (et non moyennes) entreprises sont celles qui pèsent jusqu'à 5 milliards! Dans le portefeuille du fonds Belfius évoqué ci-contre, on trouve la société BioMérieux qui vaut plus de 11 milliards. Il est toutefois à noter que plusieurs fonds affichent une spécialisation plus précise. Le gestionnaire Janus Henderson évoqué ci-après propose ainsi un fonds Horizon Pan European Smaller Companies, avec un portefeuille composé pour moitié d'entreprises valant moins d'un milliard d'euros. Le petit gestionnaire français Mandarine Gestion propose même un fonds Microcap qui retient les entreprises valant moins de 500 millions. Qu'elles soient vraiment petites ou plus que moyennes, les PME cotées seraient donc en passe de retrouver de la vigueur, après deux années de retard sur les ténors, à en croire de nombreux oiseaux de bonne augure. Quels sont leurs arguments? Janus Henderson, un groupe britannique gérant plus de 320 milliards d'euros, les a tout récemment résumés, sur le plan général et historique, comme au niveau de la situation actuelle. Le gestionnaire souligne d'abord que les petites et moyennes entreprises affichent, les trois quarts du temps, une croissance des résultats supérieure à celle des grosses entreprises, une observation faite sur 30 ans. Assez logiquement donc, la performance boursière des premières est supérieure à celle des secondes les deux tiers du temps. Un argument a contrario aussi: contrairement à ce qu'on prétend souvent, des taux d'intérêt relativement élevés (ce qui est le cas aujourd'hui, en regard en tout cas du niveau des dernières années) ne pénalisent pas les plus petites entreprises, ainsi qu'on a pu le constater durant la période 2001-2007. Le gestionnaire britannique fait par ailleurs une double observation sur le terrain. Depuis l'an dernier, pas mal de PME cotées font l'objet d'OPA, parfois avec des primes de l'ordre de 60% sur le dernier cours de bourse. Rien d'étonnant à cela, puisque le rapport cours/bénéfice, la mesure la plus classique de la cherté d'une action, est de 12 à peine pour ces valeurs dans la zone euro, contre près de 16 pour les grosses entreprises. De plus, leur valorisation actuelle est globalement inférieure de 15% à la moyenne historique. Autre plaidoyer, celui du groupe AXA. Contrairement à Janus Henderson, il considère que les PME sont handicapées par des taux élevés. Comme quoi, la finance n'est pas une science exacte... Quoi qu'il en soit, la baisse attendue des taux d'intérêt serait dès lors un facteur favorable: "À mesure que les taux commenceront à baisser et que la situation macroéconomique générale s'améliorera, les flux de capitaux vers les petites capitalisations devraient s'intensifier parallèlement au regain d'appétit pour le risque". Le risque présenté par les small & mid caps est en réalité relatif, observe cependant le gestionnaire français. En bourse, il se mesure par la volatilité, ce qui signifie tout simplement l'ampleur des hausses et des baisses par rapport à la moyenne du marché. Contrairement à une opinion répandue, la volatilité des petites actions n'a guère dépassé celle des grandes valeurs au cours des 25 dernières années, avec pour seule exception le krach de la crise du Covid, début 2020. AXA confirme par ailleurs que les petites entreprises performent mieux que les grandes sur le long terme en ce qui concerne la croissance des bénéfices, un aspect évidemment essentiel. Ce n'est pas vrai sur les trois dernières années, avec un bond de 65% pour les grandes, contre 47% pour les petites. Ceci vaut pour l'Europe, faut-il préciser. Les petites entreprises reprennent l'avantage sur cinq ans (avec 36,5% contre 32,6) et bien plus encore sur les dix dernières années, avec un plus que doublement, à 101,8%, soit pas loin du double de la hausse des grandes entreprises, limitée à 51,8%. Voilà un argument de poids en faveur des small caps! À condition, bien entendu, que ceci se retrouve au niveau des cours de bourse. C'est un chiffre sur 15 ans qu'AXA affiche cette fois, ce qui biaise malheureusement le rapport avec ce qui précède. En tout cas, entre 2008 et 2023, les petites capitalisations ont affiché une performance globale de 521%, contre 466% pour les grandes, soit un gros dixième de plus. L'écart n'est pas géant, mais il va dans le bon sens. De toute manière, l'argument essentiel du moment n'est pas tant que la performance historique des petites valeurs est supérieure, mais d'abord et avant tout qu'elles ont accumulé un sérieux retard au cours des deux dernières années et qu'elles semblent aujourd'hui en passe de le combler. Elles pourraient dès lors performer, non pas un peu, mais beaucoup mieux que les grandes. Au conditionnel, forcément...