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Malgré une association scientifiquement bien établie entre l'alcool et le tabac, les médecins sont réticents à proposer un sevrage simultané. Pourtant, il peut s'agir d'une solution adaptée. Jacques, 62 ans, buvait 5 à 10 unités d'alcool et fumait 10 cigarillos par jour. Boire lui permettait de sortir d'un corps meurtri par des souffrances passées, alors que fumer éveillait sa conscience. Le sevrage a été pour lui un chemin épineux. En fin de thérapie, il a partagé: "Ça m'a demandé du courage de me réveiller de ce long cauchemar. Je vois le jour différemment, il fait plus lumineux dans ma tête."Pour aborder les personnes qui présentent une double addiction à l'alcool et au tabac, proposer un sevrage simultané permet d'identifier les conséquences globales de leur problème d'addiction. Cela nécessite des solutions adaptées et centrées sur la personne, des objectifs réalisables et une nouvelle façon de penser. La prise en charge de la dépendance est un processus à long terme, qui se divise en plusieurs phases. Le sevrage simultané d'alcool et de tabac se déroule dans une atmosphère constructive, en invitant les personnes dépendantes à réfléchir à l'influence et à la fonction des deux stimulants. Il est utile de les accompagner pour les aider à identifier les processus compensatoires et impulsifs, et à développer des stratégies d'adaptation, de coping, pour les contourner, et finalement, arriver à les contrôler. Léa, 45 ans, est divorcée et mère de deux jeunes enfants. Son ex-mari l'a trompée et, depuis lors, sa consommation d'alcool est passée à cinq verres par jour. Sa consommation cache des sentiments de tristesse et d'abandon. Son sevrage d'alcool est géré avec 40 mg de Nalméfène, qui réduit l'envie d'alcool. Mais après deux mois sans alcool, sa consommation de sucre a augmenté et elle est passée de 17 à 32 cigarettes par jour. Cette constatation ouvre à Léa des perspectives de stratégies alternatives pour mieux contrôler sa double dépendance.L'aide médicale rend le processus de sevrage aussi confortable que possible. Ainsi, proposer simultanément des substituts nicotiniques et des médicaments pour le sevrage d'alcool est une option thérapeutique possible. Une cigarette contient 1 à 1,5 mg de nicotine. Un patch à la nicotine de 21 mg réduit l'envie de fumer pendant 24 heures. Toutefois, pendant la nuit, il peut entraîner des troubles du sommeil et des cauchemars. Les patchs de 16 heures à 25 mg constituent une alternative. Ils sont intéressants pour une personne qui fume beaucoup (environ 40 cigarettes par jour) et ne posent pas de problèmes la nuit, car ils n'introduisent pas de nicotine dans la circulation sanguine. Dans les moments critiques, lorsqu'une personne est stressée, nerveuse ou qu'elle a très envie d'une cigarette, un patch n'est pas d'une grande utilité car il ne délivre pas une dose importante de nicotine. Dans ces cas-là, un substitut à action rapide est nécessaire, comme le spray nicotinique qui permet de maîtriser l'envie de fumer en 60 secondes seulement, ou les pastilles. La gomme à mâcher est plus complexe, car son efficacité dépend de la technique de mastication. L'administration de médicaments ne résout pas à elle seule le problème de la dépendance. Il est essentiel que la personne comprenne la relation entre son problème de dépendance et son contexte émotionnel ou traumatique. Un problème d'addiction se situe dans un déséquilibre entre deux systèmes cérébraux. D'une part, le système cognitif, avec ses fonctions exécutives, qui conduit à un comportement contrôlé et réfléchi. D'autre part, le système limbique joue un rôle dans la réponse émotionnelle à des stimuli tels que l'alcool, qui déclenche des réactions automatiques et impulsives. La place des émotions dans le traitement de l'alcoolisme prend alors tout son sens. L'administration d'agonistes GABA comme les benzodiazépines (Diazépam ou Lorazépam) ou d'antagonistes NMDA, comme la kétamine, peut prévenir l'apparition de symptômes de sevrage sévères. Si la personne dépendante est déjà en état de manque, le traitement sera axé sur la prescription de vitamine B1, en particulier de thiamine. Un apport adéquat en liquides, en glucides et en ions est également essentiel. La prise de Nalméfène est une option pour les personnes qui ne présentent pas de symptômes physiques de sevrage et qui n'ont pas besoin d'arrêter immédiatement. Ce médicament agit comme un antagoniste des récepteurs opioïdes du système de récompense et réduit l'envie de boire. La personne doit prendre le médicament 2-3 heures avant la consommation d'alcool prévue. Le Campral est quant à lui utilisé après un sevrage aigu afin de maintenir l'abstinence et de prévenir les rechutes. Le traitement médicamenteux le plus efficace est celui qui s'accompagne d'une prise en charge de la charge émotionnelle ou traumatique. Ainsi, le médicament n'est plus considéré comme un traitement miracle, mais comme un outil dans le cadre d'un parcours de rétablissement personnel. Même si cela peut étonner, il est davantage bénéfique pour la personne avec une double dépendance de se sevrer en même temps d'alcool et de tabac. Par exemple, les substituts nicotiniques peuvent empêcher le tabagisme de compenser le désir d'alcool, et le fait de continuer à fumer ne fait qu'abaisser le seuil à partir duquel le verre est à nouveau à portée de main. La consommation d'alcool et de tabac est motivée par des pensées, soutenues par des processus automatiques fondés sur des systèmes de valeurs personnels et sociaux. Le système de pensée est une sorte de dialogue interne qui inhibe ou encourage la consommation et qui est alimenté par les influences sociales et les expériences de chaque individu. Damien a 30 ans. Après un grave accident de la route sous l'influence de stimulants, il doit suivre une thérapie obligatoire pour ses problèmes de dépendance. Il a commencé à fumer des cigarettes à l'âge de 13 ans, combiné ensuite au cannabis, puis à l'alcool, et à la cocaïne.Damien a arrêté de fumer pendant trois mois, mais a rechuté après avoir voulu en fumer "juste une". Il a également arrêté sa consommation d'alcool pendant cinq mois mais a rechuté "parce qu'il se sentait mieux en buvant de l'alcool". Son schéma de pensée dysfonctionnel était également évident lorsqu'il se récompensait en se laissant profiter d'une bière "après une semaine de dur labeur".Voici un mode de pensée qui inhibe la consommation: "Je suis une mère et je dois me comporter de manière responsable vis-à-vis de mes enfants, du ménage et de mon travail. C'est pourquoi je ne bois pas plus de deux verres de vin blanc lors de l'apéritif le vendredi après le travail."Alors que celui-ci encourage la consommation: "Ce n'est pas pour une cigarette et quelques verres de bière, que ça va changer quelque chose! Après tout, nous sommes vendredi soir. Demain, c'est samedi et je peux faire la grasse matinée."Les gens ont des croyances bien ancrées quant à leur relation avec l'alcool et le tabac. Cela peut déstabiliser l'idée d'un sevrage simultané, or une approche intégrée se justifie principalement parce qu'elle est efficace et préventive, qu'elle anticipe les rechutes et qu'elle conduit à une meilleure maîtrise de soi. Et cela est bien nécessaire dans un monde qui applaudit souvent nos tendances à la dépendance. Comprendre la consommation de substances psychoactives est le début d'un processus de sevrage. Parler avec les personnes ayant une dépendance de leurs expériences avec ces stimulants et leurs tentatives antérieures d'arrêt constitue la base d'une intervention à long terme. Cela permet aux médecins de développer la motivation d'une manière centrée sur la personne afin de parvenir à une consommation tolérance zéro pour le tabac et contrôlée pour l'alcool ou mieux encore à une abstinence totale.