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Le Dr Donald Claeys, secrétaire général du GBS, jette un regard dans le rétroviseur et se tourne aussi déjà vers demain. Le chirurgien gantois est ravi du climat actuel de concertation avec les autorités. En collaboration avec le SPF Santé publique, le GBS a publié des listes de priorités pour les différentes spécialités. " Tout le monde doit prendre ses responsabilités ", ajoute-t-il. " Ce n'est pas mauvais. "Il souligne toutefois que de nombreux médecins hospitaliers qui n'ont pas été impliqués dans le Covid-19 sont restés tout un temps sans revenus normaux. " A condition que cela ne se répète pas pendant des mois, ils s'en sortiront. Un problème plus important est qu'entre-temps, ils devaient aussi continuer à payer leur personnel. Du personnel qui devait en plus travailler plus dur que d'habitude pour déplacer des rendez-vous, les refixer... ". Cela dit, Donald Claeys est relativement optimiste. Il part du principe que le retard encouru pourra en grande partie être éliminé pendant l'été. " Bien qu'il faille espérer ne pas avoir une rechute cet automne avec la période de la grippe. "Quoiqu'il en soit, une 'petite partie' de la consommation médicale sera perdue. " C'est un raccourci de considérer ces soins comme inutiles ou superflus ", ajoute-t-il. " Prenez par exemple le suivi après une intervention chirurgicale pour un cancer colorectal. Les oncologues médicaux s'en chargent. Les directives prévoient toutefois que les patients bénéficient d'un examen de suivi tous les six mois pendant les trois premières années qui suivent l'intervention. Avec la crise, certaines personnes ne se sont pas rendues à leur contrôle ou y sont allées mais plus tard - par exemple parce qu'elles avaient peur d'aller en consultation. Venir en consultation un mois plus tard n'entraîne toutefois pas nécessairement de suite des problèmes de santé. Mais trois mois plus tard peut-être bien. " En cardiologie, un phénomène comparable s'observe. " Reculer un peu le suivi de problèmes cardiaques entraîne après quelques temps un suivi quelque peu moins bon. On ne pourra pas rattraper facilement la totalité de ces consultations. Cela ne veut toutefois pas dire qu'elles n'étaient pas utiles ou nécessaires ", commente-t-il. Néanmoins, il se peut que des patients atteints de problèmes cardiaques ou oncologiques perdent une année de vie supplémentaire en bonne santé dans cinq à six ans. " On ne peut toutefois pas le mesurer. " Aussi parce que la surmortalité dans la population âgée suite au Covid-19 s'aplatit. " Il apparaît simplement un nouvel équilibre. L'âge moyen de la population est toutefois un peu plus faible, mais la perception de la santé publique globale en pâtit à peine. "Deuxième vagueLa question est de savoir quel sera l'impact d'une 'probable' deuxième vague de patients Covid-19. Les autorités somment les hôpitaux de s'y préparer. Ils doivent réserver au moins 25% des lits d'USI aux patients Covid. Ils doivent aussi pouvoir augmenter la capacité de lits USI de 25%. En outre, une capacité considérable de lits non intensifs doit rester maintenue pour des patients Covid. Et le tout doit être opérationnel dans les 48 heures. Et plus encore : si nécessaire, l'hôpital doit pouvoir doubler, voire tripler sa capacité dans les sept jours. La question subsiste encore de savoir si ces exigences n'hypothèquent pas le fonctionnement normal d'un hôpital général ou académique. Le Dr Claeys ne se montre pas particulièrement préoccupé. " Une semaine, c'est suffisant pour libérer des lits en cas d'un rebond éventuel. Au début de la première vague, autour du 15 mars, nous y sommes parvenus. C'est assez facilement réalisable. En d'autres termes, pour un bon fonctionnement des médecins et des hôpitaux, nous pouvons nous y soumettre. " Une difficulté potentielle réside dans les 25% de lits USI qui doivent être disponibles presque immédiatement. " De façon générale, c'est difficile à estimer ", avance le président du GBS. " Cela dépend des hôpitaux et de la mesure dans laquelle une région est touchée par la pandémie. " En fonction de ces paramètres, un hôpital prévoit donc une capacité supplémentaire. " Le nombre historique de lits USI - soit aux alentours de 1.900 - reste de toute façon maintenue. En mars-avril, les médecins ont souvent utilisé la salle de réveil pour créer une capacité supplémentaire. Ailleurs, on a reconverti le service de middle care de sorte que le réveil puisse quand même continuer à fonctionner dans ces hôpitaux ", explique Donald Claeys. La question essentielle ici pour le Dr Claeys est de savoir si un service de middle care est véritablement nécessaire ou plutôt utile. " Grâce à une meilleure anesthésie et des soins de haute valeur dans le service, la durée de séjour en middle care et en soins intensifs pour les mêmes affections a fortement diminué au cours des dernières années. Il est donc possible de fermer temporairement le Middle care afin de le transformer en réserve soins intensifs Covid. Tout dépend bien sûr de la pathologie que l'on traite. " A ce propos, le chirurgien gantois rappelle que les 'vrais' USI fonctionnent avec du personnel ayant une formation solide et spécifique. Surtout dans les hôpitaux qui traitent des pathologies lourdes comme la chirurgie cardiaque, on a besoin de ce type d'USI. Ce sont toutefois aussi les hôpitaux qui reçoivent les patients Covid compliqués. " Une capacité supplémentaire peut être créée ici en affectant une partie du personnel du réveil ou du quartier opératoire. Ils sont alors 'mi-USI', mais très bien formés ", souligne Donald Claeys. Par rapport à l'avenir, la question est de savoir quel impact les mesures extrêmes d'hygiène hospitalière, de désinfection des salles d'attente et du matériel de protection individuel aura sur les soins au quotidien : " Je vais illustrer la situation en revenant sur la façon de travailler des derniers mois. L'hôpital Maria Middelares à Gand, par exemple, a réalisé de nombreuses consultations urgentes et nécessaires dans des polycliniques extrahospitalières. De cette façon, les patients évitaient l'hôpital, foyer potentiel de contaminations Covid, et ils étaient moins craintifs de venir en consultation. "Selon lui, dans la nouvelle vie " normale " la polyclinique appliquera pendant tout un temps un suivi total des mesures de sécurité telles que celles imposées par Sciensano. " Médecins et infirmiers portent des masques, laissent la porte d'entrée ouverte, désinfectent les clinches, font entrer le patient, etc. Dans une salle d'attente conçue pour 20 personnes, on enlève des chaises afin de respecter le 1,50 mètre de sécurité. Résultat : nous ne pouvons plus avoir que quatre patients en même temps... " Bien sûr, toutes les mesures de précaution entraînent d'énormes retards. " Les médecins et les organisations qui ont poursuivi leurs consultations pendant la crise, fonctionnaient à perte ", confie Donald Claeys. Il pense que le nombre de consultations par service sera réduit de moitié en raison de la perte de temps... " Ce sont surtout des consultations plus intenses et plus longues comme en oncologie qui accusent du retard. La télémédecine permet de régler une partie du problème, mais pas tout. "Même scénario au bloc opératoire : " Ici, je pense que sur un même laps de temps, on réalisera 20% d'opérations en moins. Il ne s'agit pas tellement du quartier opératoire proprement dit, qui est bien organisé et où l'on est habitué à changer rapidement et à prendre des mesures de précaution. Le retard viendra surtout de la préparation supplémentaire lors du scanner du thorax systématique par exemple. Moyennant une bonne planification, on peut trouver des solutions. On pourra résorber le retard accumulé dans les interventions programmées pendant une période où il y a moins d'infections, durant les mois d'été. Traditionnellement, la pression est moindre en été de sorte qu'un mouvement de rattrapage est possible. Cela demandera toutefois encore beaucoup d'organisation entre les disciplines médicales. Rien de neuf en soi toutefois... "