Notre série sur les élections médicales s'attache cette semaine à l'importance de la santé mentale des médecins, surtout en ces temps de crises à répétition et face à la violence montante, et l'indispensable réforme de la nomenclature qui ne peut nuire au portefeuille du médecin.
SANTÉ MENTALE ET VIOLENCE FAITE AUX MÉDECINS
...
Le point de vue de l'Absym Le burn out des médecins est la priorité de l'Absym. On ne peut pas soigner ses patients en étant mal dans sa peau ou épuisé. L'Absym est persuadée que des soins de qualité passent aussi par le bien-être du médecin. Pour qu'un médecin puisse donner le meilleur de lui-même pour ses patients, il est impératif qu'il se sente bien lui-même, tant physiquement que psychologiquement. Pour maintenir l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il est essentiel que tout médecin puisse faire ses propres choix, tant au niveau du temps de travail (temps plein ou temps partiel) que dans le choix de sa pratique (en groupe, en duo ou en solo). L'Absym souhaite aller plus loin que la seule prise en compte de la féminisation de la profession. Tout parent, qu'il soit en couple ou monoparental, femme ou homme, a le droit de voir grandir ses enfants. Il est dès lors essentiel aux yeux du syndicat que tout médecin - quel que soit son genre ou sa situation familiale - puisse adapter sa pratique à ses besoins organisationnels et à ses contraintes familiales. Un plan contre le burn outLa gestion du stress et des émotions ainsi que le respect des limites que l'on se fixe en tant que médecin sont nécessaires pour prévenir le burn out. Si l'on ne prête pas attention à la prévention, le burn out chez les médecins risque de devenir endémique. La pénibilité de la profession, les horaires irréguliers, les gardes, les exigences de plus en plus élevées des patients,... sont autant de facteurs qui expliquent que la profession médicale est en soi un facteur de risque de burn out. Une récente enquête de l'Absym a montré que pas moins de 48% des médecins ont déjà constaté des symptômes de burn out chez eux. À la question de savoir quels remèdes les aideraient le mieux, les pistes de solution suivantes ont obtenu un score élevé: 'moins de charge administrative', 'une meilleure compensation financière', 'moins de régulation par les pouvoirs publics' et 'davantage de respect de la part des patients'. Un autre élément frappant: 60% des répondants estiment que c'est la tâche d'un syndicat médical d'élaborer un plan contre le burn out. L'Absym entend relever ce défi et déposera un plan sur la table pour lutter contre le burn out. Un tel plan passerait inéluctablement par l'allègement du temps médical à faible valeur ajoutée pour le patient. Pour être épanoui, le médecin doit pouvoir (re)trouver du sens dans chaque minute de son temps de travail. Rien de plus frustrant que de devoir écourter des consultations pour pouvoir avoir le temps de remplir des papiers. Dans ce cadre, l'Absym entend se battre pour lutter contre les rapports administratifs inutiles, les doubles encodages, les logiciels inadéquats, les formulaires pour les Bf (chapitre IV, NdlR),... La violence envers les soignants, comme toute violence subie par une personne, est insupportable et a une forte implication sur la santé mentale ; elle prend un caractère encore plus incompréhensible quand elle se matérialise à l'égard de personnes qui sont au service d'autrui. Il faut donc soutenir les médecins qui font face à la violence.Les chiffres sont accablants, différentes études récentes témoignent d'une augmentation de la violence à l'égard des médecins: insultes, injures, intimidations, agression physique voire sexuelle... L'appréhension de cette réalité est probablement sous-estimée par le fait que nombre de médecins sont embarrassés de rapporter ces épisodes d'agression par manque de temps et/ou par peur d'être jugés. Tant les spécialistes que les généralistes subissent cette violence même si elle concerne davantage ces derniers, selon les chiffres disponibles. Si cette violence dans le milieu médical n'est que le reflet d'une augmentation du constat de l'agressivité qui progresse dans la société, elle n'est pas inéluctable et doit amener à des réflexions qui sont menées au Cartel: il faut soutenir les médecins qui ont fait face à un évènement violent ; il faut les encourager à porter plainte, les accompagner dans cette démarche, les soutenir psychiquement pour éviter le stress post-traumatique (via l'association Médecins en difficulté). Il faut évidemment aussi amener une réflexion sur les mesures à prendre pour prévenir cette violence: la formation des futurs médecins doit intégrer cette composante, depuis la détection des signes d'une agressivité latente aux méthodes de communication qui permettent la désescalade de la violence ; les médecins en exercice devraient pouvoir obtenir des modules de formation continue sur ce sujet ; certains lieux de soins, et notamment les postes de garde et les services d'urgences doivent recevoir suffisamment de moyens de prévention et de sécurisation pour permettre l'exercice du soin dans les meilleures conditions. S'il est rare de pouvoir essentialiser la violence dans les traits de personnalité d'un individu, et que les situations à risque (patients sous l'effet de substance...) sont connues des praticiens, il faut rappeler que la violence est souvent le résultat d'un échec de la communication et donc de la relation, ce qui n'exonère en rien la responsabilité de l'individu violent (le patient, ses accompagnants...) mais oblige aussi chacun à faire preuve d'humilité concernant notre savoir et les moyens d'en faire écho. Enfin, et en conclusion, les réponses doivent aussi être contextualisées à la féminisation de la pratique médicale. Il serait grave, comme nous l'avons déjà constaté, que des docteures décident d'arrêter de pratiquer la médecine parce qu'elles ne se sentent plus en sécurité... Le point de vue du Cartel (ASGB, GBO, MoDeS) L'engagement du Cartel est que les honoraires purs sont et resteront toujours la propriété du médecin.La réforme de la nomenclature est un vaste chantier avec ses nombreux corollaires. En résumé, l'objectif est la dissociation de l'honoraire pur avec le coût de fonctionnement de l'acte. La démarche a entre autres pour objectif de mettre à jour la liste des actes, plus adaptés à la pratique. La méthodologie est certes complexe et se veut rationnelle, permettant une réévaluation de l'existant. Cette dernière devrait permettre notamment d'éliminer les différences inexplicables de rémunération entre les spécialités. Associées à ce chantier, citons notamment une révision des honoraires de surveillance et de consultation, ainsi qu'une réflexion en profondeur de la cogouvernance médecins-gestionnaires. Pour chacun de ces chantiers, le Cartel entend être une force de propositions, permettant d'influencer de nombreuses décisions. Notre leitmotiv dans ces débats: l'hôpital doit rester attractif. L'objectif n'est pas de fixer un "revenu standard" équitable, mais au moins ouvrir le débat d'un "revenu horaire standard" brut équitable, intégrant le niveau de formation, la complexité des actes, les horaires inconfortables, et d'autres paramètres comme la charge émotionnelle. Ces éléments devraient constituer la base d'une nomenclature réévaluée. À court terme et dans l'attente de cette vaste réforme qui devrait transcender le gouvernement actuel, une nouvelle revalorisation des honoraires de consultation reste la première priorité du Cartel. L'honoraire pur, traditionnellement appelé honoraire intellectuel, doit revenir au médecin sans possibilité de déductions supplémentaires. Le fait que le médecin "abandonne" une partie de son honoraire de manière structurelle à l'hôpital doit être compensé par une place plus importante au sein des institutions de soins. Actuellement, la cogouvernance entre médecins (conseil médical) et gestionnaires fait l'objet de longues palabres. Ces palabres seront simplifiées dès lors qu'il n'existe que des honoraires intellectuels appartenant aux médecins. Mais ceci ne peut se faire sans contrepartie, à savoir une place essentielle, renforcée, des médecins, afin de déterminer l'orientation stratégique médicale et d'élaborer ensemble la politique financière. Par exemple, l'investissement dans l'innovation doit être garanti. En conclusion, l'engagement du Cartel: les honoraires purs sont et resteront toujours la propriété du médecin. Pour ce qui est de la médecine générale, le Cartel déplore que les travaux de réforme de la nomenclature n'aient pas encore démarré, bien que des besoins existent déjà aussi bien en termes d'actes que de types de consultations. Pour l'Absym, la réforme de la nomenclature doit former un tout. Soit on réforme tout, soit rien. C'est à prendre ou à laisser.La réforme de la nomenclature est un projet qui s'étale sur plusieurs années et en trois phases. Nous sommes actuellement au milieu de la phase 2, qui consiste à déterminer, pour les différentes prestations, discipline par discipline, le temps qu'elles prennent ainsi que le risque médical et l'expertise nécessaire. Parallèlement, cette phase comporte également l'évaluation des coûts de fonctionnement nécessaires aux actes médicaux. À terme, la réforme aboutira, dans la phase 3, à une réévaluation globale et à une redistribution des revenus entre les médecins. Mais pour l'Absym, cela ne signifie en aucun cas qu'elle peut se transformer en une opération d'économies. Le syndicat veillera à ce que tous les accords conclus soient respectés. Maintenant que l'on parle de plus en plus de budgets transversaux, il existe un risque réel de voir les budgets destinés aux médecins se déplacer vers d'autres disciplines non médicales sans pour autant donner lieu à des soins plus efficaces. Ce sera hors de question pour l'Absym. Toute tentative dans ce sens se heurtera immédiatement à son veto. Pour l'Absym en fait, ce sera tout ou rien. Cette réforme de la nomenclature ne peut se faire que si elle couvre l'ensemble de la nomenclature et si toutes les modifications sont apportées en même temps. Une redistribution ne peut se faire qu'entre toutes les prestations, et non entre une partie de celles-ci. "Sans accord sur l'ensemble, il n'y aura tout simplement pas d'accord. C'est clair et net."