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Le rhumatisme articulaire de l'enfant et de l'adolescent comporte plusieurs formes d'arthrites chroniques sans étiologie bien précise chez des patients en-dessous de 16 ans. On estime sa prévalence à environ un cas sur mille enfants. Il s'agit d'une inflammation de la muqueuse synoviale, qui à long terme atteint le cartilage de l'articulation et finalement l'os lui-même. Le diagnostic de l'AJI repose en grande partie sur l'anamnèse et l'examen clinique. La fièvre, les douleurs articulaires, le gonflement, la raideur matinale, une mobilité réduite, une perte de force sont les symptômes les plus importants. Il s'agit en fait d'un diagnostic d'exclusion. De nouvelles avancées dans l'étude de la pathogénie et de l'immunologie ont amélioré le diagnostic et le traitement de la maladie, donnant une place prépondérante aux marqueurs biologiques et à l'imagerie médicale bien plus précise. Selon les critères de l''International League of Associations for Rheumatolgy' (Ilar) l'arthrite juvénile idiopathique comporte sept formes différentes (voir tableau ci-joint). Celles-ci présentent des différences en phénotypie, en prédisposition génétique, en pathophysiologie, en résultats d'analyses, en évolution clinique et en pronostic. Dans toutes les formes, l'arthrite chronique est prépondérante, mais chaque type présente des manifestations extra-articulaires et des symptômes systémiques spécifiques. Des chevauchements entre les différents types d'AJI compliquent parfois le diagnostic. La pathogénie de l'AJI comporte encore beaucoup de questions sans réponse. En plus de la prédispostion génétique, telle qu'on l'observe chez des jumeaux homzygotes, des facteurs environnementaux, dont les infections, jouent sans nul doute un rôle important dans l'étiologie de cette maladie. C'est ainsi que des HLA (antigènes des leucocytes humains) et des non-HLA seraient associés à certaines formes de l'AJI et d'uveïte. On a également démontré qu'une élévation des marqueurs biologiques S100A12 et MRP8/14 issus de granulocytes et de macrophages est lié au processus inflammatoire. Dans l'évaluation de la maladie ces marqueurs sont plus performants que la protéine C-reactive ou la vitesse de sédimentation. À l'encontre de l'arthrite rhumatoïde (AR) de l'adulte, qui atteint les petites articulations des mains et des pieds, l'AJI concerne surtout les grandes articulations telles que les genoux, les chevilles et les poignets. Dans le cas de l'AR on trouve souvent le facteur rhumatoïde et les anticorps anti-CCP dans le sang, tandis que dans l'AJI on trouve plus souvent des anticorps antinucléaires (ANA). Pour déterminer le stade de la maladie on utilise plusieurs paramètres : le score de l'échelle visuelle analogue selon le médecin, le même score selon le patient (ou ses parents), le nombre d'articulations atteintes et les valeurs biologiques sanguines (marqueurs biologiques et sédimentation). L'imagerie médicale (IRM et échographie), joue aussi un rôle de plus en plus important dans l'évaluation objective de la maladie et de l'efficacité de son traitement. L'IRM est la technique la plus performante, puisque toutes les structures concernées par l'AJI sont visualisées sans usage de rayons radioactifs. On peut même déceler une synovite sous-clinique. Mais puisque chez les jeunes enfants l'IRM requiert une anesthésie, on fait plus souvent appel à l'échographie. La radiologie conventionnelle est moins indiquée, puisque l'atteinte osseuse n'apparaît qu'ultérieurement dans l'évolution de la maladie. Les complications majeures de l'AJI sont les troubles de la croissance, soit sous forme de croissance anormale locale, soit sous forme de retard de croissance par atteinte des plaques de croissance, avec micrognatie, différence de longueur des membres, et déformations articulaires. L'uvéite, pouvant entraîner une cécité, est une complication gravissime. Le syndrome d'activation macrophagique est une complication aiguë et potentiellement mortifère de l'AJI. Ce syndrome se caractérise par une hémofagocytose, pouvant évoluer vers une pancytopénie, des hémorragies suite à des coagulations intravasculaires disséminées et des défaillances multiviscérales. Depuis quelques années le traitement de l'AJI s'est fort amélioré. Au début de la maladie et pour les cas de gravité moyenne les AINS sont toujours efficaces, ainsi que les injections intra-articulaires de glucocorticoides pour les monoarthrites. Si cela ne suffit pas, on passe aux DMARD (Disease Modifying Antirheumatic Drugs) dont la molécule la plus employée est le méthotrexate (avec supplément d'acide folique). Pour l'étape suivante on fait appel aux médicaments biologiques tels que l'étanercept et l'adalimumab. Ils inhibent le TNF-a et les interleukines qui jouent un rôle clé dans cette affection, et permettent de réduire l'usage de corticoïdes. Si l'on ne parvient pas à inhiber le TNF-a il faut passer à l'abatacept ou au tocilizumab. De nouveaux médicaments oraux comme les inhibiteurs JAK et des inhibiteurs de la phosphodiësterase se trouvent actuellement à l'étude en phase 3. Il est important d'agir aussi rapidement que possible avec un traitement médicamenteux, afin d'éviter l'apparition de lésions structurelles aux articulations et d'obtenir un croissance et un développement normaux. L'effet du traitement sera évalué par l'évolution clinique, l'imagerie médicale, les marqueurs biologiques, les tests moléculaires et la sérologie. Malgré le traitement, il semble que plus de la moitié des patients souffrira sa vie durant de l'AJI, tout en connaissant probablement de longues périodes de rémission. Il est difficile de savoir à quel moment le traitement peut être suspendu. Après six à douze mois de rémission il est acceptable de l'arrêter. Cela n'empêche qu'environ la moitié des patients fasse une rechute endéans l'année, ce pourcentage s'élevant même à 75 après deux ans. Tout au cours de la maladie les marqueurs biologiques et l'imagerie sont des instruments très utiles pour déterminer le moment auquel le traitement doit être repris. Des handicaps fonctionnels graves ne surviennent actuellement que dans 10% des cas. En plus du traitement médicamenteux, l'ergo- et la physiothérapie, ainsi que le soutien psychosocial sont plus que nécessaires et utiles. Enfin, l'AJI reste une maladie qui, dans plus de la moitié des cas, requiert un traitement et un suivi de longue durée.