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Voilà plusieurs années déjà que les taux hypothécaires sont franchement peu élevés. Y a-t-il donc des propriétaires qui n'en profitent pas encore ? Qui, à défaut d'en avoir bénéficié à la souscription, n'auraient pas renégocié leurs conditions depuis ? Jusqu'à l'an dernier en tout cas, oui, ils étaient encore très nombreux ! À preuve : chez BNP Paribas Fortis, numéro 1 en Belgique, les renégociations ont représenté pas moins de 34% de la production hypothécaire en 2019. Contre 22 % en 2018 mais... la moitié en 2016. Constat identique chez Belfius. Cet engouement pour le refinancement de son prêt hypothécaire n'est pas vraiment anormal, étant donné que la démarche est très peu coûteuse si on reste dans la même banque : un forfait de 250 euros. Il en va évidemment tout autrement si l'on change de banque, puisqu'il faudra dans ce cas rompre le contrat initial, ce qui suppose une pénalité de trois mois d'intérêt, annuler l'hypothèque existante via une mainlevée et, enfin, souscrire un nouveau prêt, ce qui signifie une nouvelle inscription hypothécaire. Ces trois éléments ne pèsent toutefois pas nécessairement aussi lourd que d'aucuns l'imaginent. La pénalité de trois mois, par exemple, est par définition beaucoup plus légère avec des taux à 1,5 ou 2 % que naguère, quand ils étaient de 5 ou 6 %. Quant aux autres frais, ils ne sont que partiellement proportionnels au montant emprunté, de sorte que le refinancement sera d'autant moins coûteux que l'emprunt est élevé. L'inscription hypothécaire se montera ainsi, en chiffres ronds, à 3.800 euros pour un montant de 100.000 euros et à 8.000 euros (et non 11.400) pour un prêt de 300.000 euros. C'est plus flagrant encore pour la mainlevée, somme beaucoup plus modeste, avec 900 et 1.100 euros respectivement pour les mêmes montants. Il faut souligner deux éléments avant d'évoquer quelques situations concrètes. " Globalement, le refinancement est intéressant pendant la première moitié du remboursement, car c'est durant cette période que le poids des intérêts se fait le plus sentir ", souligne-t-on chez Fortis. " On estime que la durée restante doit être supérieure à 10 ou 12 ans. " Et de préférence même de l'ordre d'une quinzaine d'années, précisent les professionnels que nous avons contactés. Deuxième point : comme signalé plus haut, les banques se montrent beaucoup plus restrictives cette année, sur injonction de la Banque nationale. Ceci vaut en particulier pour la quotité empruntée. Ainsi un couple à deux salaires offrant les meilleures garanties de solvabilité (stabilité de l'emploi, faible ratio charges/revenus, etc.) s'est-il vu proposer, en taux fixe à 20 ans, le taux fort sympathique de 1,29 % pour une quotité ne dépassant pas 80 % de son achat. Mais quand il a demandé ce qu'il en était pour emprunter 100 %, il fut un peu surpris d'apprendre que ce taux fusait à 2,54 %, soit quasiment le double ! Courtier en assurances et crédits hypothécaires à Jodoigne, Jean-François Delvaux avance deux situations riches d'enseignements. Premier cas : un prêt hypothécaire récent, dont il subsistait un montant proche de 300.000 euros et une durée d'encore 20 ans. Taux : 2,60 % à peine, ce qui permit toutefois de dégager un profit en dépit d'un refinancement externe, c'est-à-dire avec changement de banque. Le débiteur était d'excellente qualité et il obtint un taux de 1,65 %. Frais engagés, en chiffres ronds : 1.100 euros de mainlevée, 8.000 euros d'inscription hypothécaire et une pénalité inférieure à 2.000 euros, soit un total d'un peu moins de 11.000 euros. Le nouveau prêt comprenait ces frais et se montait donc à 310.000 euros. Gain au niveau de la mensualité : 150 euros, soit 36.000 euros en 20 ans. Pas mal pour un taux déjà peu élevé au départ et un changement de banque ! Ce constat rend d'ailleurs d'autant plus facile de renégocier ses conditions auprès de sa banque. " Pour reprendre ce cas, elle ne va évidemment pas s'aligner sur le 1,65 % évoqué ici, puisque le client ne l'obtient que moyennant de gros frais ", observe Jean-François Delvaux. " Il faudra s'attendre à ce qu'elle abaisse le taux de 0,5 % par exemple. "Quand le prêt de départ est plus ancien et donc affublé d'un taux plus élevé, l'économie reste substantielle même si la durée restante est moindre... comme la qualité du débiteur. Ainsi ce prêt à 25 ans datant de 2009 et assorti d'un taux de 5,15 %, qui vient d'être renégocié pour les 15 prochaines années. La situation du client étant un peu compliquée, sa banque n'est pas descendue en-dessous de 2,52 %. Le solde ne dépassait pas 200.000 euros, mais cela n'empêcha pas une économie de l'ordre de 200 euros par mois. Une astuce permet de réduire un peu les frais : ne prendre une inscription hypothécaire que pour une partie du prêt, l'autre faisant simplement l'objet d'un mandat. Ce dernier permet à la banque de compléter l'inscription hypothécaire en cas de besoin, si le client ne paie pas correctement. " Cela se pratique typiquement dans une proportion moitié/moitié, mais par certaines banques seulement ", prévient Jean-François Delvaux. Sur un dossier de 400.000 euros, l'économie sera de 2.300 euros. Plus importante est la pratique astucieuse réservée aux professions libérales et dirigeants d'entreprise. " Un médecin peut se constituer un capital-pension qui est déductible, soit en personne physique, soit à charge de sa société ", explique le courtier. " Il peut dès lors souscrire un crédit hypothécaire déductible en personne physique, mais remboursé par son capital-pension. Mais ici non plus, toutes les banques ne pratiquent pas cette formule. "Tel est toutefois bien le cas de Belfius, qui précise : " Que ce soit pour un prêt hypothécaire nouveau ou pour un refinancement, on peut passer par un crédit bullet et la mise en gage d'un engagement individuel de pension (EIP). Le dirigeant ne payera donc que les intérêts du crédit et le capital sera remboursé au terme, lorsqu'il prendra sa pension, grâce à son EIP. Lequel est financé par sa société. Une autre solution est de demander une avance sur la réserve de son EIP ", ajoute la banque. Pouvoir rembourser le capital avec du brut et non du net : on aurait tort de passer à côté !