La loi du 20 novembre 2022 publiée au Moniteur belge le 30 novembre est entrée en vigueur et modifie considérablement les règles de la procédure fiscale. Loin d'être réservée au seul cercle des praticiens de la fiscalité, cette loi impose de nouvelles obligations à tous les contribuables. Nous en traçons ici les contours en quelques lignes.
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L'allongement des délais d'imposition et de contrôle en matière fiscale est la grande nouveauté de cette loi. En effet, les délais antérieurement fixés à trois ans sont désormais portés à quatre ans en cas d'absence de déclaration ou de déclaration tardive, à six ans pour les déclarations que la loi qualifie de "semi-complexes" (certaines déclarations qui incluent des éléments particuliers, souvent internationaux, tels que la déclaration d'une QFIE, d'un paiement vers un paradis fiscal, etc.) et à dix ans lorsque l'administration peut alléguer de motifs de fraude (en lieu et place de sept ans). Pour protéger le contribuable, la loi indique que certains éléments de la déclaration devront toujours être investigués dans le délai de trois ans, même lorsqu'ils concernent des déclarations complexes, tel est le cas des frais de voiture, des frais de restaurant, des frais de vêtements, etc., soit des dépenses professionnelles les plus courantes portées en déduction à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des personnes physiques. Les délais applicables en matière de TVA sont également allongés selon des modalités similaires. Le rallongement des délais a une conséquence pratique pour les contribuables, en ce qu'il incitera les plus prudents d'entre eux à conserver maintenant leur comptabilité pendant dix ans, en lieu et place des sept années que les spécialistes préconisaient par le passé. La loi attribue aussi de nouveaux pouvoirs de contraintes au fisc. Elle l'habilite à demander en justice, devant le Tribunal de première instance, la condamnation d'un contribuable à une astreinte, soit à une somme d'argent par jour de retard, lorsque ce dernier refuse de collaborer à une investigation, ce qui doit être démontré en justice. Cette loi introduit également de nombreuses autres petites modifications techniques et harmonise les taux d'intérêts applicables en matière fiscale. Outre les modifications purement techniques qui s'adresseront principalement aux praticiens, les largesses du législateur à l'égard de l'administration fiscale posent un grand nombre de questions. En allongeant les délais d'imposition, le législateur permet à l'administration de revenir de nombreuses années en arrière, ce qui pose un premier problème au regard de la conservation des documents et de la réunion des preuves qui ont tendance à disparaître à mesure que le temps passe. Il est donc permis de se demander s'il n'aurait pas été plus utile de renforcer les services de notre chère administration qui semble débordée, plutôt que de lui permettre de laisser traîner des dossiers pendant dix ans dans ses armoires? L'astreinte introduite pose un autre problème lié au respect des droits de la défense, qui prévoient que les personnes accusées d'une infraction ne peuvent pas être contraintes de s'incriminer elles-mêmes et leur culpabilité doit être établie. En faisant peser une telle menace sur le contribuable qui ne collabore pas avec l'administration fiscale, on peut s'interroger sur la compatibilité d'une telle mesure avec le respect des droits fondamentaux. Nous en doutons sérieusement et nous sommes curieux de voir si cette nouvelle disposition résiste à la censure de notre Cour constitutionnelle ou des juridictions internationales. Enfin, il nous semble que l'équilibre entre les droits des parties aurait justifié que le renforcement des prérogatives de l'administration fiscale ouvre de nouveaux droits plus favorables aux contribuables et nous regrettons que le législateur n'ait pas tenu compte de cet adage qui veut que "qui n'entend qu'une cloche, n'entend qu'un son".