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Les patients atteints du VIH appartiennent-ils aux groupes présentant un risque de développer une infection plus grave s'ils contractent le coronavirus? Au début, cette question était effectivement très préoccupante, confirme le Pr Vandekerckhove. Les patients atteints du VIH sont en effet généralement perçus comme ayant, par définition, une immunité déficiente. Cette perception est répandue parmi le grand public et les patients atteints du VIH eux-mêmes, mais aussi auprès d'un certain nombre de médecins généralistes et de spécialistes qui ne sont pas confrontés au VIH dans leur pratique quotidienne. Néanmoins, la plupart des patients atteints du VIH qui prennent un traitement antiviral et dont l'état est stable ne sont pas immunodéprimés. Durant la première vague, nous n'avons pas relevé d'éléments spécifiques indiquant que les patients atteints du VIH étaient davantage prédisposés à une infection Covid-19 ; un nombre plus élevé de patients atteints du VIH n'a pas été observé dans le groupe de patients Covid-19 hospitalisés. 110 des 19.000 patients séropositifs connus en Belgique ont été hospitalisés en raison du Covid-19. La littérature scientifique contient cependant des données contradictoires. Certaines études n'ont pas mis en évidence de lien entre les infections par le coronavirus et la séropositivité, alors que d'autres ont observé une telle association. Le Pr Vandekerckhove invite à la prudence en ce qui concerne l'établissement de liens, car d'autres facteurs (les "facteurs de confusion") peuvent parfois influencer les résultats de l'étude. La précarité et les conditions de vie, par exemple, peuvent être des facteurs de confusion. D'un autre côté, les patients atteints du VIH se protègent souvent davantage, en respectant mieux certaines mesures, si bien que certains effets ne sont pas observables dans les études. Il faudra encore un certain temps, et des études plus approfondies, pour que nous puissions déclarer avec plus de certitude qu'il existe, ou pas, un lien entre les infections par le coronavirus et la séropositivité. Mais actuellement, il n'y a pas de raison de s'inquiéter, souligne le Pr Vandekerckhove. Au début, l'on s'est également demandé si les inhibiteurs du VIH pouvaient également être actifs contre le virus Covid-19. Un certain inhibiteur de protéase en particulier, dont l'activité in vitro contre le Covid-19 a été démontrée, a fait l'objet d'une grande attention. Mais cette observation n'a pas été validée dans des études cliniques. Le seul inhibiteur viral que nous ayons actuellement à notre disposition contre le Covid-19 est le remdésivir, initialement développé pour le traitement de la maladie à virus Ebola. Durant le confinement du début de cette année, le suivi lié au VIH s'est relativement bien déroulé. Le fait que la plupart des patients qui prennent des inhibiteurs du VIH et qui sont stables se trouvent dans un trajet de suivi ne nécessitant que deux consultations par an y a contribué. Pendant le confinement, ce suivi a généralement eu lieu par téléconsultation, vidéoconsultation ou, si nécessaire, consultation en personne. En ce qui concerne le traitement, les choses se sont donc relativement bien passées. Toutefois, la charge psychique ne doit pas être sous-estimée, car les patients atteints du VIH se sentent souvent stigmatisés et peuvent difficilement parler de leur maladie. Ils transportent déjà un sac médical et se sentent souvent isolés socialement. En outre, la peur d'un deuxième virus accroît leur stress et leur abattement. Beaucoup de personnes séronégatives exposées à un risque accru de contracter une infection par le VIH ont, quant à elles, cessé de prendre leur traitement prophylactique pré-exposition (PrEP) pendant le confinement. En outre, la demande de prophylaxie post-exposition (PPE) était nettement moindre pendant cette période, ce qui semble être une conséquence logique de la diminution des contacts à risque pendant le confinement. Depuis lors, l'utilisation de traitements PrEP et PPE a repris. L'influence éventuelle sur le nombre de nouvelles infections est actuellement difficile à confirmer. Quoi qu'il en soit, nous avons observé, en Belgique, une diminution nette du nombre de nouvelles infections, qui est passé de 1.200 à 700-800 par an, grâce à une meilleure prévention et à l'utilisation de traitements PrEP et PPE, déclare le Pr Vandekerckhove. La situation actuelle, dans laquelle les médecins généralistes sont submergés par le travail dû à la deuxième vague de Covid-19, préoccupe le Pr Vandekerckhove. Cela inclut les soins dans le cadre du virus, mais aussi, malheureusement, les innombrables tâches administratives. Les soins de première ligne, notamment les soins liés au VIH, risquent ainsi d'être compromis. Une identification et un traitement précoces des personnes séropositives via les médecins généralistes sont importants non seulement pour les patients, mais aussi au niveau de la population. En effet, si le virus ne peut plus être détecté via le traitement par inhibiteurs viraux, le patient n'est plus contagieux. Le généraliste joue également un rôle important dans l'identification des personnes exposées à un risque accru d'infection par le VIH, en particulier les hommes homosexuels qui ont différents partenaires. L'information et les conseils corrects au sujet de la PrEP sont dès lors très importants afin de prévenir les infections. Nous disposons en effet de ces médicaments en Belgique, et ceux-ci sont remboursés. Le défi qui se dresse devant nous consiste à offrir à tout moment des soins de qualité à un public aussi large que possible, conclut le Pr Vandekerckhove.