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Le gestionnaire de fonds britannique Aberdeen a, le mois dernier, fêté le troisième anniversaire de son Global Equity Impact Fund. Impact? La notion est relativement récente et encore timide. À preuve: en dépit de cette durée de vie, le fonds en question ne réunit encore que 21 millions d'euros. Cela semble d'autant plus modeste quand on sait que cet important professionnel écossais gère au total quelque 500 milliards d'euros. Le terme "Impact" ne désigne pas un secteur ou une classe d'actifs, mais une philosophie d'investissement assez particulière, qui prétend aller au-delà des critères déjà classiques Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance. Plus loin donc que le fameux acronyme ESG qu'arborent un nombre croissant de fonds qualifiés d'éthiques. Mais de quoi s'agit-il... et est-ce vraiment crédible? Un bref coup d'oeil sur ce fonds pour éclairer notre lanterne. Et, pour commencer, sur l'affirmation de sa co-gestionnaire Sarah Norris évoquant les actions en portefeuille: " Nous avons la ferme conviction que chacune peut livrer un return positif aux investisseurs et, en même temps, avoir un impact significatif et mesurable au niveau sociétal et environnemental." Comment ceci se concrétise-t-il? Le premier poste du portefeuille donne une indication: le groupe chinois WuXi Biologics est actif dans la recherche et la fabrication de médicaments en partenariat, mais il est aussi réputé pour offrir, en accès libre, des plateformes permettant le développement de médicaments biologiques. Voilà qu'on peut sans nul doute qualifier d'impact sociétal. Cerise sur le gâteau: l'action a largement plus que doublé depuis le début de l'année. Deuxième poste, plus surprenant: l'éditeur de logiciels Salesforce, suivi par United Healthcare, le géant américain de l'assurance et des soins de santé, un grand classique. On trouve ensuite, toujours avec 3% environ du total, Prologis, un fonds américain investi en bâtiments logistiques, Tetra Tech (ingénierie) et Equinix, le leader mondial des centres de données. Ces trois entreprises ont vu leur action progresser de manière sympathique au cours des dernières années. Ces participations de qualité valent au fonds un return moyen de 7% sur trois ans (et de 12% sur 12 mois), ce qui est fort correct. Mais dans quelle mesure ce portefeuille correspond-il à la notion d'Impact? On peut se montrer circonspect, ici comme dans les autres cas. Pour se faire une idée de la question au niveau plus spécifiquement belge, comment ne pas frapper à la porte de Triodos, qui se présente comme "une des banques les plus durables du monde"? Parmi ses fonds ESG, y en aurait-il arborant le fanion Impact? Surprise: ils sont tous dans ce cas! Tant l'Euro Bond que le Pioneer, des fonds pesant entre 350 et 400 millions d'euros. Le premier est évidemment très défensif, le second, investi aux deux tiers en moyennes entreprises (au sens international du terme...), est au contraire plus offensif. Ceci lui vaut des performances supérieures et en particulier une progression de valeur de 9,6% sur un an. Autre membre de la famille: créé en juin 2016, le fonds Impact Mixed rassemble aujourd'hui 523 millions d'euros. Il en existe trois versions: Offensive, Defensive et, entre les deux, Neutral. Il y en a donc pour tous les tempéraments. On se penchera toutefois plus volontiers sur le Triodos Global Equities Impact. C'est le plus ancien (créé en juillet 2007) et le plus important puisqu'il pèse 938 millions d'euros. Il consacre deux tiers de ses actifs aux très grosses sociétés et c'est le Japon qui trône sur le podium avec 30% du total. Qu'a-t-il en portefeuille? Premier poste (4%): KDDI, le principal opérateur télécoms japonais. Le cours a récemment perdu 20%, avant de se reprendre, mais il reste sous sa moyenne des dernières années. Deuxième poste: le groupe pharmaceutique suisse Roche, un grand classique. Même chose pour le géant danois de la construction d'éoliennes Vestas. Entre les deux s'est glissé Taiwan Semiconductor, dont l'action a progressé d'un tiers cette année. On s'en voudrait enfin de ne pas relever, en 5e position, le chimiste japonais Shin-Etsu Chemical, géant du PVC. Un peu surprenant... Question "Impact", le portefeuille laisse donc dubitatif dans ses cases de tête (Triodos ne publie que cinq noms et pas dix comme c'est l'usage). La performance est correcte: 6% en moyenne sur trois ans, 4,3% sur cinq ans et 9,1% sur dix ans. Serons-nous plus aisément convaincus par le KBC Eco Fund Impact Investing? Il remonte à fin septembre 2014 sous sa forme actuelle, affiche un portefeuille de 37,6 millions d'euros et une performance annuelle moyenne fort honorable de 2,4% sur trois ans et de 7,1% sur cinq ans. Si l'on prend pour comparaison un indice international des entreprises de taille moyenne, il avait été plutôt à la traîne en 2018 et 2019, mais il s'est fort bien rattrapé en cette difficile année 2020. Il est, en chiffres ronds, investi à 34% en zone euro, à 29% dans le reste de l'Europe et à 25% en Amérique du Nord. C'est la sicafi WDP qui trône en tête du portefeuille, avec 3,7% du total. Un peu curieusement peut-être, mais avec bonheur, puisque le champion des entrepôts logistiques est une des actions vedettes de la Bourse de Bruxelles. Le trio qui suit, avec 3,2% environ chacun, est composé de Novo Nordisk, le géant danois des traitements contre le diabète, ainsi que des sociétés néerlandaise Corbion et américaine Bright Horizons Family Solutions. La première n'est autre que l'ancien groupe CSM, géant mondial des ingrédients alimentaires et numéro un de l'acide lactique. Cotée à Amsterdam, l'action s'est brillamment remise du krach de mars: le cours est en hausse de plus de 50% depuis le début de l'année. Quant à Bright Horizons, elle opère dans un secteur fort pointu et pour le moins inusité dans les portefeuilles de fonds: la garde d'enfants. Basée dans le Massachusetts, l'entreprise est active dans l'ensemble des États-Unis, mais également en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas (sous le nom Kindergarden), ainsi qu'au Canada et en Inde. L'action, qui avait perdu deux tiers de sa valeur lors du krach Covid-19 de mars, s'est presque remise aujourd'hui. Bright Horizons sort vraiment de l'ordinaire et peut sans doute être considérée comme un bel exemple d'entreprise à impact. Il en va de même de Civitas Social Housing, autre participation du top 10. Cette société d'investissement britannique est axée sur le logement social et les foyers sociaux. Elle gère plus de 600 sites occupant quelque 4.200 personnes. Une analyse indépendante a chiffré sa création de valeur sociale à 114 millions de livres pour l'exercice clôturé à fin mars 2019, affirme Civitas. Il s'agit toutefois bel et bien d'une entreprise, cotée en Bourse de Londres, que l'on peut comparer aux sicafis belges. Après le fort recul du premier semestre 2019, le cours a grosso modo retrouvé son niveau de 2018. Reconnaissons qu'entre les inévitables grands classiques, on a ici trouvé de l'Impact plutôt convaincant!