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L'augmentation de la taille de la prostate est une situation physiopathologique liée au vieillissement. "L'hypertrophie ou hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) est un adénome qui se développe au niveau des glandes ou des fibres musculaires lisses de la partie centrale de la prostate (1)", rappelle le Pr Bertrand Tombal, chef du service d'urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc. "Ce volume augmenté n'est pas un problème en soi. Ce sont surtout les troubles urinaires du bas appareil (TUBA) associés qui méritent d'être investigués - d'ailleurs, c'est de cela dont les patients se plaignent et non d'une grosse prostate! Le médecin généraliste doit alors éviter deux écueils: surréagir et embarquer son patient dans une batterie de tests stressants et pas forcément utiles ou, à l'inverse, banaliser la situation, au risque de passer à côté d'une pathologie sous-jacente ou concomitante à l'HBP: un cancer de la prostate ou de la vessie, une maladie du col vésical, des calculs urinaires, une sténose de l'urètre, une vessie neurologique, etc."Il convient donc de procéder avec méthode. Première étape: interroger le patient sur d'éventuels TUBA - jet faible, gouttes retardataires, urgences ou brûlures mictionnelles, dysurie, pollakiurie, etc. - et ses habitudes hygiénodiététiques. "Cela nous paraît évident, mais certains patients ne font pas le lien entre le fait de trop boire le soir et celui de se relever pendant la nuit pour uriner!" rappelle le Pr Tombal. L'International Prostate Symptom Score (IPSS) est un bon outil de dépistage, d'aide au diagnostic et au suivi de l'HBP. Ce questionnaire permet de déterminer le degré de sévérité des symptômes urinaires et d'évaluer leur impact sur la qualité de vie du patient - ce qui, nous le verrons, peut influencer la stratégie thérapeutique. "Il faut également être attentif aux symptômes d'alerte: la présence de sang dans les urines, des infections urinaires à répétition ou des antécédents ou une maladie neurologique au sens large (AVC, Parkinson, SEP, diabète avancé, etc.) justifient de référer le patient à un urologue."Si les symptômes sont au moins modérés, la deuxième étape consiste à procéder à un examen clinique et à un toucher rectal. En cas d'HBP, la glande prostatique est certes plus grosse qu'avant, mais elle est souple, indolore, lisse, régulière et s'accompagne d'une disparition du sillon médian. Cependant, ces constats ne permettent pas d'exclure tout à fait une pathologie cancéreuse, par exemple, car "une prostate dure et/ou avec des nodules n'est observable que dans 13% des cas de cancer prostatique. Cancer qui, pour rappel, est souvent asymptomatique. Prudence, donc!" La troisième étape est de doser le PSA. Un taux élevé de PSA n'est pas forcément alarmant. "Il faut le relier au volume prostatique", conseille le Pr Tombal. "Un PSA à 4,5 ng/ml est plutôt logique en cas de prostate grosse comme une orange... moins si elle fait la taille d'une prune. Dans ce cas, en effet, des examens plus poussés s'imposent."Une fois écartées d'autres causes ou pathologies, place à la stratégie thérapeutique. Celle-ci doit être guidée par le degré de sévérité des symptômes, bien sûr, mais aussi par leur impact sur la qualité de vie du patient. En cas d'HBP non compliquée et de TUBA légers à modérés, qui ne le gênent pas plus que ça, inutile de médicaliser: surveiller, informer et éduquer le patient sur les possibles évolutions de l'HBP et instaurer certaines habitudes hygiénodiététiques - réduire les apports hydriques après 18 heures, par exemple - suffisent généralement à améliorer les symptômes. En cas de TUBA modérés à sévères avec altération de la qualité de vie, "la première ligne de traitement pour le généraliste consiste à prescrire des alphas bloquants: de la tamsulosine ou, plus rarement, de la silodosine", recommande le Pr Tombal. "Dans la grande majorité des cas, ces médicaments améliorent rapidement les symptômes mictionnels. Néanmoins, il importe de revoir les patients six semaines plus tard, car environ 15% d'entre eux ne répondent pas au traitement. Le diagnostic peut être erroné ou l'HBP peut s'être compliquée. Dans les deux cas, mieux vaut passer le relai à un urologue." La tamsulosine offre un répit de quelques années au patient. Cependant, l'hypertrophie progresse, ce qui finit par déséquilibrer le système vessie/prostate. "Pour réduire le volume prostatique, nous avons deux options: la voie médicamenteuse et la voie chirurgicale. La dutastéride est indiquée pour les très grosses prostates (>50 cc). Cette molécule agit sur les glandes et fait "fondre" la prostate en deux ou trois mois. Par contre, elle fonctionne moins bien sur les prostates de taille moyenne (30-40 cc)." Reste alors l'ablation chirurgicale de la partie centrale de la prostate. À ce jour, c'est le seul traitement curatif de l'HBP. Il faut toutefois l'envisager avec prudence, car ce type d'intervention n'est pas dénué de risques opératoires ni d'effets secondaires. "Nous devons protéger le patient contre certaines dérives chirurgicales" estime le Pr Tombal. "La chirurgie a du sens quand les TUBA résistent aux traitements médicamenteux, si la qualité de vie du patient est fortement altérée ou en cas d'HBP compliquée, quand la vessie est en lutte et ne se vide plus. Les complications peuvent alors être aigües ou chroniques et toucher aussi bien le bas que le haut appareil urinaire (2). Cela dit, en l'absence de telles complications, si la vessie se vide bien et que le patient n'est pas trop gêné, la chirurgie est facultative."