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Vendredi 24 avril, nouvelle télé-réunion du bureau élargi du Glamo (Groupement liégeois des associations médicales d'Omnipraticiens), cercle de médecine générale de Liège. Depuis déjà un certain temps, dans ce contexte de pandémie, nous nous réunissons plusieurs fois par semaine pour coordonner la réponse de la première ligne sur le territoire de Liège. Une équipe formidable, soudée, efficace. Contacts avec la Ville, la Province, le Fédéral, réunion du FAGW, illusions/désillusions dans la recherche obstinée de matériel de protection rythment nos journées. Voici quelques semaines, nous avons instauré un tri téléphonique pour nos patients suspects Covid-19, mais aussi pour les patients ayant d'autres pathologies ou dont le médecin de famille est malade, absent ou décédé (déjà plusieurs décès en nos rangs suite au Covid-19). Nombreux patients anxieux dans le contexte de confinement et de surmédiatisation. De jeunes consoeurs et confrères, des moins jeunes, des retraités se succèdent au téléphone, prêts à donner de leur personne pour gérer/ rassurer ces nombreuses personnes en souffrance. Comme dans de nombreuses régions, depuis trois semaines la première ligne assure aussi des tri Covid-19 à l'entrée des trois grands hôpitaux liégeois. Depuis deux semaines, une équipe de médecins volontaires, bien protégés, fait le tour des MR/MRS. Situation terrible que celle de nos aînés en institution ou d'équipes soignantes débordées. Ces équipes sont présentes sur le terrain pour aider les médecins coordinateurs, les patients Covid-19, mais aussi un personnel qui donne tout, avec les moyens du bord. Une fois de plus, du professionnalisme, de la débrouille, de la solidarité et une exceptionnelle volonté d'aider les autres. Et pourtant, tout cela me laisse un goût amer : une ministre fédérale qui ne semble pas se rendre compte de la gravité des choses, des délais d'intervention des pouvoirs publics inacceptables, des promesses non tenues, les documents Inami semblant sortir d'une autre galaxie, ... On nous a dit qu'il fallait un temps d'adaptation, de mise en route, que la priorité était aux hôpitaux (ce que je ne remets pas en cause) alors que cette pandémie était connue depuis plusieurs semaines... et pourtant, voici presque deux mois que tout cela est lancé et rien ne va vraiment mieux. La distribution des écouvillons de test dans les maisons de repos, gérée par l'Aviq (Agence wallonne pour une vie de qualité) a débuté avec retard, le matériel est rarement complet (cas de fin de semaine passée : manquent 150 écouvillons sur 200 alors que toute une équipe est mobilisée) ou de piètre qualité (écouvillons, tabliers) rendant dangereuse l'intervention des soignants et des patients testés, mettant en difficulté les médecins du travail, les médecins coordinateurs et les équipes médicales venues renforcer. Toujours pas de sérologies à l'horizon (tous les laboratoires contactés sont prêts mais attendent...). Aucun plan de reprise de l'activité de première ligne proposé alors que nos patients commencent à présenter des problèmes liés à l'absence de contact et de non suivi de pathologies chroniques. Comment est-ce possible ? Quand respectera-t-on tout ce personnel médical qui oeuvre sur le terrain ? Comme déjà dit par quelques confrères, comment peut-on envoyer les soldats sans armes, avec comme seul moyen de s'en sortir (peut-être ? ), la débrouille et le sens des autres ? J'ai été très impressionné au départ de toute cette solidarité (et je le suis toujours), je le suis tout autant, maintenant, de toute cette " petite " incurie. Oui des choses marchent bien, oui les équipes tant hospitalières, que de première ligne, dans les maisons de repos et sur le terrain font des miracles, mais comment admettre que les moyens de protection ne soient pas disponibles, que le matériel de test en MR/MRS soit géré avec autant de légèreté, que la première ligne soit ignorée dans la reprise annoncée, que l'Inami et les ministres de tutelle ne soient pas à nos côtés pour travailler ensemble autrement que par des effets d'annonce,... Pourtant, comme aurait dit Martin Luther King, " I have a dream... " Et les applaudissements du public à 20 h n'y changeront rien...