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Entre les murs blancs d'un cabinet partagé, le Dr Choppin nous affirme : " Le métier d'anesthésiste peut être exercé à temps partiel. Nous sommes des prestataires de service, moins confrontés aux suivis que nos collègues praticiens. Et c'est parce que j'avais des bases solides, que j'ai pu accéder à quelque chose de plus artistique. "La musique est un art qu'il découvre jeune. Par des cours de solfège tout d'abord, puis via le piano et la guitare." Durant ma spécialisation, je n'avais du temps pour rien d'autre et quand j'ai eu fini, je me suis mis à la flûte à bec. J'avais l'impression que ce serait plus facile." Des cours qu'il entame avec Emi Shiraki, diplômée de l'université Soai, au Japon." La flûte possède un répertoire spécifique compris entre la Renaissance et le Baroque ", nous dit-il avant de renchérir : " J'ai découvert une flûte à bec audible, passionnelle, pleine de couleurs et d'émotions. "Un instrument qu'il a vécu de manière assez monomaniaque. Une expérience parfois pénible pour la famille. Le répertoire baroque requiert une grande technicité qui nécessite un travail acharné. " Ce style est très intello, voire proche de la mathématique " affirme t-il.Il commence cependant par regretter une certaine pauvreté dans l'harmonie de la flûte à bec. Alors que cet instrument à vent résonne dans le visage et par les doigts, il se découvre une passion pour la viole de gambe, " un son qui résonne entre les cuisses, qui est physique et qui fait vibrer la colonne vertébrale ". Pour l'accompagner dans son choix, il s'adjoint les conseils de Rebecca Lefèvre.La musique baroque requiert des instruments spécifiques et peu connus. On parle de flûte bien mais aussi du cornet à bouquin, du clavecin, du luth ou du théorbe, de l'orgue ou de la viole de gambe. " Les instruments de cette période donnent souvent à penser qu'ils sont réservés aux initiés ", affirme t-il en caressant sa barbe rousse.Il reconnaît volontiers une certaine forme de snobisme au sein des " baroqueux ". Des cercles où certains se rengorgent.Mais ce qu'il apprécie au delà de ça, c'est que la théâtralité du baroque s'efface quand on rentre dans la musique. Philanthrope, il découvre une passion qui lui fait comprendre la chose humaine. " La nature de l'homme ne change pas. Même si nos ancêtres roulaient en carrosse, les préoccupations émotionnelles restent les mêmes. "Ses préférences vont à la musique française que le Dr Choppin trouve " juste chic et classe, propre et nette ". Il nous parle d'Antoine Forqueray, auteur baroque comparé à Marais. " Un musicien aux partitions denses et complexes " et de Paolo Pandolfo, gambiste contemporain qui récolterait ses suffrages.Lorsque l'on aborde les concerts, concrétisations naturelles d'un tel instrument, le Dr Choppin repositionne ses lunettes rondes sur le haut de son nez." Ça frise la psychanalyse... " ajoute-t-il d'emblée. " Cela demande beaucoup d'acharnement avant de produire quelque chose qui plaise au monde. Un concert, c'est être confronté à ses peurs et à son stress. On arrive dans une tension pas très confortable. Je suis alors tellement obsédé par la perfection que j'ai du mal à en profiter. "Après cet aveu, un terme semble concrétiser son état d'esprit. C'est le mot " transe " qui correspondrait le mieux à son état d'alors. " C'est en effet une transe, une forme d'hypnose faite d'angoisse, de tensions nerveuses et musculaires ", nous confie-t-il, une main posée à plat sur le bureau qui lui fait face. Des angoisses qui ne semblent pas beaucoup varier de celles ressenties par les acteurs de Molière avant de monter su scène." La passion est utile dans ma profession. Le lien médecin patient s'exprime dans un moment court et essentiel. Le patient doit se remettre dans les mains de l'autre. La passion de la musique humanise ce moment. " C'est par cette succession de phrases courtes qu'Eloi Choppin exprime ces liens qui permettent à la musique et à son travail de se rencontrer. " Parfois les patients souhaitent s'endormir en musique. Il est important que cela ne soit pas un facteur de stress. J'ai connu des personnes qui voulaient écouter du Heavy Metal, d'autres du Stabat mater... ", nous dit-il, en reconnaissant que l'hypnose et la musique sont alors dans des mondes parallèles. " Il n'y a pas que les médocs, il y a également quelque chose de vibratoire qu'il est alors important de comprendre. "Avant de se quitter, Eloi Choppin avoue que lorsqu'il est de garde, il prend volontiers sa viole de gambe au cabinet. " Histoire de répéter gammes et arpèges " qui sauront, assurément, résonner dans le corps de ses patients.