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Farida Benhadou: Le psoriasis est une maladie assez fréquente, car elle touche environ 3% de la population, et même 10% aux États-Unis par exemple. Ces différences trouvent peut-être leur origine dans des facteurs environnementaux comme le surpoids ou l'obésité, l'alimentation et la sédentarité. La maladie est également un peu plus fréquente chez les Européens, un peu moins chez les Africains, peut-être aussi à cause de certains facteurs génétiques. Outre l'atteinte cutanée, qui peut être très handicapante pour le patient, rappelons qu'elle peut aussi frapper le système articulaire, entraînant des douleurs et des difficultés à réaliser certaines activités. Cette arthrite psoriasique touche environ 30% des patients. Mais le psoriasis est actuellement considéré comme une maladie systémique, avec un risque majoré, dans les formes chroniques, d'atteinte cardiovasculaire. Ce n'est pas encore connu de tous, et le patient doit donc être informé, suivi et correctement traité. Plus l'atteinte cutanée est sévère, et plus le risque d'atteinte systémique est important. Il convient donc de maintenir au plus bas le niveau d'inflammation. Nous disposons actuellement de nombreux traitements, et il est vrai que l'arrivée sur le marché des biothérapies permet de bloquer des éléments-clés dans la cascade inflammatoire du psoriasis, ce qui permet d'améliorer fortement la qualité de vie des patients, de leur permettre d'avoir un meilleur contrôle de leurs poussées et, finalement, de pouvoir vivre tout à fait normalement. L'avantage de ces biothérapies est aussi d'avoir une action préventive sur la survenue d'atteintes articulaires ou autres. Le journal du Médecin: D'un point de vue atteinte cumulative au fil de la vie, ce serait donc principalement à l'atteinte articulaire ou cardiovasculaire qu'il faudrait penser? Oui, et surtout l'atteinte cardiovasculaire, car les problèmes articulaires sont maintenant connus depuis longtemps. Il faut veiller notamment à la cholestérolémie, à l'athéromatose, qu'on étudie mieux dans ce contexte, et qui sont fréquemment associées au psoriasis. De nombreuses cytokines, dont les interleukines 6 et7 ainsi que le TNF-a, sont relarguées en quantités importantes dans la peau psoriasique, et elles peuvent être impliquées dans la formation de plaques d'athéromatose ou d'autres pathologies cardiovasculaires. Par ailleurs, au-delà du terrain inflammatoire, le patient mal suivi aura plus tendance à se replier sur lui-même, à devenir plus sédentaire, à manger de façon moins saine, et il peut aggraver ainsi son risque de maladie cardiovasculaire. A quoi devrait ressembler actuellement le bon suivi d'un patient psoriasique? En tant que dermatologue, lorsque nous rencontrons le patient, nous essayons d'évaluer de manière objective l'étendue de l'atteinte cutanée. Ensuite, en s'appuyant sur l'examen clinique et des questionnaires, nous vérifions s'il existe une atteinte articulaire ou cardiovasculaire, ainsi que des troubles intestinaux notamment. Dans l'affirmative, nous envoyons le patient chez un confrère de la spécialité concernée. Nous nous dirigeons donc de plus en plus vers la multidisciplinarité dans cette maladie, incluant également des tabacologues et des diététiciennes pour améliorer l'hygiène de vie. Rencontrez-vous de nombreux patients ayant tendance à minimiser leurs symptômes? En effet, et le premier entretien avec le patient est crucial: sans l'effrayer, il faut clairement lui expliquer le caractère chronique de la maladie. Les patients croient souvent qu'il suffit d'une crème pour la faire disparaître. Il faut aussi l'informer des différents facteurs pouvant entraîner des poussées, comme le stress ou une hygiène de vie mal adaptée, ainsi qu'évoquer le risque de complication multisystémique si on ne traite pas la maladie. Ce genre de message passe-t-il bien? Cela dépend bien évidemment d'un patient à l'autre, mais une prise de conscience s'observe dans environ 70% des cas, avec en conséquence une meilleure compréhension de sa maladie. En cas d'évolution avec des plaintes par exemple articulaires, il sait ainsi qu'il doit prendre contact avec son généraliste ou un rhumatologue pour vérifier si c'est en lien avec son psoriasis. Si l'atteinte cutanée est minime, il n'est pas évidemment pas utile de consulter un dermatologue chaque mois, mais tout de même une fois par an pour vérifier si l'atteinte est réellement restée minime ou si elle s'étend. Y a-t-il un message à adresser aux médecins généralistes concernant la prise en charge du psoriasis? Oui, d'autant plus que les patients, la plupart du temps, passent d'abord chez leur généraliste pour montrer les lésions cutanées qui viennent d'apparaître ou qui ne disparaissent pas. Ils se voient alors prescrire, le plus souvent, des crèmes à base de corticoïdes ou de dérivés de la vitamine D. Si les plaques ne s'améliorent pas, il faut diriger le patient vers un dermatologue, pour instaurer un traitement systémique. D'une manière générale, l'information s'améliore du côté des généralistes, notamment au travers de GLEM qui nous invitent, et la collaboration devient plus étroite en cas d'évolution de la maladie. Il reste cependant encore quelques patients qui s'entendent dire qu'il n'existe pas vraiment de traitement à part des crèmes corticoïdes, ou qui sont trop longtemps sous méthotrexate malgré une réponse insuffisante. Ne faudrait-il pas passer plus rapidement qu'auparavant aux traitements systémiques? Cela dépend vraiment de l'atteinte cutanée. Je ne me vois pas prescrire du méthotrexate ou de la cyclosporine si le patient ne présente qu'une plaque psoriasique, car il faut penser aux éventuels effets indésirables des traitements systémiques. Il en va autrement si l'atteinte touche plus de 30% de la surface cutanée ou impacte fortement la qualité de vie du patient. D'où l'intérêt d'un bon suivi. Existe-t-il beaucoup de cas de psoriasis qui résistent aux traitements actuels? Depuis les médicaments biologiques, il est devenu nettement plus rare d'hospitaliser des patients parce qu'ils avaient atteint le stade de l'érythrodermie (plus de 90% de la surface corporelle atteinte, avec risque de décompensation cardiaque notamment). De plus, les biothérapies permettent d'avoir un blanchiment complet de la peau. Les cas plus compliqués sont généralement des patients qui présentent des comorbidités, et à qui nous pouvons pourtant proposer différentes lignes de traitement.