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Le lien entre la FA et l'ischémie coronaire réside dans le profil de risque cardiovasculaire du patient. " Dans le score CHADSVASC, qui estime le risque de complications thrombo-emboliques chez les patients souffrant de FA, on trouve les mêmes paramètres que pour la stratification du risque de maladies coronariennes. En outre, les deux affections cardiaques sont liées à l'âge. En Europe, on a enregistré environ 8,2 millions de patients atteints de FA, et ce chiffre continuera à augmenter, suite au vieillissement de la population ", explique le Dr Vranckx." Les phénomènes thrombo-emboliques en cas de FA se produisent principalement au niveau de l'auricule, soit dans un environnement de faible 'shear stress' (contraintes de cisaillement) où les antithrombotiques sont les plus efficaces. Par contre, dans les vaisseaux sanguins, le 'shear stress' est élevé, et il y a une grande quantité de plaquettes sanguines, et c'est là que les inhibiteurs de l'agrégation plaquettaire fonctionnent le mieux ", poursuit-il. Les patients souffrant de FA, ayant un risque accru de complications thrombo-emboliques (score CHADSVASC ? 2 chez les hommes et ? 3 chez les femmes1 sont donc traités par anticoagulants systémiques pour prévenir les AVC ischémiques et les embolies systémiques. Sur ce plan, les anticoagulants oraux " non AVK " (NOAC) paraissent meilleurs que les AVK classiques. 2,3,4,5 Après la mise en place d'un stent dans les artères coronaires, la règle est d'instaurer une double inhibition de l'agrégation pla-quettaire (DAPT) pour prévenir les complications thrombotiques, parmi lesquelles une thrombose du stent et le décès cardiaque précoce. 6Par conséquent, la plupart des patients atteints de FA qui subissent une intervention coronaire tirent théoriquement des bénéfices d'une combinaison d'anticoagulants oraux et d'une DAPT (triple thérapie). Cependant, ceci est associé à un risque hémorragique important, comparativement aux anticoagulants oraux ou à la DAPT en soi. 7Ces dernières années, l'effet des NOAC a été étudié dans plusieurs grandes études randomisées, dans le cadre d'un double traitement avec un inhibiteur plaquettaire.L'étude PIONEER AF-PCI8 a introduit l'utilisation d'un NOAC (rivaroxaban 15 mg 1x/jour et rivaroxaban 2,5 mg 2x/jour) en combinaison avec du clopidogrel/ticagrelor et a comparé cette stratégie avec une triple thérapie classique (war-farine et DAPT) chez des patients souffrant de FA et ayant besoin d'une PCI. " Les chercheurs ont observé une réduction significative des hémorragies cliniquement pertinentes dans les deux groupes sous bithérapie par rapport au groupe sous triple thérapie, sans différence significative au niveau du nombre d'événements thrombotiques. Deux critiques possibles : la dose de rivaroxaban utilisée ici est une dose réduite, quin'a pas été étudiée dans l'étude ROCKET AF3. En outre, le nombre de patients inclus dans l'étude était trop faible pour l'évaluation des complications thrombotiques, ce qui compromet quelque peu la sécurité des deux groupes de double thérapie. "Dans l'étude RE-DUAL PCI9, lors de laquelle on a utilisé les mêmes doses que dans l'étude RELY2, on a comparé le risque hémorragique d'une double thérapie avec du dabigatran (110 mg ou 150 mg 2x/jour) + un inhibiteur P2Y12 (clopidogrel ou ticagrelor) par rapport à la warfarine + DAPT. 2 725 patients ont été inclus dans les 120 minutes suivant une PCI (50,2 % pour un SCA). Il y a eu moins d'hémorragies majeures ou d'hémorragies non majeures cliniquement significatives avec les deux doses de dabigatran utilisées pour la double thérapie (p < 0,001 pour la non-infériorité) sur une période de traitement d'environ 12 mois. " L'étude RE-DUAL PCI n'avait également pas la puissance nécessaire pour le critère d'évaluation ischémique. Cependant, on a noté une augmentation numérique, mais statistiquement non significative, du risque throm-bo-embolique (en ce qui concerne les infarctus myocardiques et thromboses de stent) dans le groupe dabigatran 110 mg. "Les études PIONEER AF-PCI et RE-DUAL PCI ne nous ont pas dit si la réduction des hémorragies était due à l'abandon de l'AAS, à l'utilisation d'un NOAC au lieu d'un AVK, ou à une combinaison des deux facteurs." En outre, l'étude AUGUSTUS10 était particulière, non seulement parce qu'elle a également inclus des patients atteints d'un SCA, mais surtout en raison de sa conception factorielle 2*2. Cela signifie d'une part qu'on a comparé de l'apixaban (5 mg 2x/jour) + du clopidogrel par rapport à un AVK (warfarine) + du clopidogrel, et d'autre part qu'on a ajouté une deuxième comparaison, cette fois en aveugle : AAS ou placebo, sur une période de 6 mois. Les hémorragies majeures étaient significativement moindres avec l'apixaban (10,5 %) qu'avec l'AVK (14,7 %), et ce indépendamment du traitement antiplaquettaire. Les résultats d'AU-GUSTUS montrent donc pour la première fois noir sur blanc qu'une dose pleine de NOAC 'préventive des AVC' entraîne significativement moins d'hémorragies qu'un AVK (INR 2-3) chez les patients souffrant de FA, subissant une PCI ou ayant eu un SCA, et que ceci est indépendant de tout traitement antiplaquettaire additionnel éventuel. En outre, dans l'étude AUGUSTUS, l'apixaban n'a pas entraîné plus d'infarctus myocardiques, de thromboses de stent ou de revascularisations urgentes que l'AVK, mais il a bien entraîné une diminution significative des hospitalisations (-17 %). Sans AAS, on notait significativement moins d'hémorragies qu'avec AAS (9,0 % vs 16,1 %) ". Globalement, l'incidence d'hémorragies majeures et cliniquement pertinentes était la plus faible chez les patients sous apixaban + placebo (7,3 %) et la plus élevée chez ceux traités par AVK + AAS (18,7 %). Le nombre de décès et d'hospitalisations a montré la même tendance, respectivement 22 % vs 27,5 %.Sur la base de ces données, il n'y a plus aucune raison de préférer un AVK en cas de double ou de triple thérapie, à moins qu'un NOAC ne soit pas indiqué, par exemple en cas de prothèse valvulaire mécanique ou de dialyse. " La question n'est également plus de savoir si l'AAS fait toujours partie du cocktail anti-thrombotique des patients souffrant de FA et d'un SCA, mais plutôt de savoir quel est le bon moment pour arrêter l'AAS ? Cependant, les patients de l'étude AUGUSTUS ont reçu de l'AAS pendant une courte période après leur PCI ou SCA (l'intervalle médian entre la PCI et la randomisation était de 6,3 jours). Une faible dose d'AAS au moment d'une intervention coronaire ou d'un SCA et juste après reste la norme, du moins au début de la phase aiguë. Toutefois, dans l'étude AUGUSTUS, les courbes divergent clairement et substantiellement, peu de temps après la randomisation : le bénéfice le plus important, tant avec l'apixaban qu'avec un AVK, avec et sans AAS, s'observe principalement au cours des deux premiers mois après la randomisation.Le type d'inhibiteur P2Y12 est également important dans la recherche de la meilleure stratégie pour chaque patient. Le clopidogrel ne donne en effet pas le résultat souhaité chez 40 % des patients et, dans ce cas, une monothérapie sans AAS pourrait potentiellement être associée à un risque thrombotique élevé, inacceptable, même sous NOAC. "L'étude ENTRUST-AF PCI11 est-elle la dernière pièce du puzzle ? Cette étude est similaire à l'étude RE-DUAL-PCI : elle compare la double thérapie avec edoxaban 60 ou 30 mg + un inhibiteur P2Y12 par rapport à la warfarine + un inhibiteur P2Y12 + AAS pendant 1 à 12 mois, la randomisation devant être effectuée dans les 4 heures qui suivent la PCI. Les résultats ont été présentés lors du dernier congrès de l'ESC (voir encadré).