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À l'Hôpital de la Citadelle de Liège, dont la maternité est l'une des plus importantes de Wallonie, plus de 250 personnes ont répondu présent à la journée organisée par le service de néonatologie dirigé par le Pr Vincent Rigo, par ailleurs chargé de cours (Néonatologie) à l'Université de Liège. Le CHR liégeois dispose d'une remarquable expertise puisqu'il accueille chaque année près d'une centaine de grands prématurés et environ 300 prématurés. La "grande prématurité" (naissance avant 32 semaines de grossesse, pour rappel) représente 1% des 32.000 naissances annuelles en Wallonie, et la prématurité dite "modérée à tardive" touche, elle, 7 à 8% des nouveau-nés [1]. Quelle que soit votre spécialité médicale, il y a donc de grandes chances que vous soyez confronté à des patients qui sont d'anciens prématurés. Or, si l'on pense généralement aux risques de la prématurité sur le développement neurologique, les risques somatiques - respiratoires, cardiovasculaires, métaboliques ou encore néphrologiques - ne sont pas négligeables, et ils sont désormais bien identifiés. La prématurité est donc un facteur essentiel à connaître dans l'anamnèse du patient, même chez le jeune adulte a priori en bonne santé. Quels éléments devriez-vous idéalement connaître, ou trouver dans le dossier patient? Le terme, le poids de naissance et les éventuelles pathologies chroniques associées à la prématurité: "Comme une dysplasie bronchopulmonaire, des pathologies digestives ou des chirurgies néonatales - elles sont de moins en moins fréquentes - pour le canal artériel, par exemple", précise le Pr Rigo. "Il est aussi intéressant de savoir s'il y a eu un retard de croissance, qu'il soit avant ou après la naissance. Ces informations sont généralement documentées dans la lettre de sortie du service néonatal, et se trouvent désormais aussi sur le Réseau santé wallon (RSW).""Les risques varient évidemment en fonction de la durée de la grossesse et des causes de la prématurité: les prématurités 'choisies' sur pathologie vasculaire maternelle comme la prééclampsie ont un pronostic moins bon que la prématurité spontanée", souligne le Pr Rigo. Les complications potentielles dépendent également du sexe de l'enfant (risque plus élevé chez les garçons), du risque infectieux et de l'évolution néonatale. Au niveau respiratoire, on constate une tendance aux sifflements et/ou une réserve respiratoire potentiellement moins élevée. "C'est lié à des problèmes d'immaturité pulmonaire, des anomalies de l'alvéolisation et de la vascularisation pulmonaires, qui donnent un phénotype évoquant une BPCO", illustre le spécialiste en néonatologie. "Ce n'est pas forcément de l'asthme - bien qu'il puisse être présent chez d'anciens prématurés -, donc la réponse au traitement antiasthmatique chez un adulte jeune avec une pathologie sifflante pourrait être insuffisante."On note également un risque de parésie des cordes vocales s'il y a eu chirurgie thoracique, avec, à nouveau, des symptômes de type sifflements respiratoires. "On peut aussi avoir une pathologie ORL suite à une chirurgie du canal artériel, ou suite à des intubations répétées, mais elles sont généralement identifiées plus tôt dans la vie." Les néonatologues suivent les petits prématurés jusqu'à l'âge de cinq ans et demi, au niveau neurodéveloppemental mais aussi respiratoire, en fonction des pathologies. Des dépistages spécifiques sont prévus dans la petite enfance, par exemple au niveau visuel (davantage de myopie par absence de contre-pression du liquide amniotique dans le développement de l'oeil, et de strabisme lié à une immaturité du contrôle oculomoteur). Enfin, le Pr Rigo attire l'attention en cas de tabagisme du patient, vu la sensibilité pulmonaire accrue par rapport à la population née à terme. Au niveau cardiovasculaire, un ancien prématuré court davantage de risques d'hypertension (risque majoré par trois), qu'elle soit systémique ou pulmonaire. "L'hypertension systémique est liée, à nouveau, à l'immaturité. Mais on peut aussi avoir des phénomènes iatrogènes, par exemple quand il y a eu pose de cathéter aortique dans des situations complexes", détaille Vincent Rigo. La mesure régulière de la pression artérielle est donc à prévoir même chez les patients jeunes. L'hypertension est aussi associée au retard de croissance (phénotype dit "d'épargne" ou "thrifty phenotype"). Et le médecin de rappeler l'hypothèse de Barker qui, avec Hales, a identifié, dans les années 1980, que le faible poids de naissance est associé, entre autres, au risque cardiovasculaire et à la mortalité par maladies coronariennes à l'autre extrémité de la vie. Par ailleurs, le capital néphronique est réduit puisque le développement des néphrons, exponentiel au cours du 2e trimestre et complété à 34 semaines, s'arrête à la naissance. "Les pathologies et traitements ultérieurs jouent également un rôle, ces patients sont donc à risque plus précoce d'insuffisance rénale."