Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, un nouveau traitement redéfinit la prise en charge du diabète de type 1. Les avancées autour des îlots de Langerhans offrent des résultats prometteurs pour stabiliser des cas sévères de la maladie.
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Quand on évoque les îlots de Langherans, il n'est évidemment pas question d'un traitement développé sur un archipel méconnu du globe, mais de 'mini-organes au sein d'un organe' - le pancréas en l'occurence. Les récents progrès réalisés par l'équipe multidisciplinaire des Cliniques universitaires Saint-Luc ont permis d'affiner une technique encore méconnue: la transplantation d'îlots de Langerhans. Cette méthode consiste à isoler des cellules endocrines pancréatiques responsables de la sécrétion d'insuline - et également de glucagon, mais non pertinent dans le cas présent -, puis à les injecter dans le foie du patient. "La grande différence avec une transplantation classique de pancréas est l'absence de chirurgie invasive, remplacée par une simple injection via la veine porte, sous contrôle échographique", explique le Pr Antoine Buemi, , directeur du Centre de transplantation des Cliniques. Le médecin insiste sur le fait que cette solution reste néanmoins réservée à des patients dont la gestion du diabète est extrêmement complexe. Le diabète de type 1 se caractérise par la destruction auto-immune des cellules bêta du pancréas, responsables de la production d'insuline. Malgré les progrès dans les thérapies par insuline et les dispositifs comme les pompes intelligentes, certains patients souffrent d'une instabilité métabolique sévère, avec des hypoglycémies fréquentes et imprévisibles. "C'est précisément pour ces profils que la transplantation des îlots peut offrir une véritable amélioration de la qualité de vie", ajoute le Dr Nizar Mourad, chercheur en transplantation expérimentale à l'UCLouvain. Début octobre, ces deux chercheurs ont réalisé, pour la première fois à Saint-Luc, l'opération sur une patiente de 49 ans. Celle-ci se porte bien à l'heure d'écrire ces lignes. Le succès de la procédure ne se mesure pas uniquement par une indépendance totale vis-à-vis de l'insuline exogène, mais également par une meilleure stabilité glycémique et une réduction des hypoglycémies sévères. Recontrée à l'occasion d'un contrôle de routine, la patiente nous partage son expérience: "Les jours qui ont suivi l'intervention ont été éprouvants à cause des douleurs et des traitements immunosuppresseurs, mais le suivi rapproché des Cliniques Saint-Luc m'a rassurée. Je peux à nouveau vivre sans craindre de m'effondrer subitement."La transplantation d'îlots de Langerhans présente encore deux avantages substantiels. Elle peut se faire avec le pancréas d'un donneur qui 'matche' des critères moins stricts que ceux imposés pour la greffe de pancréas (tout au plus une quinzaine de greffes de pancréas sont réalisées chaque année en Belgique à cause du peu d'organes disponibles et remplissant les critères de sélection). En outre, si la transplantation d'îlots ne "prend pas", comme évoqué plus bas, il est possible d'y recourir à nouveau si un nouveau pancréas de donneur se présente. Malgré cela, des défis persistent. Outre la rareté des donneurs d'organes, les îlots transplantés subissent souvent une perte partielle de leur viabilité, due à l'opération d'extraction, à l'exposition aux défenses immunitaires et aux processus inflammatoires du receveur. "En moyenne, seulement 50% des îlots présents dans le pancréas du donneur sont injectés au receveur. Suite aux processus immunitaires et inflammatoires dans son corps, il ne restera généralement que 10 à 20% d'îlots fonctionnels", précise le Dr Mourad. Pour cette raison, les patients doivent suivre un traitement immunosuppresseur à vie, avec les effets secondaires liés. En Belgique, la transplantation d'îlots est intégralement remboursée par l'Inami, un geste public unique au niveau européen. "La prise en charge des coûts est essentielle pour démocratiser cette technique. Rien que les enzymes utilisées pour isoler les îlots représentent un coût prohibitif pour les hôpitaux", explique le Pr Buemi. Chaque étape du processus, de l'extraction des îlots au suivi post-opératoire, mobilise de nombreux profils de soignants: "C'est un véritable travail d'équipe impliquant des diabétologues, des biologistes, des radiologues, et bien d'autres spécialistes pour assurer le succès de l'opération", liste le chirurgien. Les îlots sont isolés dans des conditions strictement stériles avant d'être transportés et implantés dans un délai très court. " Cette logistique ne tolère aucun retard, car la viabilité des îlots est extrêmement sensible", ajoute le Dr Mourad, soulignant l'importance d'une organisation bien huilée. Pour réaliser cette opération, les Cliniques s'appuient sur leur Centre de thérapie tissulaire et cellulaire qui regroupe huit banques de matériel corporel humain. Le soutien de la Fondation Saint-Luc est également un incontournable. Si la transplantation d'îlots de Langerhans ne peut pas encore être considérée comme une solution universelle au diabète, elle constitue une avancée majeure pour des patients en impasse thérapeutique. Pour les praticiens, elle offre une alternative supplémentaire, à condition de bien connaître les indications et les contraintes de cette technique. "Ce traitement nécessite un dialogue étroit entre généralistes, spécialistes et équipes de transplantation pour identifier les bons candidats", insiste le Pr Buemi. L'avenir de cette technique pourrait d'ailleurs passer par l'utilisation d'îlots issus de cellules souches ou par la modification génétique pour réduire les besoins en immunosuppression. Ces pistes, encore expérimentales, suscitent un intérêt croissant dans la communauté scientifique. "La recherche avance rapidement, et nous espérons qu'un jour, ces traitements pourront bénéficier à un plus grand nombre de patients", conclut le Dr Mourad.