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"L 'évolution du poids des Belges commence à devenir alarmante : près de la moitié des adultes sont en surpoids et 14% obèses, et un jeune sur cinq est en surpoids et 7% obèses ", fait observer le Dr Lucia Capone, médecin nutritionniste, qui a expliqué pourquoi il fallait oublier les régimes restrictifs.Comment en est-on arrivé aux régimes hypocaloriques ? " Au départ, cela a correspondu à un simple calcul mathématique : il suffit de diminuer les entrées et d'augmenter les dépenses pour perdre du poids. Partant du principe que 1 g de graisse correspond à 9kcal, 1 g de sucre ou de protéines à 4kcal, à partir des années 50, on a commencé à chasser les graisses et, à partir des années 60, on a commencé à prescrire des régimes hypoca-loriques. " Avec en corollaire une pyramide alimentaire désuète mettant en avant les céréales et les féculents, l'apparition de produits trafiqués, allégés, et des édulcorants, et la démystification des produits qui contiennent du sucre. " Y compris les féculents, alors qu'un féculent n'est pas l'autre : une tranche de pain gris correspond plus ou moins à 3,8 morceaux de sucre, un quart de baguette à 14,4 morceaux de sucre... "Les répercussions sur la santé ne sont pas négligeables, avertit-elle : " On forme des réserves sous forme de glycogène mais l'organisme fonctionne avec très peu de glycogène et l'excédent de sucre est transformé en graisse. Donc, ce n'est pas le bon plan de favoriser à ce point les féculents au détriment notamment des bonnes graisses. De plus, quand il y a des apports importants en sucre, la sécrétion en insuline augmente or, elle favorise aussi la synthèse du gras (qui a un tropisme abdominal). Tous les circuits de dépendance au sucre sont en place et une série de maladies métaboliques font ainsi leur apparition. "Autre piège, celui des édulcorants : " L'industrie agro-alimentaire nous a bassiné les oreilles avec les produits light, mais des études récentes prouvent que le cerveau se laisse berner par le goût sucré, sans faire la différence entre vrai et faux sucre, et il y a stimulation de la sécrétion d'insuline et d'incrétine. "Même combat avec le fructose : " On a remplacé le vrai sucre par du fructose ajouté dans un tas d'aliments. Or, on sait que le fructose stimule la lipogenèse et favorise la surcharge hépatique. Actuellement, on se retrouve avec une épidémie de la maladie du soda ou NASH. Avoir une résistance à l'insuline ou des inflammations métaboliques qui découlent de l'obésité, ce n'est pas anodin. " Dans une récente étude menée sur 41 enfants privés pendant dix jours de fructose ajouté dans l'alimentation, on a remarqué, au bout de dix jours seulement, une diminution de la lipogenèse chez tous, qu'il y ait eu ou non perte de poids.Des études concordent pour dire que la restriction calorique ne marche pas : un rapport de l'Anses de 2010 montre qu'après un an seulement d'arrêt du régime, 80% de la population reprend du poids. Pourquoi ? " Il y a d'abord des changements neurobiologiques ", explique Lucia Capone. " La restriction et la privation entraînent des frustrations sur le plan social et individuel. À la longue, le cerveau devient hypersensible à la palatabilité des aliments et à l'effet récompense. Le stress chronique lié à la privation provoque aussi une reprise de poids et le sujet augmente sa recherche de nourriture à faible densité nutritionnelle et à haute valeur calorique. "Il y a aussi des changements hormonaux : la perte de la masse grasse provoque une diminution de la sécrétion de leptine (effet anorexigène) et une augmentation de celle de ghréline (orexigène) : " Voilà pourquoi à la fin d'un régime hypocalorique, on a plus d'appétit qu'avant. Une étude de 2017 montre que le régime restrictif engendre une inflammation chronique qui favorise la reprise de poids à la fin du régime. "Enfin, il y a des changements métaboliques : " Le corps s'habitue à fonctionner avec moins de calories, par conséquent, dès qu'on reprend une alimentation 'normale', on reprend du poids : les kilos perdus plus une marge supplémentaire, c'est l'effet yoyo. "" Il faut d'abord se poser la question 'pourquoi est-on en excès de poids ?' ", conseille le Dr Capone. " Les causes sont multiples : métaboliques, endocriniennes, psychologiques, sédentarité etc. Il faut donc être pris en charge par des professionnels qui vont lancer des pistes de recherche : anamnèse alimentaire et médicale, bilan de santé, examens complémentaires... Il faut arrêter de compter les calories, arrêter les régimes restrictifs farfelus, encourager la personne à revoir son mode de vie, à réapprendre à manger correctement et à corriger les éventuelles problèmes de santé responsables de l'obésité. "