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En effet, un bosquet d'artistes (ils sont 20) propose une arborescence d'oeuvres touffues, multiples jamais caduques, le thème de l'arbre cachant la forêt des préoccupations actuelles concernant le changement climatique, dont les arbres et la chlorophylle sont des adversaires les plus acharnés. 20 artistes (dont trois lauréats d'un concours à l'occasion de cette thématique) qui envisagent de différentes manières leur rapport au sylvestre: le Danois Nicolai Howalt choisit d'imprimer sur papier et sous forme mosaïque l'image noir et blanc d'un pin esseulé, face au travail chamanique comme son sujet du Norvégien Terje Abusdal qui décrit les Forest Finns, minorité en voie de disparition dans la ceinture de forêts qui s'étendent entre la Norvège et la Suède. Des clichés atmosphériques couleurs et réalistes en contraste avec les arbres remarquables en noir et blanc de l'Américaine Beth Moon, vieux parfois de 2000 ans, dont elle tire le portrait (un séquoia américain, un baobab à Madagascar...) dans une technique de tirage très lent, accentuant le côté vénérable de ses sujets. L'Uruguayen Pablo Albarenga préfère lui faire le portrait des populations résistantes de la forêt amazonienne, portrait d'habitants couchés mais de pied en cap, à côté d'une photo de leur environnement, pour saluer de la sorte leur résistance. Les vieilles prises de vue prêtées par le Musée de la Photographie de Charleroi se révèlent des clichés évanescents, au bromul notamment, de Gustave Marissiaux qui dépeint la terre wallonne dans un crépuscule d'hiver à la fin du 19e siècle, ou, un anonyme, un chemin dans la forêt de Groenendael à la même époque. En photographiant en grands formats trois des plus anciens arbres new-yorkais, Mitch Epstein (notamment un faux-noyer du Caucase) joue de la métaphore de la migration et de la diversité à l'oeuvre dans la mégapole. Olaf Otto Becker témoigne lui de la disparition de la forêt primaire en Malaisie et en Indonésie, tandis que dans une installation vidéo Persijn Broersen et Margit Lukacs utilisent en vidéo la technique de la photogrammétrie pour en trois dimensions rendre compte de l'aspect mythologie de la forêt de Bialowieza, l'une des dernières forêts primaires d'Europe. Eric Guglielmi dépeint dans un noir et blanc charbon la disparition du bassin du Congo, second poumon vert de la planète. Le projet est plus personnel encore dans le cas de Jaakko Kahilaniemi, un Finlandais qui a hérité d'un bois de 100 hectares dont il collectionne objets trouvés, témoins ludiques et collages photographiques. Plus convaincant, le Belge Bruno Roels se concentre sur un arbre mythique, le palmier, qu'il radiographie (cela y ressemble) sous toutes les coutures. Mustapha Azeroual, croise pour sa part les techniques anciennes de la gomme bichromatée d'une part, et la numérisation de l'autre, pour un résultat contrasté, mais qui évoque Léonard Misonne par l'atmosphère qui se dégage des vues noir et blanc bien sûr utilisant uniquement le procédé pionnier. Edward Burtynsky, coincé au milieu de la forêt canadienne au printemps 2020 durant le premier confinement, propose lui de grands formats couleurs d'entrelacs de fins branchages, semblables à un système nerveux ou pulmonaire reprenant à nouveau souffle à l'aube du printemps. L'exposition prend un tour documentaire lorsqu'en Russie, Écosse, Canada ou Japon, voire dans le Cercle Polaire, il est question d'incendies, de disparition, d'exploitation et des scientifiques, garde forestier, indien natif ou activiste qui défendent l'héritage sylvestre sans langue de... bois. D'autres artistes, comme le Chilien Enrique Ramirez propose une plongée verticale dans le temps et la nature à la découverte du plus vieil arbre d'Amérique du Sud dans le parc national d'Alerce au Chili, qui donne son nom à l'installation: un "individu" vieux de 3.600 ans. Dans une série de photographies cette fois, Ramirez saisit la forêt de... Calais et les migrants qui y ont trouvé refuge. Une oeuvre à mettre en rapport avec celle de Pascal Maître qui a réalisé une série entière à propos de ces immenses baobabs du Sud-Ouest de Madagascar qui servent de citerne naturelle (jusqu'à 14.000 litres d'eau potable) à la population locale. Une image des plus symboliques de l'importance de l'arbre pour la survie de l'humanité.