Vice-présidente du cercle des médecins généralistes de Charleroi (FAGC), le Dr Catherine Claus explique les changements d'approche en poste médical de garde (PMG) depuis la crise du coronavirus et, singulièrement le confinement. Usuellement, le patient doit aujourd'hui expliquer ses symptômes par téléphone devant le PMG. A l'intérieur, le médecin de garde l'écoute et le conseille. Il peut éventuellement faire rentrer un patient non-respiratoire mais il doit alors se munir d'un masque chirurgical (à défaut de FFP2) et de gants.
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Le Journal du médecin : Qu'est-ce que la crise a changé ces dernières semaines en PMG ? Dr C.C. : Ca a changé radicalement. Au niveau des consultations au PMG, depuis le confinement, on ne donne plus l'accès au PMG sauf pour les cas aigus non-respiratoires. Le médecin en PMG téléphone au patient qui se trouve devant le PMG et voit ce qu'on peut faire. Donc le patient se trouve devant la porte dans ce cas ? Oui. Devant la porte est indiqué un message : " Veuillez former ce numéro de téléphone ". Le patient forme le numéro et joint le médecin qui se trouve à l'intérieur du PMG. Le médecin écoute les symptômes du patient et rédige l'ordonnance le cas échéant. Dans certains cas, le médecin peut faire rentrer le patient dans le PMG ? Ou en aucun cas ? Éventuellement. Mais nous essayons au maximum que le patient reste à l'extérieur. Imaginons un mal de genou carabiné. Vous expliquez votre douleur et on vous laisse dehors ? On se méfie car on doit veiller à ce qu'il n'y ait eu aucun portage dans la famille avec un des membres infectés par le virus. Le patient pourrait être asymptomatique. Nous disposons d'un questionnaire extrêmement précis qui permet d'être totalement sûr que le médecin de garde ne soit pas confronté à quelqu'un qui est porteur. Ce mode opératoire fonctionne donc depuis le confinement ? Depuis jeudi dernier (le 19 mars, ndlr).Devant la porte, avez-vous déjà rencontré un cas de Coronavirus ? Non. De toute manière, tous les cas respiratoires ne rentrent plus dans le PMG. Mais vous pourriez en croiser un qui, manifestement, a les symptômes. A ce moment-là, le médecin de garde oriente le patient apparemment atteint vers son domicile et il est invité à contacter son médecin. Vous avez combien en moyenne de patients qui se présentent au PMG ? Vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 mars, nous avons eu trois consultations PMG et 21 avis téléphoniques par le médecin de garde. Soirée et nuit. En journée, nous avons 15 secteurs, c'est difficile de répondre. Donc, finalement vous êtes assez protégés. Il y a peu de risque que vous attrapiez le Sars-cov2 ? Au niveau du PMG, si le médecin de garde doit absolument recevoir le patient, il portera un masque et des gants. Celui-ci attend dans son véhicule de pouvoir rentrer, de toute façon. Avez-vous suffisamment de matériel de protection, masques et gants, justement... les fameux FFP2 ? Non. Nous avons les masques chirurgicaux reçus hier (lundi 23 mars, ndlr).Connaissez-vous la différence d'efficacité entre FFP2 et masque chirurgical ? Vous vous sentez vraiment protégée avec un masque chirurgical ? Je me sens rassurée. Mais pas vraiment protégée. Le masque chirurgical, si je le mets, c'est plus pour protéger mon interlocuteur des gouttelettes que j'ai pu émettre par la bouche. Mais à part ça, le FFP2, c'est différent. Ça protège vraiment. Il y a 450 MG sur Charleroi. Comment vivent-ils cette situation assez incroyable de pénurie de masques ? Psychologiquement et politiquement ? A la FAGC, on est très bien organisés. Nous avons une politique très réactionnelle et nous avons beaucoup de retour positif des membres de la FAGC. Nous envoyons tous les jours une mise à jour d'informations. Les masques, on est allés les chercher à la police de Marcinelle. Il y a 12 associations sur 15 qui ont déjà reçu leurs masques. On fait avec les moyens du bord. Avez-vous déjà des patients qui vous appellent car, psychologiquement, le confinement est difficile à supporter, dans de petits appartements, voire des logement insalubres... Dans ma pratique hors-PMG, j'ai en effet des patients qui paniquent au moindre symptôme. Je pense qu'on est là, fort heureusement, pour les rassurer au maximum au téléphone. La situation est difficile. Une psychose s'installe ? Non. Je ne pense pas. Bien sûr, ils entendent " respirateur ", " soins intensifs "... Le moindre symptôme inquiète évidemment. Avoir peur est normal. Au niveau du corps médical carolorégien, l'inquiétude est-elle patente ? On voit que la courbe des décès se lisse ainsi que le nombre d'admissions aux soins intensifs... Personnellement je ne suis pas immodérément inquiète. Au niveau de notre cercle, nous avons de bons retours du CHU, de Marie Curie, de l'hôpital de Lobbes... Nous sommes prêts. Nous avons une centaine de volontaires pour aller au pré-tri devant les hôpitaux. On attend leur demande. Nous sommes disponibles dans les 12 heures. Mais il se fait que pour le moment, il n'y a pas de demandes. Ces hôpitaux ne semblent pas surchargés. Les informations (SPF, Inami, Sciensano, SSMG, etc.) vous parviennent-elles convenablement ? Oui. Nous sommes bien informés. On relaie l'info au cercle. M. Maraschiello, notre coordinateur, est très efficace. Les retours que nous avons sont tout à fait positifs. Quant au PMG, les médecins semblent également peu stressés. Ils sont disponibles pour aider Allô Santé (le tri téléphonique). Franchement, le personnel est super responsable et très coordonné. A Charleroi, le confinement est-il bien respecté ? Les gens restent bien chez eux. Ils répondent bien à l'appel du gouvernement. Ceci dit, je reste également les trois-quarts du temps cloîtrée chez moi. Dans votre entourage, quelqu'un est-il hélas infecté ? Non. Au niveau des 450 médecins du cercle carolo, devez-vous déplorer des cas de Covid-19 ? Oui. Absolument. Tout le monde ne se déclare pas. Une dizaine certainement. Le dernier avait plus de 60 ans et a été admis aux Soins intensifs voici plus d'une semaine. C'était au tout début de l'infection.