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Une lumière au bout du tunnel de cet hiver de la pandémie, voilà ce que propose la fondation Boghossian dans sa nouvelle exposition. Sa directrice, Louma Salamé, a choisi depuis son entrée en fonction de mettre la création contemporaine à portée du plus grand nombre, à l'inverse des propositions parfois hermétiques d'un récent passé. Choisissant une approche émotionnelle et didactique, elle choisit des thématiques simples comme celle des cartes géographiques lors de la précédente, et celui de la lumière dans le cas de The Light House. Se déploient dès lors dans les belles salles et les pièces plus étroites de la villa Empain, les oeuvres souvent spectaculaires d'une petite vingtaine de créateurs, la commissaire n'oubliant pas la volonté de rapprochement Orient-Occident qui est et reste le credo de la Fondation Boghossian. L'une des premières oeuvres est d'ailleurs celle spectaculaire de Mounir Fatmi, intitulée Jusqu'à preuve du contraire, sorte de cascade de néons sur laquelle s'inscrit la sourate 24 du Coran concernant la lumière: un côté sacré qui rendent intouchables ces préceptes. D'autres oeuvres faites de néons dans cette expo, dont celle de Joseph Kesut à l'entrée de la manifestation, qui, avec son texte rougeoyant on color (red), se positionne en héritier de Marcel Duchamp (à l'étage Nadia Kaabi-Linke insiste plus sur le contenu tragique du texte, que sur sa réflexion), celle de l'Autrichien Franz West Hain (bosquet) étant constituée de deux lampadaires. Jean-Michel Alberola l'utilise de manière discursive à la Marcel Broodthaers, tandis que Shezad Dawood fait de même en arabe, évoquant les différents noms du Prophète (The Judge, The Protector...). Ivan Navarro, enfin, l'utilise de façon plus ludique, voire comique, en imaginant un panneau de basket ( No Dunking) et un puits de réflexion que constitue poétiquement Eternal contradiction où la réflexion en effet dans le miroir d'un " me" devient " we".... Kaz Shirane use également de l'effet miroir diffracté dans Prism Wall, alors que le Coréen Kimsooja préfère jouer sur la diffraction de la lumière naturelle pénétrant l'intérieur depuis les jardins de la villa. Mona Hatoum choisit pour sa part d'évoquer des ombres projetées menaçantes de soldats et de bombes dans Misbah. Projetées aussi sur écran, les mots "Light" et "Darkness", par l'artiste digital et geek Charles Sandisson, Ann Veronica Janssens, avec Scrub Color, jouant de la sensation hypnotique qui résulte d'une projection rapide d'aplats pop. Impressions pop et de sérénité autant que de pertes de repère laissées par le cercle rouge conçu par le biais de lampes led par James Turrell dans un coin du 1er étage, alors que Erwin Redl utilise le même genre de points lumineux pour courber la réalité et proposer également une expérience sensorielle. La peinture n'est pas oubliée avec l'oeuvre ironique de Martial Raysse et ses débordements en trois dimensions ( Gordon Cooper), Roza El-Hassan, fait dans la nature morte lumineuse aux fruits et aux légumes et en 3D ( Lichtmahl), tandis que Thomas Schütte opte avec Réserve pour la poésie narquoise à la Marcel Mariën: les deux ampoules en porcelaine déposée dans une caisse qui ressemble à un nid rappelant des oeufs de lumière éteints, mais prêts à éclore. Enfin, accrochée au mur d'une des premières pièces de la villa, est présentée une petite lampe conçue par l'artiste designer Dennis Parren, laquelle est restée allumée pendant le deuxième confinement, et, de façon répliquée, à été installée dans divers musées belges, dont le SMAK, le BPS 22, Bozar ou le Muhka d'Anvers. Une sorte de bougie d'Amnesty revisitée, signal et symbole de la culture qui fait reculer les ténèbres de l'ignorance. Un petit phare de lumière dans une expo sans fard..