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Paul De Munck, président du GBO, a lancé les débats. "Le médecin de famille est le coeur des soins de santé. C'est la thématique défendue par la Wonca cette année. Mais c'est aussi le coeur de notre discours."L'homme fort du GBO a saisi l'occasion pour discuter du métier de médecin généraliste dans l'environnement particulier qu'il connaît aujourd'hui, entre pénuries et surcharge administrative, entre fatigue postpandémie et désir d'un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle dans un monde durable. Traité des bonnes pratiques de médecine générale à l'appui, Paul De Munck illustre ce que devrait être un généraliste heureux. "C'est tout d'abord quelqu'un qui exerce avec plaisir, qui a une bonne qualité de vie et qui gagne dignement sa vie. L'argent, c'est une chose, mais ce n'est pas le plus important. Il faut trouver un moyen de gagner suffisamment sans être obligé de mener une course à l'acte", souligne le président du GBO. "Le médecin généraliste heureux est également quelqu'un qui prend le temps, pour ses consultations, pour sa formation continue. Mais aussi quelqu'un qui sait dire non, ce qui est parfois compliqué en médecine générale et en ces temps de pénurie. Au final, il faut prendre plaisir dans chaque acte."Pour être capable de s'épanouir, le médecin généraliste a besoin d'évoluer dans un système de soins structuré. Et c'est là que le GBO montre ses cartes pour les prochaines élections. "Nous défendons l'échelonnement, avec une première ligne forte et une délégation adéquate. Le GBO/Cartel se veut progressiste en la matière, même s'il n'est pas prêt à tout accepter. Il faut un système de soins qui respecte les médecins sans les surcharger administrativement."Quatre médecins, de différentes générations, ont pris la relève de Paul De Munck pour présenter leur parcours et leurs attentes. Le Dr Pascaline d'Otreppe, médecin généraliste active en maison médicale au forfait depuis 15 ans sur Bruxelles, et le Dr LaurentCoeurnelle, assistant en 3e année de médecine générale, partagent peu ou prou la même vision du métier et leurs craintes quant à la pénurie. "J'ai fait la médecine générale car c'est une spécialité riche en rencontres et variée au quotidien. Chaque consultation est imprévisible, est une surprise", explique d'abord la généraliste bruxelloise. "Pourquoi les maisons médicales? Car j'ai tout de suite été attirée par la responsabilité sociale de la santé et le rôle que nous avons à jouer dans le paysage de la santé en tant que généraliste. Le forfait permet de s'inscrire dans la continuité de la prise en charge d'un patient et permet de faire d'autres projets, par exemple liés à la prévention. Un des grands défis de notre génération est de gérer la pénurie. Se mettre en équipe fait partie, à mon sens, de la solution." Laurent Coeurnelle abonde dans ce sens. "Dans ma pratique, je ne peux pas m'empêcher de ruminer l'impact de la pénurie, les déterminants sociaux de la santé, l'environnement et tout le fonctionnement de notre société avec son lot de racisme, d'homophobie, de transphobie. Je ne peux m'empêcher d'analyser les situations des personnes que je rencontre constamment à travers ces spectres-là. Je ne prétends pas représenter les assistants en médecine générale, et je ne pense pas en être une représentation fidèle, mais un dénominateur commun entre nous est la révolte qui nous habite par rapport au monde dans lequel on vit, un certain pessimisme par rapport à l'avenir et une remise en question. Il y a une colère et nous voulons changer les choses. C'est ce qui m'a amené en maison médicale, où de nombreuses choses se mettent en place, notamment pour pallier la pénurie, qui me fait à titre personnel très peur."Le Dr Pierre-Louis Deudon, administrateur du GBO, aborde également la pénurie, mais sous le prisme de la résilience du système de soins. "C'est un thème central depuis la pandémie. Il y a plein de choses que l'on peut changer et plein de révoltes que l'on veut mener, mais nous sommes toujours tributaires du passé. On ne peut jamais s'inscrire en rupture véritable avec le passé. Nous sommes par exemple passés de la pléthore à la pénurie en une trentaine d'années. Entre-temps, la société a évolué, vers une perte de confiance dans les institutions. Le généraliste, lui, garde la confiance du patient. Cela ajoute à la sursollicitation du médecin qui doit, en plus de gérer les besoins médicaux du patient, gérer des problèmes davantage sociaux. Qui plus est en temps de pénurie, où les ressources sont limitées. La résilience du système de santé est mise à mal et pour l'améliorer, il faut une première ligne forte. Ce que je défends le plus, au sein du GBO, c'est la diversité de pratiques. C'est cela qui permet d'être résilient."Le Dr Pierre Vollemaere, le plus âgé de la bande avec ses 43 années de pratique, conclut: "Je suis un baby-boomer, de la génération qui a connu la pléthore. J'ai des souvenirs d'auditoires dédoublés tellement il y avait de candidats. Dans les années 80, j'ai connu l'accroissement très rapide des médecins, ce qui a mené à une situation catastrophique, concurrentielle, délétère. Il n'y avait pas de DMG, pas de primes, des honoraires particulièrement bas. Tant et si bien que j'ai dû compléter mes revenus de médecine générale - insuffisants pour vivre - en pratiquant de la médecine scolaire. Je me suis déconventionné pour éviter de faire de la chasse à l'acte et vivre dignement. Concernant la pénurie, il ne faut pas reproduire les souffrances que nous avons connues lorsqu'il y avait pléthore. Mais il faut aujourd'hui refuser des patients. Je constate aussi que le patient n'est pas éduqué à utiliser le système de soins de manière structurée. Sur mes 43 ans de carrière, le manque d'échelonnement a été une grande frustration. On gaspille les compétences, le temps des soignants par manque de structuration."