...

"Les moins de 40 ans investissent assez volontiers la moitié de leur patrimoine dans des produits éthiques ", observait récemment un banquier. Ce n'est pas cela qui va changer le monde, rétorquera un esprit narquois, car à cet âge, on n'a généralement pas encore un patrimoine fort conséquent. Erreur : c'est un banquier privé qui s'exprimait ainsi, dont les clients sont donc relativement nantis. Ce n'est dès lors pas, ou pas seulement, pour la beauté du geste que les intermédiaires financiers se bousculent au portillon de l'investissement responsable, ni même parce que c'est dans l'air du temps et qu'il serait mal vu de passer à côté. Aujourd'hui en tout cas, la raison essentielle est tout simplement qu'il y a une demande. Et dans une économie de marché comme la nôtre, quand il y a une demande, une offre y répond. Chez l'épicier comme chez le banquier. Dans l'un comme dans l'autre cas cependant, l'étiquette n'est pas toujours facile à lire, tandis qu'on fait état de labels peu connus du client. Voyons donc de quoi il retourne.Apparus dans les années 1990, les premiers fonds présentés comme éthiques se contentaient d'écarter de leur portefeuille les secteurs et entreprises jugés... peu éthiques. Ils refusaient clairement d'acheter les actions des entreprises relevant des armes, du tabac, ou encore de l'alcool. Un fameux " sacrifice " au demeurant, car les fabricants de cigarettes figurent historiquement parmi les entreprises les plus performantes en Bourse ! Cette approche a minima s'est bien entendu perpétuée et généralement amplifiée, quitte à présenter quelques variantes parfois inattendues.Un fonds précise ainsi n'investir ni dans les armes, ni dans le tabac... ni dans l'exploitation non conventionnelle du pétrole et du gaz. Autrement dit, les gaz et pétrole de schiste.Tandis que certains de ces pionniers se contentaient d'écarter les valeurs diaboliques, d'autres ciblaient au contraire un univers très restreint, leur portefeuille étant garni par les fabricants d'éoliennes ou les distributeurs de produits bios par exemple. Sympathique, mais plutôt artisanal et pas nécessairement judicieux.L'étiquette verte souvent revendiquée au départ fut rapidement complétée par une approche qualifiée de socialement responsable. L'expression avait été utilisée précédemment, mais de manière un peu vague. Elle devient beaucoup plus rigoureuse dans les années 2000 avec le fameux acronyme ESG, pour environnement, social et gouvernance. Le mot environnement se suffit à lui-même : haro sur la pollution, ainsi du reste que le gaspillage ! Le social est également assez clair et il s'est imposé quand la presse et des ONG ont dénoncé certaines conditions de travail, en particulier celui des enfants. Définir la (bonne) gouvernance est plus ardu, car il existe plusieurs définitions de cette notion à la fois large et abstraite. En gros, on vise ici une information correcte de la part de l'entreprise, la lutte contre la corruption et, globalement, une large transparence... y compris sur les rémunérations des dirigeants.Si le sigle ESG est le plus utilisé aujourd'hui, il est encore régulièrement fait mention d'ISR, pour Investissement socialement responsable. Dans d'autres documents, notamment ceux émis par les fonds anglo-saxons, on trouvera également la mention de PRI, pour Principles for Responsible Investment. C'est la charte émanant des Nations-Unies, signée par de nombreux professionnels de l'investissement. Notons encore, en résumé, que certains fonds affichent l'étiquette best in class. Ils retiennent dès lors spécifiquement les entreprises les plus performantes parmi celles répondant aux critères ESG. D'autres choisissent l'étiquette impact. Ceux-là retiennent les actions d'entreprises dont les qualités ESG se traduisent par des effets tangibles au niveau de l'environnement ou de la société.Certains gestionnaires de fonds se veulent carrément activistes. Le néerlandais Robeco en particulier. Il a, en automne dernier, donné son appui à une offensive contre la déforestation de l'Amazonie, en faisant pression sur les entreprises qui en sont responsables. Ainsi peut-on résumer l'essentiel en matière de fonds de placement durables... mais on ne saurait faire l'impasse sur une initiative belge, car elle mérite qu'on s'y attarde.En Belgique aussi, on s'est senti obligé de créer un label. C'est en février 2019 que Febelfin, l'association professionnelle du secteur financier, annonçait le lancement d'une norme et en précisait les conditions. Et c'est en novembre dernier qu'elle publiait une liste de 311 fonds répondant aux critères exigés par le label, liste qui vient d'être portée à 410 noms. Elle est disponible sur le site dédié www.towardsustainability.be, du nom donné au label en question. En anglais, pour éviter la traduction et, pourquoi pas, pour prétendre à une information à l'échelle internationale. Soyons ambitieux !La composition de cette liste enseigne plusieurs choses. Il est ainsi frappant que certains n'ont soumis que quelques fonds spécifiquement axés sur le durable. C'est le cas d'ING et Belfius, avec seulement 6 et 4 noms respectivement. Ceux du second sont toutefois complétés, en quelque sorte, par les 33 fonds de son partenaire Candriam. D'autres institutions, BNP Paribas et KBC en l'occurrence, ont au contraire fait labelliser sur un large front, en ce compris donc des fonds n'ayant absolument pas d'étiquette spécifiquement verte ou durable. Pour indiquer qu'ils le sont néanmoins ! C'était du reste le but recherché par l'initiative : " Le principe de ce label n'est pas de constituer une norme de niche ne permettant que des investissements vert foncé et/ou dont les énergies fossiles sont bannies. Il importe également que les produits d'investissement certifiés soient adaptés à tous les types d'investisseurs et couvrent un large éventail de placements. "La liste des 410 élus ne comporte pas que des fonds proposés par les grandes banques belges. L'assureur AG y a inscrit une petite vingtaine de fonds, tandis qu'on y repère Crelan, Triodos ou VDK. Argenta et AXA sont aussi de la partie, tout comme plusieurs institutions étrangères dont certains fonds sont commercialisés en Belgique : les banques suisses UBP et Vontobel, les gestionnaires français Carmignac, Echiquier et Sycomore, les néerlandais Kempen, NN, Robeco et Van Lanschot, sans oublier de grands noms américains comme Blackrock, Franklin Templeton, JP Morgan, Pimco, ou britanniques comme HSBC et Schroders. Détail pratique : la liste des fonds publiée sur le site mentionné ci-dessus comporte pour chacun un lien avec une fiche qui résume son examen qualitatif, mais également un lien vers le site de l'organisme financier émetteur. Ce dernier mène de manière indirecte à la fiche technique du fonds en question. C'est souvent facile d'accès, mais pas toujours malheureusement.L'étendue et la diversité de cette liste sont remarquables et témoignent de l'intérêt des gestionnaires de fonds, belges comme étrangers, à disposer de ce label. Car ce n'est évidemment pas Febelfin qui a choisi : ce sont les émetteurs de fonds qui se sont présentés à l'examen. Et ce n'est pas non plus Febelfin qui a joué l'examinateur, mais un trio composé d'Ethibel, un organisme ayant pour partenaires quelques intermédiaires financiers et associations, ainsi que de deux institutions académiques : ICHEC Brussels Management School et Universiteit Antwerpen.Les labels ainsi décernés ne sont pas figés : ils seront revus tous les ans. Les critères retenus ne le sont pas davantage. Les promoteurs de Towards Sustainability précisent en effet : " Les thèmes qui devraient, à notre sens, évoluer rapidement sont l'évaluation des secteurs de l'énergie et de l'électricité et l'introduction d'indicateurs plus standardisés tels que l'empreinte CO2 d'un portefeuille. Le manque de données suffisamment détaillées et accessibles au niveau des entreprises constitue actuellement un obstacle. " Actuellement... Rendez-vous est clairement déjà pris pour faire le point dans l'avenir.