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J'aime beaucoup la philosophie. " Philo " venant du verbe " philein " (aimer, chercher) et " sophia " (la connaissance, le savoir, la sagesse). Elle peut être considérée par certains comme quelque chose d'intouchable, d'inutile, de compliqué...Pourtant, certains auteurs actuels nous permettent de débuter et de l'aborder de façon bien plus aisée qu'il n'y paraît. La philosophie, ce n'est pas être sage, être savant ou être instruit. La philosophie c'est avant tout se questionner et questionner le monde. C'est pouvoir s'arrêter et se poser des questions. Sur tout : l'ordre des choses, les règles, la vie, ce qu'on fait, ce qu'on ne fait pas, ce qu'on voudrait. C'est également être capable d'une " attention " vraie, d'une " présence " totale.Fabrice Midal, auteur français, dans son livre " Comment la philosophie peut nous sauver ", aborde le sujet de manière à le rendre accessible, le reliant simplement à des choses quotidiennes, que nous pouvons expérimenter chacun, chaque jour. Qui de nous est réellement et fréquemment " attentif " ? 100% dans l'instant présent ?Cette question de la présence à ce qu'on fait, je me la pose parfois (et de plus en plus fréquemment) face aux patients, et dans mon métier en général. A l'heure où l'on parle de plus en plus de la " médecine du futur ", de métiers voués à disparaître (nos confrères radiologues seront-ils les premiers ? ), cette notion semble parfois oubliée. Il faut être rentable, efficace. Nous avons de nombreuses " check-list " à devoir remplir pour telle pathologie, tel programme, tel suivi etc. Face à un patient, d'innombrables alertes jaillissent sans cesse : DMG en ordre ? Vaccination ? Trajets de soins ? Rappel de ceci, attention à cela etc. Mais qu'en est-il de cette présence dans la relation à l'Autre? De la qualité de notre attention ? De notre disponibilité totale pour le patient durant les 15-20 ou 30 minutes où il est devant nous ? Elle ne sera jamais quantifiable, par aucun moyen disponible venant des instances qui, à l'heure actuelle, s'estiment devoir nous féliciter, nous conforter voir nous évaluer dans ce que nous faisons de bien ou de moins bien.Cette satisfaction doit venir de nous-mêmes. Et elle est primordiale, autant pour notre bien-être que pour celui de notre patient. Agir 100% en accord avec ce qu'on ressent nous apportera le bonheur, concept-clé chez Spinoza, philosophe extrêmement intéressant que je vous conseille de découvrir si ce n'est pas déjà fait. Mais cela nécessite de savoir ce que l'on ressent, ce que l'on veut pour soi-même, et ce que l'on veut dans notre relation aux autres. Et donc, de s'interroger sur cela, et remettre peut-être en cause des choses qui semblent aller de soi. Ça, c'est la philosophie." Prendre un temps pour s'interroger, c'est arrêter la course habituelle qui nous fait agir sans penser, simplement préoccupés que nous sommes par notre intérêt immédiat et nos obligations diverses ".Dans cette voie professionnelle que nous avons tous choisie la qualité de notre présence est primordiale, mais pas toujours optimale malheureusement. Elle nécessite ce travail sur soi, ainsi qu'une prise de distance par rapport à ce que certains attendent de nous (que ce soient des patients trop exigeants, des instances politiques ou administratives, des collègues, ou n'importe quel autre intervenant). Être présent, être là, est-ce répondre à diverses exigences administratives et/ou temporelles, ou est-ce bien plus que cela ? Bien entendu, nous devons faire avec certaines de ces exigences extérieures, mais il faut les remettre à leur juste place. Prendre soin de soi pour être disponible pour l'Autre, c'est apprendre à discerner ce qui est favorable pour nous-mêmes, et ce qui ne l'est pas. Cela consiste à analyser non pas notre " moi " unique et solitaire, mais notre " moi " en relation constante avec l'Autre. C'est lui qui est la clé de notre métier.