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Gendre d'un " beau "-père dont le masque de beauté se figea dans la mort voici tout juste 60 ans, Jérôme Garcin signe avec Le dernier hiver du Cid, une sorte de tombeau, de monument aux mots, se basant sur les documents et des sources très fiables, celles notamment de son épouse, Anne-Marie, comédienne et fille de Gérard Philipe.Un gisant certes, mais debout, qui, par la magie de l'écrit, fait revivre le comédien dans son humanité, loin de la comédie humaine : un homme généreux, vrai, naturel, disponible, fidèle, enjoué, sincère, militant communiste... qui jouit à presque 37 ans de la vie avec une candeur encore enfantine, car la mort qui s'approche, elle, est adulte.Cet astre solaire, lumineux, va en quelque mois s'assombrir, s'éclipser et disparaître dans le trou noir du néant, dévoré par un crabe, débarqué du tropique du cancer. Cela, il ne le saura jamais, car Anne, sa belge épouse, son ange, gardienne de ce soleil, lune indispensable dans lequel Gérard se réfléchit, choisit, en accord avec les médecins, de jouer à son tour cette dernière comédie tragique, et prolonger ainsi quelque peu la vie d'un comédien qui prenait le mors au dents... et a désormais la mort aux trousses.Dans un style romancé et classiquement élégant, Jérôme Garcin, petit-fils de médecins, ressuscite non seulement Gérard Philippe, mais l'hôpital et l'ambiance des années 50 jusque dans la précision châtiée, et d'un autre temps, du langage (éphélides, pythonisse...).Sous sa plume, Till l'Espiègle, qui adressait des grimaces à la grande faucheuse, grimace à son tour en faisant bonne figure. Cette mise à mort du Cid est la plus belle des oraisons : elle ne se veut pas funèbre, mais le condensé d'une vie rêvée ou de rêve, un 'best of' d'existence trop brève mais réussie.N'empêche : bonjour tristesse...