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Le sommet sur le changement climatique ou COP26, qui s'est tenu au cours de la première moitié du mois de novembre à Glasgow, s'est soldé par quelques résultats positifs, mais aussi par pas mal de déceptions. Certains pays se sont engagés à mettre fin au déboisement, à limiter leurs émissions de méthane et à investir dans les entreprises sans impact sur le climat... mais la question du recours au charbon comme source d'énergie (sans séquestration du CO2) a provoqué de sérieux froncements de sourcils. En effet, alors que le texte de consensus original stipulait qu'il devrait être entièrement abandonné, cette formule a finalement été remplacée - sous la pression de la Chine et de l'Inde - par un engagement à faire plus d'efforts pour le limiter. Les analystes confirment que les accords de Glasgow ne suffiront pas à maintenir le réchauffement en-deçà de la barre fatidique des 2°C, au-delà de laquelle la planète court droit à la catastrophe. Mais tout va très bien, Madame la Marquise, nous avons tout le temps. Nous sommes les maîtres du monde et nous arrêterons bien de malmener notre environnement lorsque cela commencera vraiment à sentir le roussi. Sauf que ce ne sera peut-être plus possible. Les experts avertissent en effet que, si le réchauffement atteint 2°C, certaines modifications de l'écosystème deviendront irréversibles. Malheureusement, les exemples ne sont pas toujours de ceux qui frappent l'imagination, le raisonnement fait intervenir beaucoup de chiffres et, surtout, ces événements sont toujours pour demain... Une publication récente dans la revue Science propose un exemple fort simple - dans un système unique et à une échelle limitée - d'une perturbation de l'écosystème persistant même après disparition de sa cause. Il ne s'agit pas à proprement parler de médecine humaine, mais de génétique, de théorie de l'évolution et de gestion de l'environnement. Au cours de la période de 1970-1990, les éléphants du parc national de Gorongosa, au Mozambique, ont fait l'objet d'une chasse acharnée dans le but de financer une guerre civile grâce à la vente de l'ivoire. La population a été décimée à plus de 90%, passant de plus de 2.500 têtes à environ deux cents au début des années 2000. Alors que 18,5% seulement des éléphants femelles n'avaient autrefois pas de défenses, depuis la guerre civile, cette proportion est passée à 33%. Le massacre a donc débouché sur une sélection positive des femelles sans défenses, qui n'intéressaient pas ou beaucoup moins les chasseurs. Là où cela se complique, c'est que cette absence de défenses ne se rencontre que chez les animaux femelles, et les scientifiques ont pu déduire de son mode de transmission héréditaire qu'elle est due à une mutation localisée sur le chromosome X qui est fatale chez les mâles et dominante chez les femelles. En comparant au sein d'une population touchée le génome des animaux avec et sans défenses, ils ont pu épingler deux gènes-candidats: AMELX et MEP1a - des gènes qui, chez l'homme, sont associés aux incisives, que l'on peut considérer comme le pendant humain des défenses des éléphants. À première vue, l'histoire peut porter à l'optimisme: quoique sans défense(s), les éléphants ne sont pas complètement démunis face à la menace des braconniers. Ce n'est toutefois qu'une petite partie du tableau. Des chercheurs ont en effet constaté que les éléphants sans défenses ne mangeaient pas les mêmes plantes que les autres... et au vu de leur rôle crucial dans l'écosystème, ce changement de régime pourrait bien déboucher à certains endroits sur un remodelage complet du paysage! En plus, la mutation "protectrice" étant aussi fatale pour les sujets mâles, leur nombre va forcément se réduire et, avec lui, la population tout entière. Même sans braconniers.