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Lorsque nous arrivons au port de pêche de Saint-Quay-Portrieux, nous croisons un quidam sortant de la criée matinale. Il nous indique le bateau de Christophe Bourges qui doit nous amener en mer pour la pêche à la coquille. Le capitaine et Raynald, son matelot, sont déjà affairés sur l' Océaline.Rien ne prédisposait ces deux complices à tutoyer l'océan. Christophe, le propriétaire, souffrait du mal de mer jusqu'à ses 16 ans, "un mal psychologique et peut-être lié à un problème d'oreille interne" nous fait-il savoir. Pour sa part, Raynald travaillait dans la déco à Paris : "À mes 40 ans, je ne me voyais plus habiter la capitale avec mon fils" nous dit-il résolu. La mer s'est chargée de réunir ces deux hommes aux regards profonds.C'est donc à trois que nous quittons le port de pêche pour la pleine mer. Commence alors un étrange bras de fer entre l' Océaline et les eaux de la baie de Saint-Brieuc. Par un système de leviers et poulies, le capitaine ordonne la descente en mer de deux filets métalliques armés de griffes. Des câbles en acier les relient au navire. L'avant du bateau se cabre, les moteurs crient; les agriculteurs de la mer débutent alors leur récolte.Toutes les dix minutes, ils remontent leurs lourds filets d'acier jusqu'aux flancs de l'embarcation. Le matelot les déverse sur le pont. Dans un vacarme assourdissant, un mélange de coquilles, de roches et de crabes se repend de part et d'autre de la cabine. Durant cinq heures et dans un rythme effréné, les deux marins nous font imaginer les rives du Styx sous une pluie battante.Soudain, un mayday mayday s'échappe de la radio. Deux bateaux se sont heurtés et l'un deux a coulé à pic. Le matelot nous confirme alors la dangerosité de la pêche à la Saint-Jacques. " Un des métiers les plus accidentogène qui soit, malgré des règles strictes" insiste-t-il, en nous donnant foule d'anecdotes. Une heure avant de rentrer au port, c'est détrempés de pluie et d'eau salée que les deux hommes se penchent sur leur récolte pour trier les 700 kilos de coquilles à destination de la criée de Saint-Quay. Sur une palette mise à disposition au débarcadère, ils disposeront la cargaison, fourbus.Sur le quai, un nouveau bâtiment sourit à la mer. Construit en forme de bateau, le mot " catamaran" est écrit en lettres capitales sur son sommet. On y trouve un restaurant, un bar lounge et une poissonnerie. Ce jour-là, six grands sacs de Saint-Jacques attendaient d'être décortiqués. Quelques crabes et des homards bleus de Bretagne venaient de quitter la mer pour un vivier. Une salle de préparation commune relie la poissonnerie au restaurant. Le chef était afféré à la cuisson de quelques noix : " Sur un papier sulfurisé posé à même la plancha, je déverse un peu d'huile d'olive. Je cuis mes noix une minute sur chaque côté et je sers ". Des fruits de mer qu'il met à la carte avec une réduction de cidre et une purée à base de cacahuètes.Ici, tout le monde possède sa recette. Le capitaine de l' Océaline les aime crues, juste pêchées. Des noix qu'il ouvre avec un opinel sur le pont : " Elles ont un goût noisette inégalable à ce moment-là". Sa femme les préfère en carpaccio sous un filet d'huile, du sel et du poivre. Raynald, le matelot, les aime cuites sur galet. Pour ce faire, il fait chauffer des galets récoltés en mer dans son four. Lorsqu'ils sont brûlants, il les retire et snacke le fruit de son travail à même la pierre : "une cuisson qui a l'avantage de faire ressortir l'iode" explique-t-il. Miam...Pour les amateurs de produits frais, la poissonnerie expédie poissons, homards et coquilles vers la Belgique en quelques heures.Ce ne sont pas les locations qui manquent à Saint-Quay-Portrieux. La ville regorge de gîtes, de chambres d'hôtes ou d'Airbnb. En ce qui concerne l'hôtellerie, un bâtiment attire l'attention lorsqu'on se trouve sur le port. Sur le haut de la falaise, une maison belle époque s'impose au regard. Construite à la fin du 19e par un diplomate français, elle est de style mauresque. Dans les années 80, un ensemble hôtelier est venu se greffer à la villa. Un éclectisme pour le moins étonnant et qui pourrait en rebuter certains. Une aversion vite effacée lorsque l'on franchit l'accueil du Ker Moor. Le personnel est charmant et les chambres, refaites il y a peu, ont quasi toutes vue sur mer. Leurs appartements possèdent des terrasses à couper le souffle. On notera que la touche 9 du téléphone de chambre relie les occupants à un service médical.Tout au long de l'année, de nombreuses activités animent la station. Les promenades nature ou les sorties en bateau rencontrent un véritable succès. Un dynamisme qui est communiqué de main de maître par Madame Le Goff, de l'office du Tourisme. Une destination familiale et élégante qui plaira assurément.