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Considérés par les uns comme le 10e art, par les autres comme une sous-culture avilissante, le jeu vidéo divise, mais trouve quoi qu'il en soit son public. Le CSS, pour sa part, reconnaît que " jouer à des jeux vidéo peut apporter un certain nombre d'effets bénéfiques ". Le premier d'entre eux est le plus évident : le jeu vidéo amuse et détend. Mais il peut également être propice au développement cognitif socio-émotionnel des enfants et des jeunes (concentration, attention sélective, résolution de problèmes, compétences spatiales, créativité). Le conseil note également d'autres effets positifs : l'apprentissage de l'échec, des défis et des succès, la gestion des émotions, le développement de l'identité, des aptitudes sociales (collaboration, esprit d'équipe, sens des responsabilités) et de la motricité (coordination oeil - main, capacité multitâches, temps de réaction). Beaucoup de questions se posent cependant sur les risques du gaming excessif. Le CSS mentionne les risques somatiques liés au comportement sédentaire (surpoids et obésité, maladies cardiovasculaires) mais aussi des perturbations du sommeil. Le jeu excessif peut également comporter des risques psychologiques (émotions négatives comme la frustration, l'irritation, le stress ou de l'agressivité, même si dernier point est encore contesté) et des risques sociaux, tel l'augmentation de l'échec scolaire. Enfin, le risque existe de perdre le contrôle sur son comportement de jeu, malgré les conséquences négatives sur soi-même ou sur son entourage. Ceci étant, il est difficile d'avoir des chiffres concernant la prévalence des troubles liés aux jeux vidéo. " Il y a une grande diversité dans les chiffres disponibles dans la littérature, due à la divergence des instruments utilisés, des définitions, des critères diagnostics, et des types d'échantillons. Certains éléments indiquent toutefois que les troubles liés aux jeux vidéo ne touchent qu'une petite partie des personnes qui utilisent ces jeux ", note le CSS. On retrouve ainsi, d'un pays à l'autre, des chiffres de prévalence qui vont de 1,2% à 8,5%. En Belgique, seule la Flandre fournit des chiffres. D'après la factsheet 2018 de la Vereniging voor Alcohol-en andere Drugprobleme (VAD), le jeu serait problématique pour 3% des Belges, surtout les hommes. 11% des élèves interrogés en 2016-2017 sur le Videogame Addiction Test ont obtenu un score indiquant que le jeu était problématique (surtout les garçons et les plus jeunes). Poser un diagnostic n'est pas chose aisée. En cause, " la définition du jeu problématique, et plus généralement des dépendances comportementales, est un débat continu au sein de la communauté scientifique, certains reprochant une pathologisation du comportement normal ", rapporte le CSS. " Or, pour pouvoir apporter de l'aide à ceux qui en ont besoin, sans exagérer les risques, il est important de pouvoir définir la pathologie. " La conceptualisation des troubles liés aux jeux vidéo a récemment franchi une étape importante, puisque l'OMS a intégré le trouble du jeu vidéo (TJV) dans la CIM-11. Ce trouble y est maintenant défini comme " un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d'autres centres d'intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ". Pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d'une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d'autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d'au moins 12 mois. Le diagnostic posé, la prise en charge doit être sur mesure. Elle doit tenir compte de l'environnement de la personne et de ses motivations à jouer. " Il est pour le moment recommandé d'utiliser la thérapie familiale, les entretiens motivationnels et la thérapie cognitivo-comportementale, à la fois de manière individuelle et en groupe ", explique le CSS. " Il manque cependant à l'heure actuelle des directives evidence based pour le traitement des troubles liés au jeu. "Le CSS recommande une approche bio-psycho-sociale des troubles liés aux jeux vidéo car ils sont influencés par plusieurs facteurs liés au joueur, au jeu ou à l'environnement, et aux interactions entre ces facteurs. Le CSS recommande en outre de se concentrer sur la prévention sélective et l'intervention précoce. Les parents sont un partenaire très important tout au long du continuum de prise en charge. " Ils doivent, dès que possible, être sensibilisés et soutenus pour mieux comprendre le jeu, pouvoir en parler, établir des accords clairs et mettre des limites au jeu de leur enfant si nécessaire ", estime le CSS. Pour la prévention, il faut avant tout travailler sur les facteurs de risque et de protection environnementaux et personnels. Pour la détection et l'intervention précoce, il est important que les professionnels en contact avec les jeunes apprennent à reconnaître les signes d'un comportement potentiellement à risque. Il faut pour cela les sensibiliser, promouvoir leur expertise et mettre des outils adéquats (de screening) à leur disposition. Le CSS préconise de mettre en place des mesures structurelles pour faire face aux potentielles conséquences négatives des pratiques de l'industrie du jeu. Il recommande également de rester vigilant pour garder une séparation claire entre les jeux et les jeux d'argent en ligne, en étant notamment attentif aux jeux de hasard gratuits. Pour cela, le CSS juge utile de créer un organisme indépendant de surveillance et de réglementation. Ce dernier point est étonnant, dans la mesure où la Belgique est l'un des seuls pays au monde à légiférer, depuis 2019, sur le statut des jeux vidéo qui sont à la limite des jeux de hasard. C'est le cas des jeux qui font payer des " loot boxes ", sorte de pochettes surprises dont le contenu est impossible à connaître avant de les avoir achetés. Plusieurs éditeurs de jeux-vidéo ont donc dû s'adapter au marché belge, que ce soit sur console de jeux ou sur application mobile, afin qu'il ne soit plus possible pour le joueur belge d'acheter ces contenus liés au hasard. Avis n° 9526 du Conseil supérieur de la Santé