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"Si la Belgique est pionnière en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens (AMR), notamment avec la création de la BAPCOC en 1999, une logique sous-jacente est enracinée : la prescription d'un antibiotique (AB) reste la plus évidente, celle qui donne la certitude d'avoir aidé son patient ou son éleveur. La simple diffusion d'informations ne suffit pas pour changer le comportement de prescription. La culture est identique pour tous, médecins, vétérinaires, hôpitaux..., il faudrait changer de mentalité et passer du 'pour cette fois, un antibiotique, c'est justifié' à 'est-ce vraiment nécessaire ?' ", a expliqué Tom Auwers, président du SPF Santé publique, en introduction de la journée du 22 novembre." Que faire pour changer de comportement ? Il faut une histoire positive, la collaboration entre tous les secteurs et avoir des attentes élevées pour tout le monde (confronté chacun à ses résultats). "Pourquoi travailler sur l'AMR ? " Parce qu'elle coûte des vies (700.000 décès chaque année dans le monde, 530 en Belgique) et, si aucune action n'est prise, elle pourrait devenir la première cause de mortalité en 2050. C'est aussi un problème économique qui coûte plus d'un milliard d'euros en Europe et 24 millions d'euros en Belgique. La bonne nouvelle c'est que des mesures existent et qu'elles sont efficaces ", répond Martine Delanoy (SPF), coordinatrice du projet One Health." Une des principales causes de l'AMR est la surconsommation d'AB. Selon le dernier rapport de l'ECDC (sorti le 19/11), dans le secteur ambulatoire, la Belgique est en-dessous de la moyenne européenne : malgré une légère diminution d'année en année et les efforts faits depuis la fin des années 90, il y a encore une marge d'amélioration possible. Au niveau des hôpitaux, la Belgique se situe au-dessus de la moyenne européenne, avec aussi une marge de progression possible quand on voit la place des Pays-Bas au top. Dans le secteur vétérinaire, la Belgique est le 8e plus gros consommateur malgré d'énormes efforts et une diminution de 35% de la consommation d'antimicrobiens depuis 2011. "Tout ceci explique pourquoi ce sujet est en bonne place dans les agendas des institutions internationales telles que l'OMS, l'OIE et la FAO. De même, l'Europe exerce une forte pression sur les États membres pour développer des plans One Health contre cette problématique." Pour la Commission européenne ", ajoute-t-elle, " il s'agit d'une approche intégrée de la santé qui travaille avec les différents secteurs et doit pousser au développement de synergies et d'enrichissement mutuel pour avoir des mesures efficaces. Au sein de notre SPF, on souhaite la mettre en application et on s'efforce d'avoir une approche transversale et intégrée des piliers de la santé, des différentes DG, et en intégrant les autres filières politiques (économique, éducation...) et les stakeholders. On veut aussi prendre en compte les tendances mondiales (changement climatique...), selon les objectifs de développement durable des Nations Unies. "Pour la coordinatrice, cette approche One Health est essentielle parce que les antimicrobiens peuvent être utilisés pour l'homme, l'aquaculture, les animaux d'élevage et de compagnie. " Or, ces sources sont interconnectées, sans oublier les voyages internationaux. Il faut donc une politique nationale et une gouvernance améliorée pour réunir les pouvoirs publics autour de cette thématique. Nous avons largement collaboré entre les cinq institutions fédérales (SPF Santé publique, AFMPS, Afsca, Inami et Sciensano), avec la BAPCOC et l'AMCRA (Antimicrobial Consumption and Resistance in Animals), et avec les communautés et régions. "" L'ECDC a évalué notre système, le KCE a remis son rapport pour une politique AB plus efficace (311B, avril 2019) et nous avons reçu le rapport d'évaluation du protocole MDRO (multi-résistance aux AB) en octobre. Sur base de ces recommandations, nous avons développé une vision et des stratégies communes, traduites en actions concrètes. L'objectif étant d'avoir une proposition de plan d'action national pour la fin 2019 ", indique-t-elle.Ainsi, dix objectifs stratégiques ont été définis : usage prudent des antibiotiques, prévention et contrôle des infections, systèmes d'information et de monitoring, sensibilisation de tous, audits et contrôles dans les hôpitaux, recherche innovante et ciblée, contexte économique et institutionnel favorable, collaboration internationale, objectifs ciblés et gouvernance One Health. Sur cette base, 78 objectifs opérationnels et 226 actions, sous la responsabilité de différentes entités (AFMPS, Afsca, Inami, Sciensano...), ont été déterminés.En santé humaine, le premier objectif stratégique vise bien sûr l'usage prudent des antibiotiques. Comment ? En améliorant la prescription basée sur les preuves et en disséminant les bonnes pratiques comme définies dans le guide de la BAPCOC. Mais aussi en améliorant la disponibilité et en adaptant les conditionnements des antimicrobiens : liste des AB essentiels ; délivrance en fonction des besoins ; meilleure communication sur les indisponibilités et les retours sur le marché ; développement des traitements alternatifs (vaccins, bactériophages) ; élargir l'accessibilité aux tests diagnostiques..." Notre avant-projet de plan a déjà été présenté à la BAPCOC, à l'AMCRA, au Conseil supérieur de la santé et au KCE. Il est présenté aujourd'hui (22 novembre) aux autres secteurs et acteurs de terrain. Il y aura encore d'autres consultations, le but étant d'arriver à un projet qui sera soumis aux politiques pour validation et prise d'action ", conclut Martine Delanoy.