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Ni en Inde, ni en Chine, l'obésité n'est un problème sérieux, puisqu'il n'y touche que 3,6 et 6,2% respectivement de la population. C'est ce que révèlent les chiffres publiés l'an dernier par l'OMS se rapportant à l'année 2016. Si la moyenne mondiale atteint 12,8%, c'est en raison de proportions dramatiques ailleurs dans le monde. États-Unis en tête, comme on s'en doute: pas moins de 36,7% des Américains sont obèses au sens clinique, c'est-à-dire qu'ils présentent un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30. L'Europe est moins touchée, avec 25,2% par exemple en Allemagne. Les pays moins développés ne sont toutefois pas épargnés, le cas le plus emblématique étant sans doute celui du Mexique, avec 27,8% de personnes obèses! On sait que les jeunes n'y échappent pas non plus, le taux d'obésité et de surpoids étant, entre 1975 et 2021, passé de 4 à 18% parmi les 5 à 19 ans, a calculé l'OMS. Outre son coût économique, en matière d'absentéisme notamment, l'obésité grève lourdement les budgets santé des États. Les frais médicaux en lien avec l'obésité dépassent 170 milliards de dollars par an aux États-Unis, suivant une estimation des CDC, l'Agence fédérale de santé publique. Et à en croire une étude prospective de l'OCDE, le montant pourrait fuser à quelque 650 milliards à l'horizon 2050. Bien plus que la Grande-Bretagne et surtout la France, c'est cependant l'Allemagne qui serait alors la plus gravement touchée, proportionnellement à sa population: plus de 400 milliards, représentant près de 12% des dépenses de santé totales. Or, en dépit d'une large prise de conscience de ce désastre, les avancées restent très modestes sur le plan médical, affirme l'étude de Capital Group. D'une part, la société dans son ensemble, en ce compris le corps médical, a tendance à considérer que l'obésité procède d'un style de vie et ne s'apparente pas à une maladie. D'autre part, les traitements sont peu efficaces au niveau médicamenteux et fort invasifs au niveau chirurgical. La situation est toutefois en train de changer, avec l'apparition de traitements de nouvelle génération plus sûrs et plus efficaces. L'étude de Capital Group cite les sociétés Novo Nordisk et Eli Lilly, considérées comme très prometteuses sur ce terrain et que les investisseurs ne sauraient dès lors négliger. Géant mondial des traitements contre le diabète, le danois Novo Nordisk a, en automne 2021, lancé un nouveau médicament à base de sémaglutide. De la famille du GLP-1 utilisé dans le traitement du diabète de type 2, cette injection hebdomadaire serait à la fois efficace et sûre. Les essais cliniques ont débouché sur une perte de poids moyenne de 15%, avec des effets secondaires "tolérables". La société n'a pas encore obtenu de remboursement de son remède par Medicare, mais bien, et parfois largement, par des assurances privées. Elle a dès lors bénéficié d'une forte demande et estime qu'elle pourrait atteindre un chiffre d'affaires de 3,7 milliards de dollars en 2025 dans le domaine de l'obésité. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly n'est pas en reste, ou plutôt: il devrait rattraper son retard. Toujours dans la famille des traitements injectables GLP-1 (domaine dans lequel les deux groupes sont en situation de duopole), il a mis au point la tirzépatide, dont les effets sont supérieurs au sémaglutide: la perte de poids observée lors des essais cliniques atteint 22%. La société devrait demander l'approbation du médicament en 2023. Par ailleurs, ces deux entreprises sont déjà en train de préparer la génération de traitements suivante, notamment par voie orale. Avec la conscience croissante du problème et (surtout? ) de son coût, on peut imaginer que les traitements contre l'obésité finiront par être assez largement remboursés. Et ceci alors qu'on craint un taux d'obésité de 20% en 2030, ce qui concernerait plus d'un milliard et demi de personnes. Tout ceci est très prometteur, mais... Les experts de Capital Group ne font pas l'impasse sur un sérieux bémol: l'obésité touche davantage les populations pauvres que les nanties, c'est bien connu. Les traitements étant fort coûteux (le sémaglutide coûte 1.350 dollars par mois aux États-Unis), d'importants remboursements sont indispensables à leur succès commercial. D'autant qu'on ne sait pas dans quelle mesure ces traitements devront être maintenus sur le long terme. L'autre réserve se situe sur le plan boursier: les investisseurs ne sont pas restés indifférents à la percée de ces entreprises sur le terrain de l'obésité et à leurs belles perspectives. En conséquence, leurs actions ont bondi: +27% pour Novo Nordisk et +53% pour Eli Lilly sur les 12 derniers mois, avec des rapports cours-bénéfice respectifs de 37 et 56. L'ensemble du secteur santé de la Bourse américaine n'a progressé que de 7% dans le même temps. C'est dire que les chouchous de Capital Group ont pris de l'avance...