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Les rémunérations des dirigeants d'entreprises sont des frais professionnels pour l'entreprise, de même que l'est aussi tout ce qui tombe sous la notion de " rémunération du dirigeant d'entreprise" tels que les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle. Tous les frais déboursés par l'entreprise ne sont cependant pas forcément déductibles. Il faut que ces dépenses respectent l'article 49 du Code des impôts sur les revenus qui impose qu'elles soient exposées en vue de "recueillir des revenus imposables", ce qui implique qu'elles doivent être économiquement justifiées. Il faut savoir que l'administration n'aime pas beaucoup ces constructions juridiques qui couvrent l'achat par une société d'un immeuble pour l'utilisation personnelle de son dirigeant, encore plus lorsqu'il s'agit d'une résidence secondaire, comme c'est le cas d'un appartement à la mer. Après une longue saga judiciaire, les principales Cour d'appel du Royaume d'abord et la Cour de cassation ensuite ont avalisé le principe de la théorie de la rémunération. En d'autres termes, les juridictions de notre pays ont finalement admis que l'achat de ce type d'immeubles et leur mise ensuite à la disposition exclusive et privée du dirigeant participaient à la rémunération de celui-ci et donc étaient des dépenses déductibles. Sous le couvert de cette théorie de la rémunération, la jurisprudence avait néanmoins analysé d'autres critères annexes à la seule gratification du dirigeant pour en admettre la validité. En effet, l'achat d'un immeuble correspond souvent à un investissement pérenne et susceptible de produire une plus-value au terme de la détention. En plus de rémunérer son dirigeant, la société détentrice réalise donc par son achat, un placement judicieux et potentiellement rentable. La Cour d'appel de Gand vient de se prononcer en sens contraire à l'égard d'une situation similaire où cette fois-ci, le dirigeant avait intégré un mécanisme d'usufruit dans cette construction. Cette technique permet de diviser la propriété entre, d'une part, l'usufruitier qui dispose du droit d'utiliser le bien et donc d'en recueillir les revenus et, d'autre part, le nu-propriétaire qui est assuré de recevoir le bien dans son intégralité au terme de la période de l'usufruit. Classiquement, dans ce type de construction, le dirigeant achète la nue-propriété pour un prix calculé selon une formule complexe (qui avoisine généralement 20% du prix total) et la société acquiert l'usufruit, soit le droit d'utiliser le bien pour une période déterminée (10 à 20 ans) pour le solde. En fin de droit, le dirigeant récupère la propriété du bien dans son intégralité, souvent sans devoir indemniser la société qui aura payé l'essentiel du prix d'acquisition de l'immeuble et des aménagements. Bien que ces constructions juridiques ne soient pas exemptées totalement de risque, puisque l'administration les considère avec la plus grande méfiance, elles ne sont pas illégales pour autant qu'il y ait une véritable justification économique, par exemple lorsque sont acquis des biens destinés à la location où à l'exploitation par l'entreprise, la construction de bureaux, d'un entrepôt, etc. La Cour d'appel de Gand réaffirme donc dans son arrêt du 19 mai 2020 ce qu'elle avait déjà dit, à savoir que la théorie de la rémunération n'est pas suffisante pour justifier l'absence de taxation puisque l'acquisition a été réalisée dans cette affaire, dans le seul but de profiter au seul gérant (qui exerçait ici à titre gratuit) et sans perspective pour la société, de pouvoir en tirer un rendement quelconque. Elle a donc rejeté les dépenses de la société sur la base de l'article 49 du CIR. Cette jurisprudence nous enseigne que si elle a largement validé le principe de la théorie de la rémunération et s'il est toujours possible de mettre en place un mécanisme de démembrement entre une société et son dirigeant ; il faut néanmoins toujours tenir compte de l'équilibre des forces en présence et éviter de se lancer dans des mécanismes d'optimisation fiscale trop agressifs.