La 58e édition du cycle de perfectionnement en sciences hospitalières de l'UCLouvain a démarré fin novembre. Au menu de la première journée de formation: la prévention. S'il ne fallait retenir qu'une intervention, c'est bien celle d'Adrien Dufour, directeur général de la Clinique St-Luc à Bouge. Son message est clair: le chemin vers une prévention efficace commence par un engagement fort à tous les niveaux de la société. Et l'hôpital a un rôle à jouer.
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La prévention est de la responsabilité de tous mais, dans l'évolution de nos systèmes de santé, une question se pose: quel rôle pour les hôpitaux? Est-ce une compétence d'avenir ou doit-elle être déléguée? "Nous ne pouvons plus ignorer que nos hôpitaux doivent jouer un rôle plus actif dans la prévention", annonce d'emblée Adrien Dufour. En une phrase, il a résumé l'urgence d'un état des lieux où l'hôpital ne peut plus être vu simplement comme un centre de soin curatif, mais comme un acteur pivot de la chaîne de santé publique. "En Belgique, nous avons construit une infrastructure de soins des plus avancées. Pourtant, nos efforts en matière de prévention restent bien en deçà des capacités et des besoins", ajoute le CEO. Adrien Dufour place la prévention tertiaire au coeur de ses préoccupations. "La prévention ne s'arrête pas aux portes de l'hôpital", insiste-t-il. Ce concept, souvent négligé, implique que l'hôpital doit s'engager activement pour éviter les complications et les rechutes de maladies chez les patients. Il ne s'agit pas seulement de traiter, mais de transcender la fonction de l'hôpital vers une mission de prévention proactive, permettant ainsi non seulement de sauver des vies, mais aussi de réduire considérablement les coûts des soins de santé à long terme. "Chaque réhospitalisation évitée est un poids en moins sur le système, tant humainement que financièrement", estime Adrien Dufour, qui plaide pour des changements structurels et culturels au sein des établissements. Pour y arriver, la recette est connue: il faut dépasser les cloisonnements traditionnels en santé. "Briser les silos est essentiel", confirme l'homme fort de St-Luc Bouge, référant aux divisions entre les différentes disciplines et départements au sein des hôpitaux. Pour lui, "une approche intégrée, impliquant médecins, paramédicaux et administratifs, est cruciale pour maximiser l'impact des programmes de prévention". Cette intégration, toutefois, requiert un changement de mentalité significatif. Tous les acteurs du système de santé doivent être engagés dans une dynamique collaborative, tournée vers le bien-être du patient à long terme. Adrien Dufour partage quelques exemples concrets d'approches interdisciplinaires déjà en cours à la Clinique St-Luc, où des équipes mixtes travaillent ensemble pour anticiper les besoins des patients et réduire les facteurs de risque. "Ces équipes ne se contentent pas de réagir, elles anticipent", ajoute-t-il. "Une telle orientation proactive dans la gestion des maladies chroniques, qui représentent une partie significative des dépenses de santé, est cruciale."L'exploitation des données de santé est une autre pierre angulaire de l'argumentaire d'Adrien Dufour. "Avec les quantités de données que nous collectons, nous pouvons améliorer non seulement les soins pour nos patients, mais aussi tirer des enseignements précieux susceptibles d'orienter les politiques de santé publique", affirme le CEO. "En mobilisant les technologies numériques et l'analyse de données, les hôpitaux peuvent non seulement optimiser leurs opérations mais aussi contribuer à une meilleure compréhension des déterminants de santé à l'échelle nationale."Pour arriver à un tel résultat, le patient a aussi un rôle à jouer. D'où le rôle crucial de l'éducation en santé. "L'éducation n'est pas un luxe mais une nécessité", explique Adrien Dufour. "Nous devons fournir aux patients non seulement des traitements, mais aussi un accompagnement éducatif pour favoriser l'adhésion aux pratiques de vie saine."Si Adrien Dufour met en avant les nombreux avantages de la prévention tertiaire, il existe un obstacle majeur à sa mise en oeuvre: le financement. "Nous sommes malheureusement coincés dans un mode de financement qui récompense le traitement plutôt que la prévention", explique-t-il, critique. Il plaide pour un modèle économique qui ne pénalise pas les initiatives de prévention, mais au contraire, les encourage. "Pour voir des résultats durables, les incitations financières doivent être alignées sur les objectifs de santé publique." Et de souligner l'importance de politiques de soutien qui valorisent les efforts préventifs. Une des initiatives économiques proposées inclut la redéfinition des budgets alloués à la prévention, permettant ainsi aux hôpitaux d'intégrer plus efficacement des programmes de prévention dans leur service standard. "Un système qui soutient la prévention bénéficiera à tous, des patients aux praticiens", explique Adrien Dufour. Adrien Dufour a conclu son intervention par un appel à la "responsabilité collective". Pour lui, l'interaction entre les hôpitaux, les partenaires de santé, et les communautés locales est une composante incontournable d'une stratégie efficace de prévention. "La prévention n'est pas une mission isolée, elle doit être au coeur de notre stratégie sanitaire collective", soutient-il, mettant en garde contre l'inaction face aux défis actuels. "Chaque contribution compte. Quand il s'agit de prévention, chaque acteur doit jouer son rôle"